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Perpignan :

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Photo est à l’origine de Visa pour l’Image. Depuis sa création, en 1989, il lui consacre chaque année un numéro spécial. Voici celui qui a été réalisé pour le Visa 2014, qui s’ouvre aujourd’hui. Il commence par une interview de Jean-François Leroy, directeur de Visa pour l’Image, et de Delphine Lelu, son adjointe.

Photo : Visa pour l’Image a plus de 25 ans. Dans quel état d’esprit attaquez-vous la 26e édition ?
Jean-François Leroy : J’ai autant d’enthousiasme qu’en 1989 et moins de stress, car tout est plus fluide, les équipes sont plus expérimentées. Je ressens toujours autant de plaisir à découvrir des sujets forts, réalisés par des photographes que je suis depuis longtemps, ou d’en découvrir de nouveaux. Je mets toujours autant d’engagement et de passion à faire ressurgir des histoires du passé, à mettre en lumière de grands noms.
Delphine Lelu : De plus, bien que la situation économique soit difficile, nos partenaires historiques comme Canon sont à nos côtés financièrement. Ça aussi, ça apporte de la sérénité !

Quelles sont les grandes tendances de Visa 2014 ?
J.-F.L. : Il suffit de considérer l’actualité de ces deux derniers mois : l’Irak, la Syrie, la Centrafrique, l’Ukraine, la Somalie, Gaza… La matière première d’un festival de photojournalisme — et, malheureusement, cette année le prouve encore, je ne m’en réjouis pas —, ce sont les conflits. Le monde va très mal et, pour Visa, c’est un matériel inouï !
D.L. : Pour la première fois depuis longtemps, on aurait pu faire cette année davantage d’expositions que celles que nous avons programmées. Plusieurs sujets auraient mérité un bel espace. Ce sont les lieux qui nous ont manqués.

Comment expliquez-vous ça ?
J.-F.L. : L’actualité de l’année a été extraordinairement forte. Le 9 décembre, il y a eu l’intervention française en Centrafrique. Ce même mois, les troubles en Ukraine ont commencé. Ces événements donnent des images absolument incroyables. On pouvait penser que ça allait se tasser en Ukraine. Pourtant, non ! Viennent la Crimée et l’enlisement avec Donetsk Slaviansk. Il est rare qu’en août nous recevions encore des images. Cette année, ç’a été le cas, tant l’actualité est riche.

Visa pour l’Image est mondialement connu pour ses expos et ses projections. Vous avez mis en place d’autres dynamiques, comme Transmission…
D.L. : Transmission pour l’Image est un lieu d’échanges. Ce n’est pas un stage où l’on apprend comment prendre une photo mais plutôt comment devenir un photojournaliste ! De grands photographes passent le relais, racontent leur façon de travailler, d’éditer, de vendre… Ils transmettent leur engagement, leur vision, leur savoir et, sans doute, les valeurs de Visa pour l’Image. Cette année, Chris Morris est responsable des ateliers.
J.-F.L. : L’an dernier, un photographe de la première édition de Transmission, Phil Moore, a exposé son reportage sur la République démocratique du Congo. Nous en sommes très fiers ! Nous suivons attentivement les photographes qui sont passés par Transmission. On les voit grandir, comme Valentin Bianchi, Mazen Saggar ou Benjamin Girette. De belles amitiés naissent aussi !

Comme celle qui s’est nouée entre Pierre Terdjman et Benjamin Girette, qui ont créé Dysturb. Photo est en partenariat avec eux. Que pensez- vous de ce nouveau concept ?
D.L. : C’est génial, ingénieux, efficace ! Nous les soutenons à 100 %.
J.-F.L. : C’est une initiative formidable ! Les photojournalistes en ont marre de faire des photos qui ne peuvent pas délivrer leur information, faute de support ! Les murs des villes sont plus accueillants que les pages des magazines et sûrement plus regardés. Maintenant, ça reste de l’affichage sauvage, donc risqué ! Les photographes doivent être créatifs pour espérer s’en sortir en cette période. Il faut qu’ils trouvent d’autres débouchés que la presse. Ils comptent maintenant sur l’obtention de bourses, de prix, de dotations. Ils cherchent, inventent, se débrouillent… Ils créent une économie nouvelle pour travailler et continuer de témoigner.

Dysturb sera sûrement sur les murs de Perpignan. Depuis déjà plusieurs années, Visa pour l’Image est un tremplin pour lancer son projet.
J.-F.L. : Bien sûr ! Plus de 3 000 participants professionnels vont être rassemblés à Perpignan, et nulle part ailleurs au monde ! Quand on annonce son projet à Perpignan, le Washington Post, le New York Times, le National Geographic ou le Fig Mag en sont informés. C’est devenu un point stratégique pour braquer les projecteurs sur un événement.
D.L. : Les gens se servent du festival pour lancer leur projet. Le retour est plus rare. Certains nous demandent de faire une conférence pour annoncer un livre, un film, une nouvelle structure. Nous faisons des pieds et des mains pour leur offrir un espace le mardi dans notre planning surchargé et… ils râlent, parce que ce n’est pas le jour qu’ils auraient souhaité ! C’est parfois très frustrant.

Et pour toi, Jean-François, qu’est-ce qui est frustrant ?
J.-F.L. : Delphine, qui est beaucoup plus jeune que moi, tant à l’état civil que dans le métier, commence à réaliser à quel point les photographes peuvent être ingrats ! En ce qui me concerne, la frustration vient plutôt du fait que trop de personnes pensent que Visa pour l’Image, ce sont quinze jours dans l’année. Par exemple, un photographe nous soumet en mai ses photos sur l’enterrement de Nelson Mandela qui a eu lieu mi-décembre ! Or, notre chrono de l’actualité de décembre est clôturé début mars ! On n’attend pas le 15 août pour travailler sur les chronos. Je passe à côté d’un bon travail, lui passe à côté d’une belle visibilité ! Les six soirées de projection sont des machines de guerre, elles nécessitent une quinzaine de personnes et un travail régulier pour happer l’actualité au moment où elle se produit et éditer les images ! Ce manque de perception de l’ampleur du travail réalisé est frustrant, et c’est aussi un manque de respect. Visa pour l’Image est, pour toute l’équipe, un plein temps toute l’année.

A la conférence de presse, le représentant du ministère de la Culture disait que Visa pour l’Image était d’utilité publique. Recevez-vous de l’État les mêmes subventions que les Rencontres d’Arles ?
J.-F.L. : J’aimerais bien ! Au début du festival, en 1989-1990, l’écart important entre les deux événements se justifiait ; aujourd’hui, c’est complètement disproportionné ! Visa pour l’Image accueille plus de 3 000 professionnels et plus de 225 000 visiteurs ! Nous étions montés à 127 000 € de subventions et nous sommes redescendus à 100 000 €.
D.L. : Ce qui n’est pas logique, c’est qu’Arles perçoive plus que nous alors que, chez eux, l’accès aux expositions et aux projections est payant ! Nous, nous les offrons. De plus, ils n’ont pas la même qualité de projection que la nôtre. Elle représente une grosse partie de notre budget. C’est injuste.

Si vous aviez davantage d’argent, qu’en feriez-vous ?
J.-F.L. : On en ferait tout d’abord profiter nos laboratoires partenaires, e-Center, Central Dupon, Fenêtre sur Cour et Processus. Ensuite, ça fait 26 ans qu’on nous reproche la taille unique des tirages de Perpignan. Quand un laboratoire nous aide pour les tirages, on ne peut pas se permettre de lui demander des tirages 80-120 cm. C’est devenu un choix éditorial, certes — tout le monde sur le même pied —, mais on souhaiterait pouvoir s’autoriser une petite fantaisie de temps en temps !
D.L. : Les seules fois où les tirages ont été de taille différente, c’était pour des commandes de l’État — les frais étaient pris en charge. Et lorsque, l’an dernier, Canon a payé pour les deux tirages géants de Don McCullin.

Quelle a été votre réaction à propos du départ brutal de François Hébel, après quatorze années de Rencontres d’Arles et un bras de fer avec les pouvoirs publics ?
D.L. : Dans un premier temps, nous avons été choqués. Lui enlever les Ateliers SNCF, c’est comme nous retirer le Couvent des Minimes !
J.-F.L. : Ça peut m’arriver, bien que j’aie un statut différent de celui de François Hébel. En 1997, quand nous avons créé Images Évidences, Roger Thérond m’avait fait mettre une clause qui me préserve puisque les contrats de sponsoring sont signés avec mon nom propre. Mon successeur pourra renégocier les contrats, mais c’est tout de même beaucoup plus compliqué. Mais tout est possible !

Un autre départ, certes moins médiatique, a secoué le petit monde de la photo : c’est celui de Pascal Briard, directeur de la communication de Canon France et fidèle de Visa…
J.-F.L. : Pascal, c’est mon compagnon de route sur 30 ans. Il a toujours été très créatif. Maintenant, mon interlocuteur, et sponsor principal, reste Canon Europe — et Pascal reste mon ami !
D.L. : La profession entière a été secouée ! Nous avons été harcelés de coups de fil les jours qui ont suivi l’annonce de son départ.

Depuis vingt-six ans, qu’est-ce qui vous apporte toujours autant de plaisir ?
D.L. : La rencontre avec les photographes. Le suivi de leur évolution.
J.-F.L. : La découverte de nouveaux talents. J’étais en train de relire un papier qu’on avait fait pour les dix ans de Visa, je n’en change pas une ligne. Quand on voit le nombre de photographes qui sont nés à Visa et qu’on voit grandir, ça me ravit. Notre coup de cœur de l’année dernière, Capucine Granier-Deferre, a fait un travail incroyable cette année. La petite Laurence Geai, que personne ne connaissait il y a deux mois, a accompli deux boulots hallucinants. Alvaro Ybarra Zavala continue de m’étonner. Sebastián Liste me surprend. Cet enthousiasme-là ne change pas. Quand on reçoit des sujets — de moins en moins par CD, de plus en plus sur le FTP — et qu’on ouvre ça avec Delphine, on a toujours d’excellentes surprises.
D.L. : Ce qui est très émouvant, c’est que souvent, lorsqu’on donne des réponses négatives aux photographes, leur retour, c’est : « Merci de m’avoir répondu, je suis trop content, je réessayerai l’année prochaine ! » Ça, ça fait plaisir. Et puis, bien sûr, ceux qu’on accepte et qui sont fous de bonheur.
J.-F.L. : J’ajouterai que la fidélité de mon équipe est peut-être ma plus grande satisfaction.

Entretien réalisé pour Photo en août 2014 par Agnès Grégoire

FESTIVAL
Visa pour l’image – Perpignan
Du 30 août au 14 septembre 2014
Hôtel Pams
18, rue Emile Zola
66000 Perpignan
France
Tel: +33 4 68 62 38 00
[email protected]
http://www.visapourlimage.com

 

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