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Payram – Ce que mes yeux ont senti

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Le sommeil des éclairs

À tout artiste, un récit fondateur.
L’exil français de Payram l’Iranien est au plus près de ce qui constitue son œuvre depuis plus de trente ans. Et cette œuvre est de cette matière photosensible où se joue la possibilité d’abolir les distances.

Sous quelles formes la lumière se laisse-t-elle saisir ?
Celles de substances qui s’en trouvent modifiées et parfois de- viennent des images. Payram est l’un des artisans les plus libres de cette alchimie. Mais l’opération n’est pas sans mystère et renvoie les images à bien autre chose qu’un simple enregistrement. C’est dans cette incertitude même que Payram œuvre à conserver l’alliance intime du processus lumineux et du sujet représenté. Comme si l’origine de l’image, en un éclair, se confondait avec sa fin.

Torse féminin pris dans le vertige de la spirale lumineuse. Lumière dont ne sait quelle est la source si puissante qu’elle grave son empreinte : Payram fait du laboratoire un écritoire. Non seulement, en éminent tireur, il fait venir ce qu’il veut du négatif, mais il le nourrit à nouveau de jets de lumière graphique. La figure classique du torso – dénudé, le bras remonté en masque – n’est plus celui pudique de l’atelier du peintre, mais le mouvement aveuglé par l’éclair qui le fait apparaître.

Parfois la lumière vient du dedans des images.
Elle matérialise peut-être une parole, ou un cri muet. Comme si, avec l’allégorie du cri, il s’agissait de faire sourdre en séquence cette énergie jusqu’à dévorer la représentation. Une douleur comme une éclipse : un aller-retour inédit de ce qui rend l’image possible, puis la détruit.

C’est ce que la série Fragile proposait déjà, sur près de vingt années avec l’allégorie violente du feu qui dévore l’image et de celle de la consolation indolente de visages qui, dans l’attitude d’une melancholia où le corps se baigne dans les lueurs, trouvent la chaleur cette fois douce du repos de l’esprit. Et la force d’affronter la solitude.

La consolation est le sommeil dans la lumière.
Lumière pigmentaire métamorphosée du polaroid devenu miniature persane : petites icônes de chevet qui éloignent la mort et invitent au rêve. Cette production inédite des années 1990 nous arrive aujourd’hui, plus de vingt ans après leur naissance comme le retour de filles prodigues dans la famille des images. Après leur nuit si longue, les voici qui s’éveillent faisant du sommeil même l’image du temps éteint.
L’image photographique est le recueil de l’éclair, cette figure de la distance abolie. Là où la lumière entame un long sommeil sans mourir. La condition de l’exil est aussi la condition de l’œuvre. Le renoncement ouvre un destin. Payram invente dans cette saudade persane des images où le temps et la distance s’annulent par la sensualité qui est une érotique de la consolation.
La photographie, viatique brûlant de l’Exilé.

 

Payram – Ce que mes yeux ont senti
du 25 octobre au 8 décembre 2018
Galerie Maubert
20 rue Saint-Gilles
75003 Paris

https://galeriemaubert.com/

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