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Paul Almasy par Pierre Abramovici

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Paul Almasy est peu connu. Ou, s’il l’a été, c’est comme le plus petit des « grands » photographes hongrois.

Sur ses vieux jours, Paul était devenu un ami alors même que je commençais ma carrière de photojournaliste puis de journaliste à la télé.

C’est la défense de la profession qui nous avait rapproché, j’étais alors un des responsables du secteur photo du Syndicat National des Journalistes. Pilier de l’ANJRPC, il était très attaché au statut de journaliste pour les photographes de presse, à une époque (vote de la loi Cressard en 1974) où il était encore difficile pour les photographes de toucher un salaire.

Paul enseignait le photojournalisme au Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes, et justement le CFJ était dans le même immeuble de la rue du Louvre, à Paris. On prenait régulièrement le café ensemble.

Nous étions donc amis, malgré la différence d’âge. Moi, débutant. Lui, ayant parcouru le monde et le siècle.

 

UN INCONNU CÉLÈBRE

Né en 1906, Pal Almasy n’était, à priori, pas destiné à être photographe. Etudiant en sciences politiques jusqu’en 1927 en Allemagne, il est attiré par le journalisme. Ses premiers pas dans le métier le conduisent au Maroc pendant la révolte d’Abd El-Krim en 1925.

Ce n’est qu’en 1935 qu’il photographie pour illustrer ses articles.

Comme beaucoup d’autres compatriotes, il s’installe à Paris et décide de vivre en France.

Il commence à travailler pour l’éditeur suisse Ringier et la Schweizer Illustrierte. Almasy s’achète son premier appareil photo à Lausanne, un Leica, qu’il conservera toute sa vie et plus tard trois Hasselblad avec lesquels il dit avoir réalisé 80% de ses images, sans compter un Rolleiflex.

Typiquement, l’appareil photo est un instrument de son travail journalistique. Il ne s’inscrira jamais dans une démarche artistique en préférant le contenu au cadre. Il dira dans une interview à un journal helvétique : l’esthétique confine à la «seconde zone» (zweitrangig dans le texte). Jamais elle ne doit dominer dans le travail du photojournaliste, dont le rôle est d’informer, non de déformer. Il interviewera ET photographiera Mussolini, Eisenhower, de Gaulle, Adenauer, Nehru, André Breton, Chagall ou Giacometti. Français depuis 1956, il est l’un des membres fondateurs des « Gens d’image » créé par Albert Plécy et Jacques Henri Lartigue.Il voyage en Afrique, en Asie. Il y effectue de nombreux reportages, travaille pour les services d’information du gouvernement américain, réalise des missions dans les régions polaires pour le compte de l’OMS et se rend pour des reportages de l’Alaska jusqu’au Cap Horn, il est chargé par le Bureau international du Travail pour des reportages en Extrême-Orient. Il va aussi travailler, des années, pour le Journal de l’UNESCO. Beaucoup de travail documentaire, sociologique et, souvent, dans le domaine de l’éducation et de la culture. En tout 260 000 clichés pris dans le monde entier. Dans une de ses interviews, il s’amusait de ne pas avoir bouclé son tour du monde des pays : «Après l’éclatement de l’URSS, il y a onze nations du monde qui me manquent.»

 

UN FONDS OUBLIE

En 1995, il s’arrête et vend toutes ses photos couleurs à Corbis et ses 120 000 négatifs noir et blanc, à AKG – Berlin.

Mais, en vérité, une petite partie de ses photos part à Monaco.

Entre 1997 et 1999, je prépare ce qui deviendra un documentaire pour ARTE et un livre au Seuil, sur l’histoire de la principauté pendant la guerre.

A la recherche de documents photos sur cette période, je me suis souvenu que Paul avait vécu à Monaco pendant la guerre. Journaliste pour la presse neutre suisse, il disposait des autorisations dont ne bénéficiait pas la presse locale. Et, surtout, il était ravitaillé en pellicules, fort rares à l’époque. De l’Agfa, donc d’excellente qualité.

Chez AKG – Paris, je trouve son fonds monégasque mal légendé par l’agence. Travaillant sur l’histoire locale, j’en ai profité pour donner des indications sur le contenu et le contexte des images,.

Encore quelques années et devenu historien, j’ai été chargé par le prince Albert de Monaco de réfléchir, entre autres, au devenir de la collection photographique du palais princier. Un fonds exceptionnel, de plusieurs centaines de milliers de clichés de 1856 à nos jours.

Paul m’avait dit qu’il avait vendu au prince Rainier des photos de la guerre. Après une longue recherche, j’ai retrouvé une boite contenant plusieurs centaines de négatifs correspondant effectivement à la guerre et complétant le fonds AKG. Une boite jamais ouverte depuis la vente des négatifs au palais.

Paul était très organisé. Chaque négatif se trouve dans une enveloppe. Laquelle porte un numéro et un tirage du négatif. Une sorte de planche contact en morceaux. Pour référencer ces images, j’avais entre les mains certains de ses articles dont les photos étaient les légendes.

Toujours le texte avec l’image. Paul était un photojournaliste qui se disait journaliste mais surtout pas photographe !

Néanmoins, quant on compare avec le reste de la production photographique locale, il ne fait aucun doute que c’était bien, à la fois, un bon photographe et un bon journaliste qui s’exprimait. Toujours là où il fallait, en évitant, autant que possible, le cliché inhérent à la principauté, même pendant les années de guerre, ses photos permettent de faire un vrai panorama de l’histoire locale pendant cette période.

Pierre Abramovici

 

 

 

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