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Patrick Zachmann : So long China, un livre, une exposition

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Avec l’exposition à la Maison européenne de la Photographie et un livre aux éditions Xavier Barral, Patrick Zachmann clôt son travail sur la Chine qui s’étale sur plus de 30 ans. Mêlant noir et blanc et couleur, argentique et numérique, ces différentes séries ainsi réunies forment comme une rétrospective du photographe de Magnum. Partenaire de l’exposition, Picto a réalisé les tirages exposés à la MEP, l’occasion pour L’Œil de la Photographie de mettre à jour la relation tireur/photographe à travers une conversation croisée entre Patrick Zachmann et Fred Jourda, le tireur couleur du laboratoire.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Patrick Zachmann : Je crois que c’était sur le projet du Mali, il y a plus de 20 ans à l’occasion d’une exposition qui se tenait à la Villette. Il y avait notamment des diptyques rassemblant des photographies couleur et des noir et blanc.

Fred Jourda : J’avais tiré les premières et Payram les secondes puisque depuis que je suis entré à Picto en 1986 après avoir fait l’école Louis-Lumière, j’ai toujours fait du tirage couleur exclusivement. Picto et moi, c’est une longue histoire puisque mon père y a travaillé de 1960 à 2004. C’est là que j’ai effectué mes premiers stages… Ce métier, c’est à la fois une vocation et une passion.

Quelle est la proportion couleur-noir et blanc dans votre travail ? 

Patrick Zachmann : Je dirais 40-60 %. Au départ, je suis un photographe noir et blanc dans la tradition de la photographie de rue et sociale… Puis j’en ai été lassé, saturé. Je suis donc passé à la couleur parce que je n’aime pas trop me répéter. Depuis, je fais des allers-retours… J’ai mis longtemps à trouver ma patte ou disons ma vision en couleur parce qu’au début c’était des diapositives et je n’ai jamais aimé le rendu des couleurs saturées. J’ai trouvé mon style dès que le négatif couleur est devenu plus performant. Cela a pris du temps parce que la couleur, c’est extrêmement difficile…

Fred Jourda : C’est en effet complexe … d’autant plus que chacun perçoit les couleurs de façon unique, il y a une grande part de subjectivité…

La subjectivité est-elle plus grande en couleur ou en noir et blanc ?

Patrick Zachmann : En tout cas, je trouve qu’il est plus difficile de dépasser le côté documentaire de la réalité en couleur. Le noir et blanc est en effet déjà une transcription du réel puisqu’on voit en couleur. De plus, le noir et blanc gomme et efface de multiples détails et en accentue d’autres, comme l’expression des visages, l’émotion, la poésie… En couleur, cela devient vite de l’info ou c’est kitsch… Quand on passe de l’un à l’autre, on doit changer de lunettes si je peux dire. La démarche doit être différente en tout cas. Et lorsque, comme moi, on s’intéresse aux gens, la couleur complique les choses… Parfois, il y a conflit : l’œil est à la fois attiré par les taches de couleur et par l’humain… Certains photographes font de la couleur mais accordent trop d’importance aux sujets ou aux gens et pas à la couleur…

Faire de la couleur et être un photographe coloriste, ce n’est pas la même chose… 

Patrick Zachmann : Ce qui m’intéresse avec la couleur, c’est que c’est une autre vision. Par exemple, la série “Impressions de nuit” (2001-2007) s’éloigne du reportage… On est dans la poésie, l’onirisme…

Fred Jourda : Oui, là on est dans un travail de coloriste.

Pour bien tirer les images d’un auteur, est-il important d’aimer son travail ?

Fred Jourda : Disons que c’est toujours mieux d’avoir de l’empathie avec le travail. Mon travail reste avant tout de satisfaire le photographe. Apprécier la personne est un plus car une relation de confiance doit s’instaurer et ce, sur le long terme. Le tirage est un travail de longue haleine, fait de nombreux va-et-vient.

Patrick Zachmann : Nous avons travaillé quatre ou cinq fois ensemble. Certes un tireur ne peut pas aimer tous les auteurs mais il est nécessaire qu’une complicité humaine et professionnelle s’installe car parfois les rapports peuvent être difficiles. En tant que photographe, j’ai une exigence. Parfois, il y a de la tension ; parfois des négociations sont nécessaires…

D’autant plus que le photographe expérimenté que vous êtes a une vision assez précise de ce qu’il veut… Cela vous est-il arrivé d’être en désaccord ?

Fred Jourda : Il est important d’être à l’écoute du photographe et de faire ce qu’il veut, et non pas de faire ce qu’on a envie de faire en tant que tireur. Il s’agit de décrypter ce qu’il attend en terme de densité, de rendu de couleur, etc. La difficulté est de parvenir à comprendre ce qu’il souhaite et de le retranscrire…

Patrick Zachmann : Avec Fred, j’apprécie le dialogue. Ce n’est jamais pénible, ce qui n’est pas toujours le cas. Il faut dire que j’ai pour habitude de faire refaire tant que je ne suis pas satisfait. Cela peut être une fois, deux fois, plus si nécessaire. C’est arrivé qu’il me convainque sur certaines interprétations car il y a un véritable dialogue entre nous…

Comment commence le travail ? Les indications sont-elles précises ?

Fred Jourda : Tout débute par une discussion sur les circonstances des prises de vue, la série elle-même et le travail en général. Cela se poursuit par la visualisation des planches contacts… Souvent, j’ai des tirages de lecture (de référence) qui donnent une direction, donc j’essaye de m’en approcher. Pour la réalisation des petits formats, je tire l’image en intégralité ; pour les grands formats, comme par exemple les 60 x 90, je fais des bandes tests que je soumets à Patrick qui corrige : plus clair, plus foncé, moins rouge… Une fois qu’il est ok, je fais le tirage en entier, je lui montre, il valide… Cette opération se répète pour chaque tirage.

Patrick Zachmann : Pour moi, la première étape est importante. J’ai pour habitude de beaucoup contrôler ; j’ai besoin de cela… Et au final, cela fait gagner du temps.

Fred Jourda : Patrick fait partie de ces photographes qui savent ce qu’ils veulent… ce n’est pas le cas de tous, dans ces cas là, c’est à moi de les orienter.

Outre les photos noir et blanc tirées par Payram et les couleurs réalisées par Fred Jourda, vous avez également fait appel au service online développé par Picto. Pourquoi ?

Patrick Zachmann : Grâce à la collaboration de Picto, j’ai pu concevoir l’exposition à la MEP comme je l’entendais. J’ai ainsi pu mettre l’accent sur mon travail en argentique. Mais après discussion avec François Georges (Picto), nous avons convenu que d’autres images nécessitaient moins d’attention, notamment les séries “Face aux Mingong” (2006-2007) et “Retour à Wenzhou” (2005-2007) car ce sont des parties plus journalistiques. Pour des raisons budgétaires, j’ai donc fait ces tirages via le service online de Picto. J’ai d’abord fait des tests en préparant bien les fichiers pour être sûr du résultat et au final je suis satisfait. Ce type d’images le permettait mais j’avoue que je réfléchirais avant de le faire pour une grande série…

EXPOSITION
So long China
Patrick Zachmann
Du 6 avril au 5 juin 2016
MEP – Maison Européenne de la Photographie
5/7 rue de Fourcy
75004 Paris
France
Tirages réalisés par le laboratoire Picto.
http://www.magnumphotos.com
http://www.mep-fr.org/

A VOIR EGALEMENT
Extérieur Chine
Photographies de Patrick Zachmann, 1982-1992
Du 5 avril au 27 juin 2016
Boîte Arts graphiques
Musée du quai Branly
37 quai Branly
75007 Paris
France
http://www.quaibranly.fr

LIVRE
So long China
Patrick Zachmann
Editions Xavier Barral
Relié
17 x 22,5 cm
592 pages
345 photographies N&B et couleur
Prix : 45 € TTC
ISBN : 978-2-36511-093-8
Édition limitée
Dans son étui, ouvrage signé accompagné d’un tirage argentique N&B signé
Édition numérotée de 1 à 50
Prix de lancement : 400 € TTC
http://www.exb.fr

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