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Paris Photo 2011 –Interview Julien Frydman

Le déménagement de Paris Photo de son site historique du Carrousel du Louvre au Grand Palais avait été décidé avant la nomination de Julien Frydman comme Commissaire, en remplacement de Guillaume Piens. Tout comme la thématique africaine qui braque cette année les projecteurs sur un continent et invite les Rencontres de Bamako, entre autres. Mais le nouvel homme en charge assume totalement et répond aux craintes d’un certain nombre de galeristes qui craignent que, en s’agrandissant, en s’ouvrant à certains des gros acteurs du marché de l’art contemporain, ce qui s’est positionné comme la plus importante foire au monde dans la spécialité perde son âme.

Après quinze années de succès, il fallait donner de l’amplitude à la foire. Le Grand Palais est un des plus beaux espaces de Paris, un lieu magique, et y transporter Paris Photo c’est affirmer que l’on veut dépasser sa reconnaissance actuelle, aller plus loin. Très clairement, je n’aurais accepté cette responsabilité au Carrousel. Certes, il y avait là une convivialité, une proximité, y compris physique, aux œuvres. Mais il y a un public plus large à attirer, auquel il faut encore faire comprendre que la photographie s’inscrit tout simplement dans le champ de la création contemporaine, qu’elle est singulière, mais que l’on ne saurait la réduire à son medium. Il faut donner davantage de clés, permettre enfin que cohabitent des pièces historiques majeures – qui étaient là – et des artistes très importants qui manquaient. Il faut que l’on puisse lire la photographie dans l’histoire de l’art, que l’on puisse naturellement évoquer Dubuffet en voyant un graffiti de Brassaï. Puisque l’on parle de la thématique africaine, André Magnin va montrer aussi de bien de la photographie, bien entendu, que de la peinture et de la sculpture qui permettent de la lire de façon plus complexe, plus complète.

Christian Caujolle: Un certain nombre de grands marchands font leur apparition, des poids lourds de l’art contemporain comme Gagosian et Marian Goodman, mais aussi des spécialistes de photographie jusqu’ici absents tels Pace Mac Gill et Jeffrey Fraenkel, rétif aux foires. Qu’est-ce que cela va changer ?

Julien Frydman: Incontestablement, la gamme de prix ! C’est une boutade, mais assez sérieuse. Il est important d’attirer des collectionneurs capables de débourser des sommes importantes pour des pièces contemporaines importantes et qui sont susceptibles de s’intéresser – et de découvrir – une image, un artiste, qu’ils ignorent ou connaissent mal. De la même façon, il est important que le public plus connaisseur de la tradition photographique se trouve face à des œuvres qui, trop souvent, se réduisent pour lui à des noms ou à des records généralement mal compris dans des résultats de ventes aux enchères. Et puis, ce n’est pas négligeable de pouvoir enfin proposer, par exemple, un ensemble important d’Avedon ou de Diane Arbus, plébiscités par le public dans les expositions et que les mêmes montrent Robert Adams, Lee Friedlander, Harry Calahan, Meatyard, David Goldblatt, Gurski ou Gregory Crewdson. Ce ne peut être qu’un plus.

Christian Caujolle: Vous insistez beaucoup sur la fonction des manifestations qui se déroulent pendant Paris Photo. Entre autres la « Plateforme ». Là aussi vous semblez vous éloigner du milieu de la photographie.

Julien Frydman: Mais je ne m’en éloigne pas, je le renforce. Demander à des critiques d’art, à des philosophes, à des intellectuels d’intervenir au moment d’une foire et dans son cadre n’est pas si courant. Là aussi, je pense qu’il faut donner de l’ampleur, se situer dans le vrai cadre, dans les vrais questions, interroger les processus de création, voir comment ils s’articulent, en photographie, avec d’autres domaines. On sait bien ce que le cinéma doit à la photographie et on feint d’ignorer ce que la photographie actuelle doit au cinéma. On pourrait dire la même chose des aller-retour entre photographie et peinture. Et il faut le dire, essayer en tout cas de l’interroger, de savoir. Il y a un signe fort quand la Fondation Luma de Maja Hoffmann, qui est un des partenaires essentiels des Rencontres d’Arles s’implique pour la première fois dans Paris Photo. Ce n’est certainement pas le côté « foire » qui l’intéresse le plus.

Christian Caujolle: Quelles ont été les réactions au déménagement ?

Julien Frydman: Incontestablement davantage d’inquiétude du côté des galeristes français que des étrangers qui voient immédiatement le côté prestigieux du Grand Palais pour leurs collectionneurs. Mais au final, même s’il faut effectivement voir ce qui va se passer, le fait de disposer de davantage d’espace, le fait que nous ayons tenu compte du changement d’échelle en installant des cimaises plus hautes, le fait que nous nous soucions très sérieusement du risque de froid que craignent certains est globalement bien passé. Je pense que tout le monde est plutôt excité, sait qu’il s’agit d’un pari, d’un beau pari. Et que c’est vraiment un pari d’avenir.

Christian Caujolle: Dans la présentation des collections institutionnelles, il n’y a aucun établissement français !

Julien Frydman: Les étrangers ont répondu plus vite, immédiatement. Mais nous aurons l’an prochain un Mois de la Photo à Paris centré autour de la création en France. Les occasions ne vont pas manquer et, de toutes façons, il n’y a là aucune volonté ni aucun ostracisme. Et il y a tout de même 35% de galeries françaises. Cela ne m’empêche pas de regarder beaucoup vers Londres et de penser qu’il y a là-bas, entre autres avec la Tate Modern, une énergie que nous n’avons plus chez nous actuellement.

Christian Caujolle: Vous ne semblez pas très favorables aux thématiques géographiques qui ont marqué Paris Photo ?

Julien Frydman: C’est vrai, parce que je pense que ce n’est peut-être plus nécessaire. Il y a eu des découvertes importantes, essentielles, je pense à l’Iran et au monde arabe, au Japon. Mais cette façon de se centrer sur un territoire, outre qu’elle finit par s’épuiser, me semble relever plus justement de la mécanique d’un festival que de celle d’une foire.

Christian Caujolle: Comment devient-on Commissaire de Paris Photo ?

Julien Frydman: Sur un coup de fil !

Propos recueillis par Christian Caujolle.

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