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Paris : Entre sculpture et photographie, Musée Rodin

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Michel Frizot, historien de l’art et de la photographie et Hélène Pinet, responsable des collections de photographies du musée Rodin se penchent sur la conjonction historique dans les années 60 entre sculpture et photographie à travers un choix de 8 artistes majeurs. Rodin avait été précurseur en ce domaine, comme en témoigne les travaux photographiques de Jean Limet dont le sculpteur appréciait l’inspiration pictorialiste (galerie arts graphiques).

La photographie s’inscrit comme un médium d’action avant d’être un medium artistique pour fixer un stade intermédiaire ou éphémère de création, dans le contexte des débuts du land art et de l’art conceptuel, le parcours s’ouvrant avec Richard Long et Gordon Matta-Clark.

Pour Richard Long, tout part de l’expérience de la marche dont il fixe une trace éphémère à partir de matériaux trouvés sur place (branchages, pierres, eau ) et qu’il documente par le truchement de la photographie. C’est le regardeur qui fixe alors le processus par le biais de son imagination. Il peut aussi créer des assemblages dans des lieux d’exposition interrogeant les liens nature et artifice par l’usage de matériaux à l’état brut ou retaillés.

Gordon Matta-Clark, lui, recherche le négatif en sculpture et en photographie à travers ces  spectaculaires « cuttings » qu’il opère sur des immeubles abandonnés ou promis à la démolition. Il perce les murs, plafonds et façades et soustrait pour mieux révéler l’ossature de l’enveloppe architecturale, opérant un principe de déconstruction. Réalisant systématiquement des photographies des étapes de son action et du résultat de ce découpage, il fait également des découpes de ses négatifs pour créer une circulation dans ses trouées.

Chez Giuseppe Penone, il est question d’équivalences entre la photographie et l’empreinte du corps à travers des pièges tendus au spectateur et à son regard comme avec « Retourner ses propres yeux ». A partir de l’analogie qu’il met en œuvre entre nature végétale et nature humaine jusqu’à possible métamorphose l’une dans l’autre, il met en scène son propre corps, véhicule de l’action saisie par la photographie, le moulage, l’agrandissement ou le négatif (« Géométrie dans les mains »).

John Chamberlain, autodidacte à l’esthétique baroque flamboyante part de tôles de carrosseries qu’il découpe et assemble par soudure comme le ferait le poète Robert Creeley, professeur au Black Mountain College, qui procède par fragments de réel, de perceptions et d’échanges. Il utilise ensuite un appareil panoramique Widelux à objectif tournant laissant une grande place au hasard et se servant de son bras à la place du viseur. En résultent des distorsions et étirements de formes à la croisée des genres.

Mac Adams qui a donné le titre de l’exposition en adepte de l’art narratif construit des puzzles à partir d’images inspirées du roman policier et du cinéma. Ses diptyques photographiques parsemés d’indices conçus comme des sculptures laissent au spectateur le soin de reconstituer l’avant et l’après. Un art de l’entre deux où la lumière joue un grand rôle (« shadow sculpture ») en faisant apparaître des formes court-circuitant nos attentes et perceptions.

Dieter Appelt se place lui aussi à la frontière fluctuante entre plusieurs médiums. Dans la lignée des actionnistes viennois ses performances rejouent des mythes anciens, aux origines de l’homme. Nu, le corps maculé d’argile, il explore la notion de surface, de strates, la photographie étant la seule trace de tels rituels. Fervent admirateur d’Erza Pound il part sur les lieux où le poète a vécu, leur donnant un aspect fantomatique par le biais de la vue négative.

Markus Raetz cultive équivalences et paradoxes autour de leurres de la perception visuelle qu’il conçoit à base de la photographie. Ses volumes dans un subtile jeu de miroir donnent naissance à des métamorphoses impliquant toujours un déplacement du spectateur. Son oeuvre la plus connue, l’homme au chapeau se dédoublant en son lièvre légendaire (clin d’oeil à Beuys) est accompagnée du « Cercle de polaroids » autour du cheminement d’un marcheur et d’une pièce inédite spécialement sortie de son atelier.

Cy Twombly moins connu pour ses sculptures, ces combinaisons de formes primitives évoquant des reliques ou objets symboliques, l’artiste n’a eu de cesse de pratiquer la photographie dès ses débuts au Black Mountain College. On découvre son goût pour le format carré du polaroid couleur et ses tulipes stridentes et floues dont la beauté luxueuse et fragile échappe à l’objectif. Comme un haïku en pleine promesse qui s’évanouit.

A nouveau organisée par un musée non photographique, cette exposition fascine par ces liens féconds tissés entre les médiums, ces affinités électives nouées par la photographie qui cristallisent l’élan créateur et précisent une pensée en devenir.

EXPOSITION
Entre sculpture et photographie
Du 12 avril au 17 juillet 2016
Musée Rodin
77, rue de Varenne
75007 Paris
France
http://www.musee-rodin.fr

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