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Nicolas Dhervillers, Detachment

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Dans Detachment, la nouvelle série photographique de Nicolas Dhervillers, la nature est givrée et très blanche. Les routes se taillent vers on ne sait où, ou bien se cassent sur des virages secs. Les forêts ressemblent à des jungles. Il y a des montagnes perdues, des pics et des ravins, un pont de métal entre deux mondes, le spectacle d’une cascade. On y trouve des eaux fumantes et des ciels mouillés comme des buvards que vient trouer, par endroits, un soleil lointain, presque élyséen, qui descend et éclaire, mirage ou vérité, des personnages minuscules et anachroniques.

Ce sont des Amish, des femmes, des hommes, des enfants qui regardent des rivières, le vide ou l’horizon, qui marchent au milieu de manteaux de neige et sur des terres pelées, qui errent au fond des bois, se fixent dans la lumière ou au pied d’une source, sur un rocher, sur la chaussée, qui le poing sur le menton comme un célèbre Penseur, considèrent la nature et leur condition.

Ce sont des Amish anabaptistes du dix-septième siècle, qui devant des eaux, parfois vaporeuses, parfois claires, hésitent entre la foi et la fuite, jeter ou embrasser la première de leurs règles : « Tu ne te conformeras point à ce monde qui t’entoure. »

Ce sont des figures, arrachées à l’oubli, des images volées sur Internet, qui semblent avoir perdu la mémoire et trouvé dans les photographies de Nicolas, une place, un coin, en attendant de trouver un sens à l’existence. Car dans l’œuvre de Dhervillers, les paysages sont pareilles à des solitudes ; ils sont des territoires métaphysiques, des méditations. Ils sont des expériences poétiques, romantiques et intérieures.

Et parce que les jours s’endorment et que les nuits se réveillent, que les décors baignent dans un air chien-loup, que les scènes se renversent toujours du côté de la séquence filmique, en permanence, il reste du mystère et une étrangeté. L’artiste, en parfait réalisateur, fabrique des collages fictionnels et esthétiques, à mi-chemin entre les peintures flamandes, les tableaux de Caspar David Friedrich et les errances des personnages de Tarkovski.

Avec Detachment, il offre à la communauté Amish anabaptiste, un territoire en haute définition, une seconde vie, une autre histoire, un possible retour en Suisse, là où tout a commencé. On ne saura pas si les acteurs miniatures de Nicolas sont sauvés, désenchantés, s’ils resteront coincés dans leur croyance solitaire ou s’ils feront le choix d’aller vers le monde des hommes, même si ce monde est fou et par endroits brisés, même si ce monde se meurt dans ses haines, même si ce monde parfois ne rêve plus ; ce monde est aussi capable des plus grandes aventures.

Detachment a été imaginé en 2015, après la vague d’attentats de Paris, il vient clore une trilogie commencée en 2011, dernier volet des séries, My Sentimentals Archives et Hommages.

Julie Estève

Julie Estève est une journaliste spécialisée en art contemporain basée à Paris, en France.

 

Nicolas Dhervillers, Detachment
Du 26 janvier au 11 mars 2017
School Gallery
322 rue Saint-Martin

75003 Paris

France
www.schoolgallery.fr

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