Le portrait est probablement un des genres le plus emblématique en art de la représentation: visages peints du Fayoum, portraits monarchiques, vierges en Majesté et donnateurs, photographies posées ou volées (celles de déportés, d’acteurs, de personnes publiques, d’anonymes, etc). L’image du visage –Imago est étymologiquement le masque des morts– traverse le temps. Le visage d’un souverain, celui d’un condamné à mort, ou celui de tout individu désormais disparu intrigue, concentre notre curiosité sur l’analyse d’une certaine vérité humaine qui serait déchiffrable à travers lui. Reconnaître, ce n’est pourtant pas connaître, et les morphologies restent à jamais mystérieuses et insondables. La forme du souvenir est mouvante et floue.
Dans cet ensemble de portraits, les figures -reflets de l’essence et de la psyché des individus- sont découpées, raccomodées, dans une chirurgie expiatoire et incertaine. Des identités oniriques ou monstrueuses se recomposent à l’instar de la créature du Frankenstein de Mary Shelley, morphologies labiles et imprécises, êtres fantastiques créés à partir de pages des magazines, de photos de stars, de « vedettes » du cinéma.
Ces effigies naissent de découpages, d’assemblages parfois cruels ou cocasses, aux accents chatoyants et éclatants, donnant lieu à une renaissance incessante (une expression dit que l’exécution en effigie est « l’application d’une peine physique à une représentation ou substitut du condamné faute de pouvoir la lui infliger de manière habituelle ». N’est-ce pas là l’aveu même de la force de la représentation?).
Têtes de vedettes, portraits suturés, greffes incertaines, tenant à la fois du mauvais sort et de la vénération du mystère. Une poétique cruelle, baroque et élégante émane de ces regards effacés, de ces sourires outrés ou de ces blessures colorées infligées aux sujets.
Chaque portrait révélant une ascendance lointaine, impalpable, inlassablement en transformation.
