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Lucien Chauffard, belle lumière dans l’ombre de Robert Doisneau

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Vendredi dernier, il y eut ce mail:

“Bonjour, j ai eu autrefois l opportunité de rencontrer Lucien Chauffard et j ai remarqué qu’il n’y avait guère de trace de ses photos ni de son importance dans la vie et l’oeuvre de Robert Doisneau. J’essaye de réparer cela. Il vient d’y avoir une exposition dans mon village où j ai essayé de retracer son importance.”

Naturellement, vous répondez immédiatement.

Et bonheur absolu, il est arrivé ceci.

Merci, madame.

Jean-Jacques Naudet

 

Si je vous dis : Robert Doisneau, aussitôt votre œil va s’allumer et les images vont se succéder, mais si je mentionne Lucien Chauffard… et pourtant ce dernier fut de l’avis même des filles de Robert Doisneau, un fil rouge dans la carrière de leur père.

Pour vous présenter Lucien, il me faut faire un petit saut dans le passé.

Lorsque, au début des années 80, je suis arrivée à la villa rose, tout près de Chalon sur Saone, au bord de la saone, on m’a présenté Lucien; le grand oncle de mon futur mari avait été , m’a t-on dit alors, un grand photographe, il avait travaillé avec Robert Doisneau, avait été employé par Louis Renault, avait connu Hélène Boucher, avait cotoyé l’univers de la publicité, on me montra ses dessins, ses tableaux et surtout ses photographies.

J’ai tout de suite ressenti une grande tendresse pour ce vieux monsieur dont la mémoire s’était égarée mais qui, réflexe de photographe, s’émerveillait devant un rayon de soleil en murmurant : belle lumière.

Perdu dans les souvenirs de sa vie passée, il classait, annotait et parfois déchirait les quelques clichés que son frère André laissait à sa disposition.

Un jour Lucien partit photographier les étoiles et réorganiser le service publicité du Paradis.

Les jours passèrent, les semaines, les mois, les années, les chemins de la vie m’éloignèrent de Saint Rémy. Puis un jour ma fille Anne Sophie me demanda de dessiner un portrait de cet arrière grand oncle qu’elle n’avait pas connu mais dont le souvenir planait toujours au dessus de la famille.

Ce furent alors : une descente dans les cartons de souvenirs, des recherches dans les mémoires, sur le Web.

J’ai pisté Lucien depuis sa naissance en 1906 à Oyonnax. J’ai vu le cercle de famille s’agrandir avec la naissance de son frère André en 1908.

J’ai suivi ses traces lors du retour de la famille à Chalon sur Saone après la grande guerre. Lucien, adolescent doué pour le dessin, montre alors des talents de dessinateur qui font dire à son maître qui lui rend un dessin : tu diras à ton papa que je lui ai mis 19 !

C’est en 1919 qu’il gagne le concours de l’affiche du carnaval de Chalon, affiche reprise pour le 50ème anniversaire et en 1971.

Suit son apprentissage de lithographe au Courrier de Saone et Loire. Mais Lucien a une idée en tête, il veut faire les Beaux Arts à Paris. Jeanne, sa mère, ne l’entend pas de cette oreille et il faudra qu’Auguste son père propose d’envoyer Lucien habiter chez la tante de Franconville pour que Jeanne cède, mais à une condition : elle ne financera pas les études de ce fils rebelle.

J’ai retrouvé Lucien à Paris, étudiant aux Beaux Arts, mais en architecture pour cause de manque de place. Le jeune homme se lève très tot et pour payer ses études décharge des camions aux halles.

Puis Lucien se met à créer et ce furent de nombreux dessins à la plume pour illustrer des affiches pour des stations balnéaires, des publicités.

En 1927 pendant son service militaire à Nancy il dessine l’affiche du meeting d’aviation.

Fin 1928, début 1929 Lucien retrouve Paris et cherchant du travail embauche à l’atelier ULLMANN, atelier spécialisé en publicité pharmaceutique. Il y est d’abord illustrateur puis photographe.

C’est chez Ullmann que Lucien rencontre pour la première fois le jeune Robert Doisneau embauché en tant que dessinateur de lettres. A cette époque Lucien fait de la photo et Robert est très intéressé. Lucien lui apprend la technique et quand il quitte l’entreprise, Doisneau termine le catalogue commencé par son mentor.

Lucien a donc quitté l’atelier Ullmann et comme il l’écrit à son ami Robert, il a fait connaissance avec un personnage merveilleux: André Vigneau. André Vigneau est alors directeur artistique de l’imprimerie Lercam-Press et il a monté un des premiers studios bien équipés de Paris, il est à la fois peintre, photographe, sculpteur et même musicien! Il est également le mari de Renée Albisser qui deviendra bien plus tard et jusqu’à son décès, la compagne de Lucien.

En 1931 Lucien introduira Robert chez Vigneau qui cherche un opérateur.

Lucien continue de dessiner des affiches, telle celle de la ville de Vichy qui fut reprise par la ville en 2017 comme carte de vœux.

C’est à cette époque en 1933, qu’il réalise pour le lancement de la celta quatre, une affiche remarquée par Louis Renault.

On fait à Lucien une offre pour entrer à mi-temps aux usines Renault en fixant son prix. Surpris par les exigences de Lucien, Monsieur Renault hésite d’abord puis l’embauche et quelques mois plus tard lui demande d’être son collaborateur à plein temps!

Lucien met en place le service photo et en aout 1934 embauchera son ami Robert qui vient de se marier.

C’est chez Renault que Lucien rencontrera les plus grands noms de l’automobile et de l’aviation comme Héléne Boucher, Madeleine Charnaux et Maurice Arnoux.

Mais pour Lucien, Renault est une cage dorée et en 1937 il démissionne.

C’est à cette époque qu’il crée son propre studio près de la porte d’Yvry et travaille avec Ergy Landau, créatrice avec Charles Rapho de l’agence RAPHO, Lucien présentera Robert à Ergy Landau.

J’ai également retrouvé des collaborations entre Lucien et Robert comme par exemple un protège cahier publicité Simca.

Lucien a travaillé pour Simca : c ‘est lui qui a dessiné le logo Hirondelle de 1938,

Après Renault, suit toute une carrière de photographe indépendant et de publiciste, travaillant par exemple pour la marine nationale avec une rencontre d’Eric Tabarly ( celui-ci ravi de photos prises par Lucien lui envoie une lettre pieusement conservée par la famille!), pour des pêcheries renommées, pour un restaurant de la place Vendôme, pour le magazine Femme et pour bien d’autres.

A la mort de Renée, sa compagne, Lucien diminué sera pris en charge par son frère et retrouvera la Saone et Loire.

Il repose dans le petit cimetière de Saint Rémy et bien peu se rappellent le photographe et publiciste qui faisait tourner bien des têtes dans les années 30.

Lucien qui avait trop longtemps été exclus de sa propre famille par sa mère pour son mode de vie trop bohème au goût de Jeanne Chauffard, est devenu par le biais de mes recherches vecteur de liens familiaux et amicaux.

Grace à Lucien j’ai fait des rencontres merveilleuses en particulier avec les filles de Robert Doisneau qui me confirmèrent le rôle primordial joué par Lucien dans la carrière de leur père et fouillèrent toutes leurs archives pour trouver de précieux documents et même une photo de Lucien prise par leur père.

J’ai reçu quantités de messages émouvants m’encourageant à remettre en lumière le souvenir de Lucien et ses photos.

En ce mois de septembre 2019, ce fut chose faite.

Grace à Monsieur Vincent Gaudy et à la municipalité de Florensac, mon village d’adoption depuis 10 ans, qui m’ont offert une très belle campagne d’affichage mettant en valeur un des clichés de Lucien, à Mme Chantal Flament, directrice de la médiathèque qui m’a épaulée et m’a grand ouvert les portes de sa salle d’exposition.

à Mr Bertand Ducourau directeur des musées d’Agde et à Myklo Garcia artiste pour leur prêt de cadres, écrins des oeuvres de Lucien, et au soutien de tous les moments de mon mari Alain et de mes amies.

Michèle Labonde

 

 

 

 

 

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