Beholders
Le système de surveillance est l’observateur de la ville, mais les citoyens qui sont observés regardent rarement les caméras face à face. Si nous prenons le système de surveillance comme une créature, alors la caméra doit en être le visage, étant la zone qui est équipée du plus de récepteurs d’informations frontaux. Il a le capteur et la lentille comme organe visuel pour recevoir les images; le microphone et le système de détection de fumée comme organes auditifs et olfactifs; et le panoramique et l’inclinaison comme le cou pour faire tourner la tête afin de se concentrer sur la cible. Avec ces organes aigus, la caméra verra tous vos mouvements subtils, et obtiendra même toutes vos informations d’identité via le système de reconnaissance faciale. Vous regardez la caméra, et elle vous regarde également avec une expression significative cachée derrière le masque froid. Cependant, vous ne pouvez jamais voir à travers elle et atteindre les pensées de son opérateur, ni l’image complète d’un système aussi énorme. C’est un contact visuel inéquitable.
Ainsi, je voudrais créer une relation d’égalité entre les personnes et les moniteurs en les imaginant du point de vue du portrait. De cette façon, ces caméras sont séparées du système et isolées de la société. La connexion entre elles et leurs opérateurs disparaît alors. Les caméras, qui étaient autrefois des tentacules du système, sont désormais des individus indépendants. Ces caméras de surveillance sont toujours face à mon objectif, avec leur «visage» et leur «expression» prenant la plupart des zones du cadre. Je leur donne de la personnalité et de l’émotion en les exposant avec des filtres de couleurs. Mes travaux ne sont plus des photos de produits ou des natures ortes. Au lieu de cela, ce sont des portraits à cent pour cent. J’espère permettre au public de faire face à des caméras de surveillance juste en face d’eux, d’en voir la forme et la matière, et de comprendre leurs «expressions».
