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Les objets incongrus de Pascal Kern

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Fin pratiquant de la nature-morte, l’artiste a utilisé la photographie pour sublimer l’art du moulage. La galerie Les Douches à Paris l’expose pour la première fois en France depuis sa mort, en 2007.  

Prenez une noix et cassez-la en deux. Vous aurez l’image d’un moule : une coque qui entoure un noyau. Ce sont justement des vues de noix coupées en deux qui frappent d’emblée le visiteur qui se rend à cette exposition. Une série qui dit bien l’obsession de Pascal Kern magnifiée par la photographie. Une obsession pour le moulage et sa dualité, entre nature et culture, entre ce qui jaillit du monde à l’état pur et ce qui a été façonné par les mains de l’homme.

Ainsi l’artiste trouve des objets aux formes étonnantes : des pièces de moules industriels fait pour créer d’autres objets. Il les photographie en les plaçant au préalable dans un cadre soigneusement choisi, une mise scène savamment préparée : un fond noir, neutre ; une lumière claire. Puis il saisit une image frontale de l’objet, le tourne ou l’ouvre et reprend une autre photographie. De là émergent des dytiques ou triptyques surprenants où nous nous demandons ce qu’est cet objet et à quoi pouvait-t-il bien servir.

Courges

A ces moules industriels répond une autre série. Pascal Kern cultive des légumes – cucurbitacées, comme des courges, des potimarrons par exemple. Puis, une fois que le légume est prêt, il l’insère dans un moule en plâtre qu’il fait lui-même. Ensuite, il ôte le légume du plâtre et ajoute des pigments colorés dans le creux du moule afin d’en révéler la trace. En survient une coupe tantôt bleuâtre, tantôt jaunâtre, souvent de la même couleur qu’un des objets industriels qu’il a déjà photographiés.

Pascal Kern se soucie si bien de la couleur qu’il fait des tirages en Cibachrome, c’est-à-dire des tirages qui font la part belle aux teintes et à tel point que nous avons l’impression que l’image est illuminée d’elle-même, qu’il n’y a pas besoin d’éclairage.

En plus de ce long processus, Pascal Kern ajoute l’art de l’encadrement. Très scrupuleux dans sa façon de travailler, il crée lui-même les cadres de ses photographies. Ils sont en bois quand il s’agit de photographies de sa série Nature – celle des légumes et de leurs moules en plâtre. Ils sont en métal ou en cuivre quand il s’agit d’objets en métal ou en cuivre.

Ainsi le cadre participe à l’élégance d’une photographie plasticienne où l’artiste se fait fort de tout faire lui-même.

Mise en abîme

Comme un sculpteur qui sait se saisir de l’espace, Pascal Kern invente au-delà du vide en questionnant notre rapport à la matière. En s’intéressant aux moules, il nous interroge sur le geste du créateur. Est-ce lui qui imite la nature ou est-ce la nature qui se plie à sa façon de faire ? Pascal Kern, qui avait une formation de graveur, y répond par la sublimation des outils de l’atelier. Ainsi, à la galerie Les Douches, un dytique un peu à part est présenté à la fin de l’exposition. Il s’agit de pinces à linge suspendues à un fil. Ces pinces à linge étaient celles que l’artiste utilisait lorsqu’il accrochait ses gravures. Là encore, il magnifie l’instrument de l’atelier, comme la mise en abîme du geste de l’artiste et plus globalement de tout travailleur, qu’il soit manuel ou intellectuel.

 

Jean-Baptiste Gauvin

Jean-Baptiste Gauvin est un journaliste, auteur et metteur en scène qui vit et travaille à Paris.

 

 

Pascal Kern, L’éloge du paradoxe
Du 13 septembre au 21 octobre 2017
Galerie Les Douches
5 Rue Legouvé
75010 Paris
France

http://www.lesdoucheslagalerie.com/

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