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Les jaillissements supersoniques de Wolfgang Tillmans

Preview

En 1997 le photographe immortalisait l’avion Concorde en attrapant son décollage. Vingt ans après, sa série résonne comme la folie des grandeurs d’une Europe divisée.

Alors que l’œuvre de Wolfgang Tillmans était exposée à la Tate Modern de Londres au printemps dernier, le photographe aura eu un mot pour dénoncer l’idée du Brexit. Loin d’être un engagement politique, sa série sur le supersonique Concorde rappelle néanmoins que l’Europe a sa part de grandeur et sa part de misère. Inventé à la toute fin des années 60, le Concorde trônera comme la fierté aéronautique de la France et de la Grande-Bretagne jusqu’à sa déchéance, brutale, lors de son dernier vol en 2003. Le crash d’un appareil en juillet 2000 ainsi que des problèmes financiers auront mis fin à l’aventure.

Mais Tillmans, en 1997, a compris qu’il y avait là une conquête spatiale qui changeait la donne pour les hommes et les faisaient entrer de plain-pied dans une capacité mécanique absolument délirante. Tel est le Concorde qui rugit dans ses photographies. Sorte d’insecte géant, il tranche le ciel de sa silhouette longiligne portée par des réacteurs furibonds, laissant une trainée blanche dans l’immensité céleste et nous fait nous sentir tout petit.

Ovni

Tout petit parce que Tillmans nous le présente à hauteur d’homme resté au sol à regarder l’envol. La réussite de sa série tient peut-être dans ce geste-là : il nous invite à observer l’oiseau mécanique de loin, comme si nous ne pouvions pas monter dedans, comme si nous étions étrangers à cette machine, comme si elle était l’apanage d’un groupe de créatures ; l’ovni d’une bande d’extra-terrestres. En nous rendant spectateur au sol, il nous convie à un autre point de vue que celui que devaient rencontrer les privilégiés qui l’ont pris et nous oblige à la distance du simple marcheur qui verrait l’avion surgir alors qu’il se promène dans la rue. Le photographe dit lui-même qu’il voulait retranscrire sa fascination de l’appareil qu’il trouve féérique, sorte d’utopie née de l’imagination des ingénieurs de la fin des années 60 et qui, selon lui, manque cruellement aujourd’hui.

Dans cette série de cinquante-six photographies, l’avion est alors une pure apparition. Il bondit de nulle part, fractionne l’horizon, pointe l’immensité du ciel et du même coup, il nous saisit. Il est un éclat dans le territoire céleste, une piqure. Nous le suivons du regard, nous l’apercevons dans un coin, nous devinons la vitesse effrénée avec laquelle il transporte les passagers à son bord. Au fil des pages, cela devient presque une devinette. Nous guettons la présence de l’immense coucou. Où est l’avion ? On le cherche et parfois, il n’est plus là. Sur certaines photographies le ciel est tout bonnement vide. Ne demeure qu’une simple fumée blanche, parfois rien du tout. Là est peut-être toute la magie de la série Concorde : nous redonner l’envie de pointer nos yeux vers les nuages tout en rendant le tour d’ailes du supersonique comme une énigme qui a encore des échos aujourd’hui.

 

Jean-Baptiste Gauvin

 

 
Wolfgang Tillmans, Concorde
Publié par Walther König
$30/20€

www.buchhandlung-walther-koenig.de
http://www.artbook.com/

 

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