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Françoise Denoyelle : La libération de Paris : Marcel Arthaud / Henri Cartier-Bresson / Roger Parry

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Les merveilles de la Médiathèque de la Photographie et du Patrimoine, de la Fondation Cartier-Bresson
Les trésors de la collection Casagrande et les petits bonheurs de la recherche
Marcel Arthaud/Henri Cartier-Bresson/Roger Parry

Lors de l’écriture Les agences photo Une histoire française, qui dura plusieurs années, je cherchais des documents inédits pour illustrer l’ouvrage. Avec les 650 pages de texte, il fallut oublier les images en dehors de la couverture. J’avais pourtant plusieurs inédits intéressants. Jean-Jaques Naudet me proposa de partager quelques-uns d’entre eux avec les lecteurs de son site.

Mon ami Bernard Lebrun m’avait procuré des pépites sur la libération de Paris. Je n’avais que les photographies et rien à leur sujet. Bernard trop tôt disparu, comment retrouver leur auteur ?

Sur la première photographie figurent trois photographes : Henri Cartier-Bresson, un correspondant de guerre, et Henri Membré avec son brassard FFI (document n° 1). Membré, photographe indépendant, actif pendant l’Occupation, structure et coordonne tant bien que mal les reportages d’une trentaine de photographes pour couvrir au mieux l’insurrection dans les différents quartiers de Paris. Il a pour ambition de créer une nouvelle agence, Photo Presse Libération et de tourner ainsi la page de quatre années d’occupation. Accompagné de FFI, il réquisitionne les photographes des agences actives depuis juin 1940. Les prises de vue sont alors réalisées par le pool Photo Presse Libération, des photographes de l’Agence France Presse, The War Picture Pool, des photographes indépendants et des amateurs. Après la Libération, Membré mettra en place le service photographique de l’AFP et imposera ses photographes. Il prendra la direction technique du service, avec Roger Parry pour adjoint.

 

 

Document n° 1, Henri Cartier-Bresson, un correspondant de guerre, Henri Membré, Paris août 1944. © Succession Marcel Arthaud, musée Nicéphore Niépce, Ville de Chalon-sur-Saône.

 

Je cherchais d’autres photographies qui me permettraient d’identifier la première. Pensant qu’elle pouvait être de Roger Parry, un proche de Membré, je fis une recherche sur le site de la médiathèque du Patrimoine et de la Photographie qui conserve le fonds donné par sa veuve Madeleine Parry en 1993. Je trouvais trois négatifs inversés où figure HCB.

Le directeur de la MPP, Gilles Désiré dit Gosset, m’autorisa à publier gracieusement les documents.

Le premier négatif présente les trois mêmes, au même endroit que sur le document n°1, se photographiant sous le regard amusé des badauds (document n° 2). Roger Parry pourrait donc être le photographe du document n°1. Mais la photographie n°1 n’apparait pas dans le fonds Parry.

 

Document n° 2, la légende stipule : « Un photographe photographie un soldat lui-même muni d’un appareil photo. » Henri Cartier-Bresson de dos, un correspondant de guerre, Henri Membré, Paris août 1944, © Donation Roger Parry, Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diffusion RMN-GP.

 

Finalement pour identifier le document n°1 communiqué par Bernard Lebrun, c’est son collègue et ami Michel Lefebvre qui me mit sur la trace de la Collection Casagrande. Le collectionneur m’indiqua qu’au dos de la photographie figurait le nom du photographe : Marcel Arthaud. Une planche contact sur laquelle est apposé le tampon Arthaud le confirme. J’avais fait fausse route avec Parry. Il s’agissait d’Arthaud dont le fonds est conservé au musée Nicéphore Niépce, à Chalon-sur-Saône. Son directeur, Sylvain Besson et les ayants droit m’autorisèrent à publier gracieusement le document.

Un second négatif de Roger Parry où l’on reconnait Cartier-Bresson de dos, parfaitement identifiable, portant toujours le même costume et son boitier en cuir en bandoulière, excita ma curiosité (document n° 3). Il passe, en les regardant, devant un groupe d’officiers et de soldats allemands qui viennent de se rendre. L’un d’entre eux, à l’arrière, lève les mains en l’air. Cartier-Bresson a-t-il pris la photographie ? Visiblement, il ne semble pas intéressé. Quant à Parry, il a repéré HCB et c’est sans doute la raison de son déclenchement.

 

Document n° 3, la légende stipule : « 26 août 1944. Défilé de la Libération : prisonniers allemands et FFI ». Henri Cartier-Bresson passe devant des Allemands qui se rendent, Paris août 1944, © Donation Roger Parry, Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diffusion RMN-GP.

 

Je pris rendez-vous avec Aude Raimbault en charge des collections à la Fondation Cartier-Bresson. Comme toujours, en grande professionnelle, elle avait préparé les planches contacts de la Libération de Paris. Je les regardais toutes une première fois, puis les examinais plus attentivement une à une. Deux séquences retinrent mon attention. Sur la planche n° 0125, six photographies des numéros 22 à 27 présentent des soldats et officiers, bras en l’air. Ils sortent d’un immeuble par petits groupes, au fil des contacts. Sur le n° 22, sélectionné par Cartier-Bresson, un soldat se détache clairement de la cohorte, mais aucun ne ressemble aux Allemands qui sont sur le document n° 3. Pourtant les éléments de l’immeuble, particulièrement l’agencement des vitres, rappellent ceux de la photographie d’Arthaud, mais cet indice est insuffisant. Les hommes sont tous différents.

Ce sont deux contacts : n° 20 et 21 de la planche n° 0127 qui m’apportent la réponse. Cette bande est en bout de planche. La photographie n° 19 est prise dans un lieu différent de la n° 20. Sur cette dernière (document n° 4) sélectionnée en rouge par l’auteur, apparait un groupe de soldats et d’officiers dans une configuration identique à celle du document n° 3, les hommes sont différents, sauf deux : l’officier allemand de face et le FFI à la cravate noire, cigarette à la main. L’élément déterminant est l’inscription sur la vitre que l’on retrouve dans les deux images : le centre de documentation du « Mouvement social européen ». Le MSE encore appelé Ligue française d’épuration, d’entraide social et de collaboration européenne a été créé en 1940 par Pierre Constantini, cofondateur avec Jacques Doriot de la Légion des volontaires français contre le bolchévisme. Plusieurs nazis devaient en assurer le fonctionnement. Aude Raimbault m’autorisa, elle aussi, à publier gracieusement le document n° 4.

 

Document n° 4, scan extrait de la planche contact n° 127, Libération de Paris.  © Fondation Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos

 

Cartier Bresson a donc bien pris la photographie. Il a même consacré huit prises de vue à cette séquence. Sur la photographie d’Arthaud, arrive-t-il ou part-il ? A-t-il déjà opéré ou non ? On ne sait. Il faut bien que les images gardent un peu de leur mystère.

En revanche sur les planches contacts d’HCB, nulle trace de la photographie où il déclenche en même temps que Membré et le correspondant de guerre américain (document n° 2). Le négatif a-t-il était perdu ou bien Cartier-Bresson a-t-il fait semblant ? Les pellicules étaient rares, la photographie en valait-elle la peine ?

 

Document n° 5, la légende stipule : « Hommes et femmes attablées, fêtent la victoire ». Au PC de Membré, à gauche, lors d’un déjeuner au 100 de la rue Réaumur où s’est installé le Comité de libération des reporters photographes. Au centre, probablement le correspondant de presse, Cartier Bresson en retrait. © Donation Roger Parry, Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diffusion RMN-GP.

 

Au PC de Membré, à gauche, lors d’un déjeuner au 100 de la rue Réaumur où s’est installé le Comité de libération des reporters photographes. Au centre, probablement le correspondant de presse, Cartier Bresson en retrait. © Donation Roger Parry, Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diffusion RMN-GP.

Du correspondant de presse, probablement américain, (documents n° 1 et n° 2) je ne sais toujours rien. Sur la planche contact n° 125 de Cartier Bresson, il existe un contact où figure un correspondant, avec le même appareil photo, posant dans une pièce devant un dessin d’Hitler, mais est-ce le même ? difficile de se prononcer. De même que sur le négatif de Roger Parry (document n° 5), le personnage au centre ressemble à celui photographié par HCB devant un portrait d’Hitler.

Si vous reconnaissez le correspondant….

On n’arrête pas les recherches, on les suspend.

Françoise Denoyelle

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