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Jules Itier : un daguerréotypiste en Chine

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Les festivités de Paris Photo et du Mois de la Photo sont toujours prétextes à découvrir de nouvelles pépites en matière de photographie contemporaine mais aussi plus ancienne. Hors des sentiers battus et contre toute attente, le Centre Culturel de la Chine à Paris a proposé une exposition brillante retraçant les premières représentations photographiques de la Chine à travers l’objectif d’Alphonse Eugène Jules Itier (1802-1877). Ces images rares, exceptionnellement sorties des murs du Musée français de la photographie de Bièvres, sont restées méconnues jusque dans les années 1970 et commencent enfin à connaître une meilleure diffusion.

1839, la photographie n’en est encore qu’à ses balbutiements, partagée entre le rendu précis du daguerréotype français et le vaporeux calotype anglais, deux techniques encore instables et utilisant un matériel considérablement encombrant et difficile à manipuler. Un tel état des choses aurait pu en décourager plus d’un à l’idée de s’aventurer dans des contrées lointaines équipé de la sorte, mais ce ne fut pas le cas de Jules Itier qui, de 1843 à 1846, s’embarque pour la Chine armé d’une chambre daguerrienne Lerebours et de tout le laboratoire, matériels et produits nécessaires au processus complexe et extrêmement contraignant qu’est le daguerréotype.

Diplomate, géologue, écrivain, anthropologue et photographe, Jules Itier part en Chine avant toute chose pour développer l’expansion commerciale et coloniale de la France. Mais bien plus qu’un simple diplomate-voyageur, il documente méticuleusement tout ce qu’il voit, la Chine, ses événements historiques, son peuple, leurs activités, leurs environnements urbains et naturels, tant de manière visuelle à l’aide de ses daguerréotypes, que de manière écrite à travers son Journal d’un voyage en Chine (publié en 1848 aux éditions Dauvin, Paris).

A ce jour, nous ne connaissons toujours pas l’ensemble de l’œuvre de Jules Itier, de nombreux daguerréotypes manquent à l’appel et seulement trente-sept plaques photographiques sont précieusement conservées au Musée français de la photographie. Néanmoins les œuvres exposées au Centre Culturel de Chine donnent un panel relativement large des sensibilités de l’auteur et permettent de comprendre les capacités et limitations du médium.

Loin d’être monotone, la scénographie exemplaire invite le spectateur non pas à regarder les œuvres sur les murs mais à cheminer de cabinet en cabinet, des sortes de grandes boîtes tels des cabinets-de-curiosité posées sur leurs tranches, ouvertes en grand, et offrant des multiples présentoirs à photographies et tiroirs dans lesquels sont dissimulés les légendes, elles-mêmes compilées à partir des commentaires de l’auteur tirés de son journal.

L’on découvre alors des images au format si particulier, parfois rectangulaire, ovale ou octogonal, d’un noir profond, certes quelque peu endommagées mais dévoilant les premières images photographiques notamment de Macao et de Canton, deux villes portuaires qui furent la terre d’accueil de beaucoup d’étrangers à l’époque. Jules Itier semble transcender les clichés exotiques et démontre sa grande empathie, son désir de découvrir et surtout de connaître un pays que les occidentaux fantasmaient plus que ne comprenaient. A la fois documentaires et créatives, ses photographies dressent un portrait de la Chine à travers les architectures traditionnelles typiques, les panoramas des baies ou des villes, les portraits des chinois, leurs activités, ou bien encore les événements historiques. Une attention évidente est accordée aux compositions, aux mises en scène soigneusement étudiées, au choix des angles de vue et de lumière. Jules Itier a su repousser les lourdes contraintes techniques du daguerréotype afin de créer presque des instantanés, des morceaux de vie dans la Chine du milieu du 19e siècle.

L’exposition est par ailleurs ponctuée de parallèles avec d’autres photographes de l’époque de Jules Itier, elle évoque également la mission des « Archives de la Planète » lancée par le riche banquier Albert Kahn au début du 20e siècle (expédition durant laquelle Stéphane Passet et Albert Dutertre photographièrent la Chine parmi d’autres pays), puis fait un bond dans le temps pour confronter ces anciennes œuvres avec celles plus contemporaines de Corinne Vionnet et Patrick Bailly-Maître-Grand.

Jules Itier : Premières photographies de la Chine 1844 est non seulement pensée comme une exposition itinérante qui voyagera ensuite en Chine, mais aussi comme un événement majeur pour tous chercheurs dans le domaine, puisqu’il est en effet accompagné de conférences et d’un catalogue d’exposition bilingue (français-anglais) offrant textes et interviews de spécialistes de renoms. Elle permet d’inscrire durablement Jules Itier dans l’histoire de la photographie en Chine qui s’est façonnée à travers l’objectif de photographes tant chinois qu’étrangers.

Marine Cabos

Jules Itier : Premières photographies de la Chine 1844
Centre Culturel de Chine à Paris
1, boulevard de la Tour Maubourg
75007 Paris
France

Catalogue bilingue Anglais-Français
Textes et interviews de spécialistes de renoms tels que Thierry Bennet
Agnès de Gouvion Saint-Cyr (ancien inspecteur général pour la photographie au ministère de la Culture et de la Communication)
Julie Corteville (conservatrice en chef du musée français de la Photographie)

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