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Jeu de Paume : Valérie Jouve, Corps en Résistance

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Les photographies de Valérie Jouve dégagent une grande énergie, tout comme elle d’ailleurs. Ne venez pas lui parler de religion quand elle vous parle d’humanité, de partage et de valeurs. Ce petit bout de femme vous prendra alors par l’épaule, plantera ses prunelles brillantes dans les vôtres et vous martèlera que son travail n’évoque en rien la géopolitique mais l’amour de son prochain, qu’elle veut insuffler la réalité de la vie quotidienne en dehors de tout conflit dramatique qui pourrait s’y dérouler, qu’elle crée une sorte d’utopie… On l’aura donc compris, Valérie Jouve est une artiste engagée, mais engagée dans un propos photographique.

Elle construit ses images et ici, au Jeu de Paume, c’est la notion de rétrospective qui est questionnée par le montage même de l’exposition. « Corps en Résistance » propose une visite en 5 actes, dont les 3 premiers permettent d’appréhender sa démarche. Alors qu’une série photographiques étudie un sujet entier, Valérie Jouve, elle, travaille par élément. Il ne s’agit donc pas de séries mais de rencontres.

Les deux premières salles sont consacrées à ses « Personnages » ou vous convie à une incursion dans l’univers urbain.
« Ces personnages interprètent des rôles. Je les interpelle dans la rue. Il faut savoir être à l’image, d’une prise de vue à l’autre. Il faut se rendre compte de se que l’on croit être et de la réalité de ce que l’appareil va prendre. »
Ses « Personnages« , donc ont une puissance de corps au contraire de ses « Passants » ou de ses « Sortie de bureau » qui révèlent peu d’épaisseur mais qui déterminent pourtant une certaine mécanique de la vie.
Les « Figures » ou les « Murs, quant à eux,  sont comme des articulations, et nourrissent sa réflexion sur la ville, bien que peu à peu elle s’estompe et se laisse envahir par la présence des corps.
De ses premières compositions, on retiendra surtout le dialogue qu’elle instaure entre figure et paysage dans des mises en scène chorégraphiées. Puis au fil du temps, elle installe peu à peu une certaine distance avec son sujet pour y accueillir la notion de territoire qui la conduiront à expérimenter le film parallèlement à la photographie.

Ainsi, dans la troisième salle, nous nous rapprochons du cinéma. L’image questionne l’occupation du lieu plutôt que de le posséder ou de l’investir: Valérie Jouve est fidèle dans les espaces qu’elle photographie, comme ce petit muret d’une froideur et d’une violence architecturale qui en vient, pour elle, à ruiner l’accord, l’harmonie. Puis c’est la découverte  de « Traversée« , une sorte de road movie tendre à travers 6 villes de Palestine, de Jericho à Naplouse en passant par Jérusalem : un territoire impacté par une forte identité dont on ne peut, selon elle, dénier son identité arabe. « Si Israel répond à une logique européenne en terme d’architecture, dès qu’on est en Cisjordanie, nous sommes dans des villes arabes. Dans la ville arabe, le vide est nécessaire. Et ici, on ne peut pas tenir ces 6 villes sans qu’on lui refuse la notion de pays, au delà de la SDN. Là où il y a langue et territoire commun, pour moi il y a pays. J’avoue que c’est sans doute mon travail le plus politique« .

Mais c’est dans les deux dernières salles que l’on peut apprécier l’ampleur de la démarche de Valérie Jouve entre cinéma et photographie. « Blues » dispositif majeur réalisé à l’occasion de cette exposition et produite par le laboratoire Picto, est une installation constituée de séquences filmiques, de photographies et d’enregistrement sonores qui retrace le parcours vagabond de  la chanteuse Tania Carl partie s’installée au Guatemala et avec qui elle collabore depuis déjà plusieurs années. En assemblant ces différents éléments visuels et sonores, Valérie Jouve établit une séquence narrative, un dialogue entre ces différents supports non musicaux pour composer un morceau de Blues, où résonne la voix si singulière de Tania Carl: on y perçoit sa colère contre la société et sa fierté revendiquée d’appartenir à un certaine culture populaire qui font la force de cette oeuvre, une sorte de manifeste qui vient non pas soutenir mais se superposer aux images jusqu’à les intégrer. Comme dans tous ses travaux, Valerie Jouve convoque ici notre imaginaire, joue sur les mises en espace et les échos provoqués par la confrontation d’images en regard d’autres et nous invite à nous projeter dans un espace d’expérience.

http://vimeo.com/131086246

EXPOSITION
Corps en résistance
Valérie Jouve
Du 2 juin au 27 septembre 2015
Jeu de Paume
1, place de la Concorde
75008 Paris 
France
http://www.jeudepaume.org

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