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Jean-François Bauret : percevoir, recevoir

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La reconstruction d’après-guerre, l’essor de la photographie publicitaire, les Trente  Glorieuses, la « libération » sexuelle des années 1960 : lorsque Jean-François Bauret débute sa carrière à la fin des années 1950, tout est possible pour un jeune photographe auto- didacte, enthousiaste, séducteur et très bien entouré. Fer de lance de la photographie publicitaire naissante, suractif, Jean-François Bauret incarne à sa manière un demi-siècle de la courte histoire de la photographie.

C’est à ce titre que le fonds Jean-François Bauret a rejoint les collections du musée Nicéphore Niépce en 2016. Après trois années d’inventaire, de numérisation et d’étude par les équipes du musée, rien ne vient contredire deux évidences : Jean-François  Bauret est un photographe publicitaire et un photographe de mode prolixe et transgressif; il est aussi un artiste et un portraitiste pleinement inscrit dans son époque.

Les archives d’une ampleur et d’une diversité rares, montre un photographe qu’on ne peut cantonner à deux coups d’éclat et à quelques séries.

L’exposition « Jean-François Bauret: percevoir, recevoir » propose une rétrospective de la carrière de l’artiste en près de quatre cent cinquante photographies. Pour la première fois, la sélection réalisée parmi les quatre cent mille phototypes du fonds, présentera une relecture conjointe de ses travaux de commande et de ses créations artistiques.

Sulfureux ? Subversif ? Moderne ? Précurseur ? Iconoclaste ? Complaisant ? Exposer Jean-François Bauret aujourd’hui est une gageure car s’il fut un photographe de son temps, il serait difficilement concevable aujourd’hui de montrer certains de ses nus s’ils nous étaient contemporains, quand bien même ce sont eux qui ont fait son succès entre 1970 et 2000.

Jean-François Bauret, comme tant d’autres photographes est d’abord un artisan de la photo- graphie. Alors que le médium était en pleine transformation, il a touché à presque tous les genres. Il a su conjuguer pratique professionnelle et ambitions artistiques en mettant en avant ces dernières au point d’en avoir fait oublier le travail de commande. Mais force est de constater que ses travaux personnels ne représentent qu’une part infime du fonds.

Ses premiers clichés sont des portraits d’artistes tells Bram van Velde, Pierre Alechinsky ou André Lanskoy. Les peintres, sculpteurs, musiciens photographiés sont tous soutenus par Jean Bauret, son père, industriel lorrain du textile, mécène et collectionneur. Ces portraits intimes, décalés, sont souvent réalisés dans l’atelier même des artistes. Son regard attentif et son sens de la narration lies à sa maîtrise de la lumière rendent ses portraits quasi intemporels.

Mais la carrière de Bauret débute véritablement avec sa rencontre avec l’architecte d’intérieur et styliste, Andrée Putman. Elle lui assure ses premières commandes pour la revue L’Œil et les magasins Prisunic. La renommée et les réseaux aidants, les premières commandes publicitaires vont s’enchaîner. Aidé de son épouse,

Claude Bauret-Allard, peintre et collectionneuse, à la fois assistante et modèle, Jean-François Bauret participe du renouveau du genre. Les compositions, inspirées par Claude, font mouche. Le corps [souvent celui de Claude], en contrejour ou flouté, a toute sa place dès ces premiers travaux. La poésie des compositions attenue la froideur publicitaire d’articles aussi divers que produits de beauté, draps ou spaghettis…

Bauret devient rapidement un photographe établi, et gagne subitement en visibilité avec deux campagnes pour Publicis qui marquent les esprits.

Pour la campagne 1966-1967 de Sélimaille, spécialiste du sous- vêtement masculin, Bauret impose un homme nu. Pour celle de Materna du printemps 1970 il photographie une femme enceinte et une petite fille nues. Les réactions sont à la hauteur de l’audace, jamais auparavant un homme ou une femme enceinte n’avaient été montrés intégralement nus pour des motifs publicitaires.

Les deux campagnes suscitent des réactions négatives et violentes. Elles incarnent le profond change- ment dans la publicité à la fin des années 1960, l’importance prise par la photographie, le nouvel usage de l’image du corps pour faire vendre. Elles installent Bauret comme un photographe subversif et provocateur.

On trouve dans ces deux campagnes la véritable obsession de Jean-François Bauret : le portrait nu.

En studio, sur fond neutre, avec une lumière maitrisée, et des prises de vue frontales, le photographe propose un inventaire des corps. La « beauté » n’est pas un critère de choix, le corps est dévoilé sans artifice, meilleur moyen selon lui d’atteindre la psychologie du sujet. Jean-François Bauret apporte sa pierre au renouveau du portrait et du nu photographique, loin des poses académiques du XIXe siècle, des cadrages audacieux de la Nouvelle vision et de la sensualité trouble certains de ses contemporains.

Alors que dès les années 1970, Bauret expose ses recherches personnelles et fait valoir ses travaux artistiques, jamais il n’abandonnera l’aspect besogneux de son activité.

En diffusant ses photographies via la Photothèque, en entretenant des liens privilégiés avec des grands titres de presse [Jour de France, Enfant Magazine, Télérama, Actuel, Jardin des Modes] ou des marques [New Baby, Air France], il fait preuve d’une volonté farouche à maintenir l’aspect le moins valorisant mais rentable de son activité photographique.

Il est évident que la photographe a marqué son époque. Il a beaucoup exposé [62 expositions monographiques et 57 collectives entre 1956 et 2008], partagé son savoir- faire avec des amateurs lors de nombreux stages et workshops [41 recensés entre 1982 et 2005] et constamment participé à accroître la visibilité du médium et à forger le regard du public [création du site photographie.com dès 1996].

Ce taiseux qui se transforme en pitre bavard et tendre dans le studio a laissé beaucoup de photographies mais peu d’écrits. Que cherchait Jean-François Bauret ? Et même cherchait-il quoique ce soit ?

La photographie fut-elle un métier pour lui ou un prétexte ?

La profusion de sa production laisse une sensation d’inachevé, d’insatisfaction à capter, d’incapacité à apprivoiser comme il le voudrait cette nudité qui tiendrait du dernier abandon.

 

Commissariat : Sylvain Besson, musée Nicéphore Niépceiques.

 

Jean-François Bauret : percevoir, recevoir

14 février – 17 mai 2020

inauguration vendredi 13 février 19 h

Musée Nicéphore Niépce

28 quai des messageries

71100 Chalon-sur-Saône

www.museeniepce.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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