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In Memoriam : Bruno Barbey par Sylvie Rebbot

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Sylvie Rebbot notre collaboratrice a très bien connu Bruno Barbey. Elle nous a envoyé ce très beau témoignage.

New York, Mars ou Avril 1979. Cinq heures du matin le téléphone sonne. Persuadée que Maman est au bout de la ligne je grogne Hello, un moment de silence puis une voix masculine: c’est Bruno Barbey qui m’invite à venir prendre la direction des Archives du bureau de Paris de Magnum dont il est Vice-Président.

Je travaillais depuis deux ans pour une petite agence New Yorkaise Woodfin Camp. Woody avait été le directeur des archives de Magnum quelques années auparavant ; certains photographes de Magnum le connaissaient. Marc Riboud que j’avais rencontré m’avait demandé d’aller voir comment Woody gérait les archives, celles de Magnum ayant besoin d’être réorganisées. Woody m’avait engagée. J’avais trente ans, j’avais quitté un compagnon avec qui j’avais vécu au gré de nos désirs, du climat, du besoin d’être près de la mer ou de la montagne ou de rejoindre une grande ville pour retrouver livres et musiques… J’avais besoin de reprendre ma vie en mains et de planter des racines, New York me convenait, j’y avais des amis et c’était la ville que mon frère, avait adoptée. Mais Paris, Magnum j’ai dit: oui. Cette année là sous la houlette de Bruno, il y avait eu beaucoup de changements à Magnum. La directrice Anna Obolenski était partie pour ouvrir sa propre agence. Le pouvoir avait été divisé par trois, une directrice éditoriale, une directrice financière et une directrice des archives. Trois femmes pour assurer les responsabilités. Je ne connaissais pas Bruno et à mon arrivée à Paris après un stage de quelques semaines au bureau de NY je suis arrivée sans casque et sans fusil – les cadeaux que René Burri à New York avait jugé indispensables -, les deux bureaux ayant la réputation d’être en concurrence. Et comme j’arrivais de NY j’étais l’espionne, la méchante fée que les employés de l’agence parisienne, retranchés à leur poste, allaient vouloir dégommer. Le premier jour donc je m’attendais à rencontrer Bruno, mais à sa place une gentille lettre me souhaitant bonne chance avec dans l’enveloppe une photo de mon frère prise en Pologne agenouillé devant Jean Paul II un peu dans l’axe des photographes pour être au plus près de son sujet. C’est peu mais c’est déjà beaucoup, la confiance est totale. A son retour peu avant le meeting annuel de Magnum – qui acceptait deux nouveaux photographes, Sebastiao Salgado et Chris Steele Perkins, nous nous sommes assis pour élaborer des projets pour les archives. Bruno devait repartir bientôt pour le Portugal et avant son départ Caroline et lui me confient la clef de leur appartement sur l’ile St Louis. Ils sont ouverts et extrêmement généreux, et tous deux très séduisants. Il y aura cet été là quelques fêtes là-haut sous les toits dans ce très beau loft.
es fêtes Magnum bien sûr. À cette époque j’étais libre et ma vie est devenue Magnum du matin à tard dans la nuit. J’ai appris peu à peu à connaître Bruno, j’ai découvert qu’il fallait être patiente avec lui. On pouvait faire des propositions, poser des questions, mais il lui fallait un temps de réflexion pour donner une réponse juste après avoir réfléchi à tous les angles du problème. Puisque j’ai grandi au Maroc comme lui, il m’appelait « ma sœur » un terme de familiarité et d’amitié là-bas. Aujourd’hui je plonge dans ses archives: notre Maroc bien sûr, je découvre les cadrages précis, les couleurs radieuses, je retrouve la lumière. C’est un photographe achevé on sent très vite dans ses images le respect qu’il a pour les gens, on sent sa gentillesse, sa générosité. Il prend des images, il ne les vole pas, il donne aussi beaucoup.Son sens de l’histoire est évident il est partout au bon moment et partout il prend son temps pour aller au fond des choses. Notre collaboration n’aura pas été très longue à Paris. Avec son soutien je suis repartie pour Magnum New York et la direction des archives.
eux ans plus tard, après la mort de mon frère, j’ai décidé de revenir à Paris. N-Y n’avait plus le même attrait.

Revenue en France, j’ai du faire un choix difficile. J’ai appelé Bruno, il m’a donné par ses conseils la liberté de choisir. Il a eu les mots justes calmes et posés comme il était lui même. Merci je te salue Bruno «mon frère» de là-bas.

Sylvie Rebbot

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