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Hommage à Martine Franck: Lucien Clergue

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Une grande Dame s’en va !

Je parle ici d’une grande Dame, dans la photographie mais dans la vie tout simplement.

Martine avait 74 ans lorsqu’elle nous a quitté, seule la maladie qui l’affaiblissait depuis quelques années nous faisait penser à un âge possible car elle était jeune d’esprit et de coeur, comme ses yeux toujours ouverts sur le monde, elle qui vécut dans l’ombre de l’illustre HCB (Henri Cartier-Bresson) sans pour autant se faire oublier. Toujours sur la brèche ! Pour les 85 ans d’Henri, elle n’était pas à Céreste où ils avaient trouvé refuge, depuis tant d’années, elle photographiait au Tibet, je crois, et je dus demander la permission à leur fille Mélanie de faire une photo-souvenir d’Henri soufflant les bougies « . Oui…mais une seule !  » j’en fis deux par précaution !

Je l’avais connue dans ce Lubéron qu’elle avait célébré dans un livre, nous avions exposé ensemble à Reillanne, où l’on se retrouvait parfois sur le marché du Dimanche, je la revois dans les coulisses du Festival d’Avignon pour les spectacles de sa soeur de coeur Ariane Mnouchkine, et aux Rencontres d’Arles où HCB prèt à me faire un mauvais coup ne voulait pas assister au colloque sur le droit du photographe qu’il m’avait pourtant demandé d’organiser, elle le tirait par la manche  » Henri nous trouverons bien un lieu où dormir »
C’était en I973, je devais passer le permis de conduire au même moment, je l’ai raté mais tous les deux étaient présents pour un colloque mémorable, 40 ans déjà !

Lorsque je fus élu à l’Académie je rêvais ( et rêve encore ) de créer deux fauteuils supplémentaires pour la photographie, et je pensais à elle bien sûr, mais elle était belge, née à Anvers le 2 Avril 1938, et il fallait qu’elle ait la nationalité française ! alors qu’elle était citoyenne du monde, l’ayant sillonné en tous sens rendant compte des plus riches comme des plus pauvres .

Un nom nous liait, celui de Gjon Mili dont elle fut l’assistante alors que je demandai à Mili de m’assister à mes tous débuts ! Ainsi va le monde de l’image où nous nous frottons toujours aux ainés. Mais il y avait une manière d’éternité chez Martine, cette voix envoûtante, caressante, protectrice, ce regard sur les autres et le paysage fait de sincérité  » cette fraicheur d’aubaine sur le monde  » comme le disait St John Perse, c’était cela Martine cette fraicheur de gouttes de rosée sur les pétales de roses de son jardin, aujourd’hui devenues larmes sur nos joues orphelines d’une grande Dame que la Mort a osé nous ravir.

Lucien Clergue
Vice Président de l’Académie des Beaux Arts
Le texte écrit pour le Huffington Post

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