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Hommage à Denis Roche par Irène Attinger

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Éditeur, photographe, théoricien mais surtout poète, Denis Roche est mort mercredi 2 septembre à Paris à l’âge de 77 ans. Il a créé et dirigé pendant trente ans la collection Fiction & Cie aux éditions du Seuil. En 1980, il rejoint Gilles Mora, Claude Nori et Bernard Plossu pour fonder les Cahiers de la photographie, une revue dont l’objectif est de regrouper les écrits de tous ceux qui mènent une réflexion sur la photographie. La revue connaîtra son apogée avec l’organisation de deux colloques à la Sorbonne en 1982 et 1985. Photographe, il reçoit, en 1987, le Grand prix de photographie de la Ville de Paris. La monographie Denis Roche : les preuves du temps [Seuil / Maison Européenne de la Photographie, Paris / Paris, 2001], édité à l’occasion d’une exposition que lui a consacré la MEP, rassemble son œuvre photographique.

Pendant trente ans, Denis Roche a pris de nombreuses photographies, images de voyages, de loisirs ou de déambulations. Le temps est au cœur de l’œuvre . La fascination de l’instantané s’enracine dans un désir profond d’arrêter le temps et de différer, voire de dépasser ou d’échapper à la mort. « Toute photo, tandis qu’on la prend, est un aparté du temps. Bien sûr. […] Au « ça a été » qui troublait si peu, au fond Barthes, se substituerait plus pleinement le « rien à dire » même au plus fort de la captation d’une expression, d’un sourire, d’une forme, d’une lumière. »

Autoportraits au déclencheur à retardement, seul ou à deux avec sa femme Françoise, nus, paysages, natures mortes, captées le plus souvent en vacances, ces images en noir et blanc empreintes de poésies sont toujours localisées, datées, légendées de manière factuelle, pour voir les preuves du temps. Il expérimente la possibilité d’écrire une autobiographie par les images et leurs légendes. Diariste, Denis Roche se représente très souvent en train de se photographier, mettant ainsi en abîme la superposition de ces deux pratiques d’auto-représentation. Les autoportraits photographiques de Denis Roche correspondent peut-être au fantasme de la création d’une mise en scène de l’écriture ou du moins à une interrogation constante entre littérature et photographie.

Denis Roche est l’auteur d’une œuvre où l’écriture et la photographie ne cessent de se croiser. Elles s’informent, s’emboîtent, se joignent, se transposent. « Il y a une « littérature » de la peinture, et vice-versa ; une « littérature » de l’histoire, et vice-versa ; une « littérature » de la politique, et vice-versa ; une « littérature » de la religion, et vice-versa ; une « littérature » de la psychanalyse, et vice-versa ; il y  a même une « littérature » de la littérature, et vice-versa. Mais de même qu’il ne saurait y avoir de photographie de la littérature, il ne saurait y avoir de « littérature » de la photographie, car la « littérature » de la photographie, c’est la photographie elle-même. »  Cette affirmation est au cœur de la pensée de Denis Roche sur la photographie. Il a inventé le mot Photolalies [Photolalies : Doubles, doublets et redoublés. Argraphie, Paris, 1988] pour échapper au si mal sonnant photographie, car il ne croit pas à une écriture par la lumière que désigne étymologiquement le nom photographie. Pour lui, la photographie ne quitte jamais le champ artistique. « Elle est toujours exactement au centre du problème. Qu’on le prenne depuis le début de la photographie, l’implication esthétique spécifique à la photographie est absolument constante. Et cela me paraît aussi vrai maintenant. »

Irène Attinger

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