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Hayati Marseille de Michel Setboun

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Oui, Marseille peut s’écrire en lettres arabes et la série Les banlieues de l’Islam de Michel Setboun, choquer et déranger. Marseille et l’Islam. Enfin plutôt, la France et l’Islam. « Cette lancinante question de l’immigration, de l’intégration. » Des musulmans qui posent leurs tapis de prière dans la rue. Des photos qui m’en rappellent des plus récentes à la Goutte d’Or, à Paris. Michel Setboun en est conscient : « On peut leur faire dire ce qu’on veut à ces images. Elles sont ambiguës, à la merci de toute propagande. Depuis, elles sont souvent reprises par l’extrême droite… Problème du rapport de la photographie et de la vérité. Une raison pour les montrer ? Pour que les choses soient sues, il faut qu’elles soient dites. » Et dites, elles le sont.

On parle beaucoup de renouvellement urbain à Marseille. Des cités, en particulier. De loin et de près quand on y est, elles fascinent. Architecturalement imposantes, elles surplombent la cité phocéenne bien plus que la bonne mère. En rentrant des Calanques, on ne peut pas les louper. On veut y aller, voir ce qui s’y passe et souvent on évite. On leur préfère le vieux port, la cours Julien et le Panier. Pourtant, il y a tant d’histoires à entendre, de visages à croiser, de repas à partager. Cela a défilé depuis près d’un demi-siècle à la cité Bellevue pour ne parler que d’elle. Les juifs de Tunisie, les pieds noirs d’Algérie, les Maghrébins et enfin, une population principalement issue des Comores se sont succédées dans ce vaste ensemble de barre de près de cinq mille habitants.

Tentant est de juste sélectionner les images qui peuvent choquer de la série. Celles qui font parler d’elles et apportent du like ou du dislike. Ce serait oublier le travail de Michel Setboun. À travers les regards, les attitudes et les positions de corps, le photographe a réussi à capturer l’atmosphère bon enfant des quartiers mais aussi leur misère. Les cités et leur quotidien. Marseille et sa diversité. On se croirait à Alger, Tunis, Palerme, Beyrouth et Moroni. Marseille est bien ce cœur de cette Méditerranée dont le Mucem a choisi adresse. Depuis des années, la ville est polyglotte et accueille les réfugiés du monde entier. Dans cette série réalisée entre 1988 et 1990, portraits, familles et scènes de vies se succèdent. Si Michel avait d’abord planté son décor dans les Cité du Clos la Rose et Bellevue c’était pour montrer la vie. La vie en arabe se dit Hayat. On accole souvent ce mot au prénom d’une personne ou d’une chose que l’on aime. Hayati Marseille.

 

Sabyl Ghoussoub

Sabyl Ghoussoub est journaliste et photographe et a été entre 2011 et 2015 directeur du festival du film Libanais à Beyrouth.

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