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Guerre et Paix dans les années 1910 : à l’aube du photojournalisme européen

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Les collectionneurs russes Reikhan et Ulvi Kasimov ont légué en 2014 au Multimedia Art Museum de Moscou une collection de plus de cinq cents photographies de presse issues des archives de la presse périodique britannique des années 1910. L’ensemble forme la chronique d’évènements qui se sont déroulés pendant l’une des périodes les plus tragiques du 20ème siècle, la première guerre mondiale. L’exposition organisée actuellement au musée ne présente qu’une centaine de clichés extraits de la collection, mais qui incarnent parfaitement l’ensemble, source inestimable de documents authentiques sur l’histoire visuelle et celle de la photographie.

L’exposition décrit comment la guerre peut faire brusquement irruption dans une vie paisible, et de façon irrévocable. Les scènes de la vie quotidienne dans le Londres de la fin de la Belle Epoque, les mariages de la haute société et les scandales sociétaux disparaissent des premières pages pour faire place aux chroniques militaires réalisées depuis les lignes de front d’Europe et d’Asie Mineure, mais aussi aux démonstrations des dernières réussites techologico-militaires, comme les tanks et les masques à gaz. L’exposition établit dans le même temps que la vie continue, même pendant la guerre. Les reportages militaires et croquis représentant la vie quotidienne des soldats jouxtent les comptes-rendus d’évènements caritatifs destinés à collecter des ressources pour l’armée, les cérémonies de récompenses aux héros de guerre et les récits de l’ample contribution à la victoire des femmes et des enfants, qui ont travaillé dur dans les usines et les hôpitaux.

Ces images sont la preuve éloquente du tumultueux développement du reportage photographique en ces temps de guerre. Au début du vingtième siècle, la possibilité technologique de publier rapidement dans la presse des images d’une qualité élevée pour l’époque a modifié l’apparence des médias grand public, la photographie venant remplacer les illustrations dessinées et les reproductions de gravures.

L’époque a également imposé des exigences nouvelles aux photographes qui travaillaient pour la presse ou dans les équipes éditoriales de tirages périodiques. Les clichés devaient désormais être avant tout dépouillés, et les photographes capables d’exprimer l’immédiateté des évènements de la façon la plus accessible qui soit, pour communiquer au mieux l’information visuelle au lecteur. Le recadrage et la retouche habiles ont également joué un rôle clé dans le traitement éditorial des images.

Parallèlement, les circonstances faisaient perdre aux photos toute valeur dès l’après-publication. Elles étaient ainsi simplement jetées, ou au mieux envoyées dans des archives où elles étaient conservées dans des conditions inadéquates pendant parfois des décennies – une partie des œuvres de la collection léguée au musée se trouvait dans un tel état que l’on peut dire littéralement qu’elles ont été sauvées par les restaurateurs du MAMM. L’une des caractéristiques des photographies de presse du début du vingtième siècle était qu’elles présentaient en leur dos des légendes dactylographiées particulièrement longues, ainsi que d’étranges marquages éditoriaux, des notes sur le coût de reproduction des photos dans la presse, les tampons des nouvelles agences pourvoyeuses de photos et celui de l’accord des censeurs pour une publication dans des supports tels que The Daily Sketch, The Daily Mirror et Tatler, entre autres.

Les critères pour qu’un cliché paraisse dans une publication périodique se reflètent dans le style même des photos. Avec un équipement difficile à manier, le photographe cherchait l’équilibre entre les exigences des bureaux éditoriaux et les traditions classiques de mise en scène héritées de la peinture. L’art de la photographie de reportage était né, et se consolidait manifestement sous les yeux des lecteurs – certaines images présentées dans l’exposition épatent par leur franchise, semblant extraire au vol un instant du flot agité de la réalité, avec un style d’une modernité qui ne faiblit pas même aujourd’hui. D’autres clichés font sentir une approche plus « vieille école », un penchant pour les mises en scènes classiques typiques du 19ème siècle.

Le début du 20ème siècle restera l’une des périodes les plus complexes et les plus dramatiques de l’histoire. La Première guerre mondiale, la révolution d’octobre en Russie, ainsi que d’autres évènements, ont mené à la chute des empires qui semblaient jusqu’alors indestructibles, répandant partout sur la planète la peur, le désespoir, la douleur, le chaos et la mort. Aujourd’hui, lorsque nous étudions ces témoignages historiques une centaine d’années plus tard, nous ne cessons de nous demander si ces tragédies qui ont coûté la vie à des millions de personnes auraient pu être prévues et empêchées.

 

 

Guerre et Paix dans les années 1910 : à l’aube du photojournalisme européen
Du 12 décembre au 18 mars 2018
Multimedia Art Museum, Moscou
16 rue Ostojenka
Moscou, Russie, 119034
www.mmamm-mdf.ru

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