La Galerie L’Entrée des Artistes présente l’exposition de l’artiste LilyRoze, Dans les ténèbres de la nuit, funambuler comme un éclair sur ta peau… Alexandra Palka écrit:
Sage comme une image, dit-on. Et pourtant. Rares sont les œuvres qui nimbent d’une flamme orgueilleusement sensuelle si intense les regards, bijoux froids où se réveillent ces âmes endormies. Beautés diaphanes ? Muses tentatrices ? Nymphes mystérieuses ? Déesses endormies ? Idoles sacrées ? Voici toute une mythologie faite de funambules célestes qui jouent sur la corde du désir ; nos paupières scellées d’un rêve crépusculaire peuplé d’opalescentes muses lucifuges. Face au travail de LilyRoze, le doute n’est pas permis, Prométhée a volé le feu sacré pour embrasser ce panthéon élégiaque qui flatte la rétine d’une délicate poésie des corps, réminiscence charnelle de parades englouties.
Dans ses capiteux clichés, la lumière se fait buissonnière, les clairs obscurs palpitent d’éternité. L’épaisseur des ombres porte au firmament les formes voluptueuses qui étincellent dans un noir d’exil. Nous voici devenus ces orpailleurs fous venus capturer ces astres du vent qui menacent de s’évanouir dans un froissement d’étoffe pour les offrir au ciel ; lavant les sables aurifères de nos souvenirs pour en extraire de divins chagrins. Qu’il est doux de réveiller en soi cette mélancolie qui laisse la liberté de rêver ses idylles, de pleurer ses espoirs, de compter éperdument les trésors dilapidés. Alors que les images scandent un mystérieux chant d’Éros, une chose reste certaine : on ne crée jamais qu’au rythme des secousses de son cœur.
« Je ne photographie pas ce que je vois, mais ce que je ressens », précise LiLiRoze. Des contours imprécis, des flous résonnants comme un écho, que l’on reconnaît comme la trace d’un rêve que l’on a déjà fait, une réminiscence. Une démarche proche de l’hallucination, aux abords de la révélation inconsciente, l’évidente clarté ou son ombre, toujours plus dense et plus fragile. Tout se concentre en une seconde d’abandon où la grâce et l’intime se conjuguent en un geste suspendu au vol du temps.
« Que j’aime voir, chère indolente / De ton corps si beau / Comme une étoffe vacillante, / Miroiter la peau ! » confesse Baudelaire dans une vaporeuse rêverie dédiée à l’une de ses muses les plus fameuses, Jeanne Duval, où l’âme fiévreuse du poète tente désespérément de dompter – par d’incandescentes incantations – un amour passionnel, source de souffrance, qui l’emporte dans un exotique voyage des sens. « A te voir marcher en cadence, / Belle d’abandon, / On dirait un serpent qui danse / Au bout d’un bâton ». Le corps désiré devient cette vénéneuse étoile qui consume l’inspiration. Une fleur du mal plantée à même le cœur d’où se libère le vin amer des amours vagabondes. Le corps, suggéré, sublimé, fantasmé, est donc à l’origine de bien des mots ; maux que l’on n’hésite pas à soigner dans l’atmosphère éthérée de Paradis artificiels…
De gracieuses arabesques en rondes festives, de frêles silhouettes en vénus callipyges, de lignes sculpturales en mouvements expressifs, de traits abstraits en vibrantes esquisses, de fantomatiques absences en joyeuses sarabandes, les corps de LiliRoze mettent en scène aussi habilement les passions humaines que les tragédies divines ; transfigurent la chair en traduisant la fragilité, la force et la grâce de l’humain dans son irrépressible ambition d’embrasser, de défier et d’investir l’espace ; sublime transcendance qu’on appelle la vie. Cette nécessité de traduire son énergie – aussi primitive qu’universelle – habite les créations de tous horizons au mépris des disciplines, des frontières et des soubresauts de l’histoire de l’art. Alors, osons une hypothèse audacieuse : et si l’art n’avait pour autre mission que de représenter l’essence des êtres, cette mystérieuse vibration des corps ?
Alexandra Palka
LiLiRoze : Dans les ténèbres de la nuit, funambuler comme un éclair sur ta peau…
du 24 mai au 20 juillet 2024
Galerie L’Entrée des Artistes
25 rue des Tournelles
75004 Paris
https://www.galerie-lentreedesartistes.com/