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Galerie Esther Woerdehoff : Chervine : On That Day

Preview

Depuis quinze ans, l’artiste franco-iranien Chervine (né à Téhéran en 1972) arpente les rues de New York et saisit ce que son oeil vif surprend au hasard de ses pérégrinations urbaines. À la manière d’un Edward Hopper de la photographie, il s’attarde sur les passants new-yorkais traversant à la hâte les grandes avenues, des anonymes coincés entre deux blocs de rues, des individus écrasés par cette forêt de béton et d’acier, des personnages largués sur des lieux de rassemblement, d’autres figés dans des moments de solitude voire d’égarement. Ce photographe autodidacte parvient à capter l’instant et à restituer la fugacité de l’ombre et la magie de la lumière.

Tableaux photographiques

Une fois que vous avez vu une photo de Chervine, elle reste imprimée dans l’esprit, gravée dans la mémoire. Au-delà de l’observation exigeante et du sentiment d’authenticité, Chervine peint à l’aide de la lumière avec une agilité stylistique exceptionnelle, parfois troublante.« Mes photos sont réalisées dans des lieux ordinaires, des endroits banals, là où la vie charrie son train-train. J’ai toujours considéré les rues de New York comme autant de scènes et ses habitants comme autant d’acteurs qui interprètent leur propre pièce, leur vraie histoire, leur vie réelle », explique cet ingénieur de formation, dont la famille a quitté l’Iran pour s’installer en France alors qu’il n’avait que huit ans.

Plus qu’une documentation

Bien loin de l’idée d’une simple documentation de cette ville-monde, Chervine utilise le paysage urbain de cette mégapole comme une parure, un ornement et un terrain de jeu. Avec son procédé, il emprisonne corps et décors dans le champ d’un rayon solaire. Il utilise le soleil comme un spot pour éclairer son théâtre du quotidien, comme guidé par Ahura Mazda, « Seigneur sage » et « maître attentif », ce Dieu soleil de l’ancienne religion de la civilisation perse.

Résultat : les images de Chervine offrent au regard des âmes éclairées qui se croisent, se confrontent, s’apprivoisent dans l’espace public. Comme ce couple qui discute devant un café dans le West Village, ou ce groupe de collègues qui traverse l’avenue à Wall Street, ou cette attente devant les feux de circulation dans le Lower East Side à Manhattan, ou cet homme au milieu du croisement des chemins, ou un cycliste dans Meatpacking District. Des moments ordinaires, anodins.

Moment long et intense

En parfait guetteur, patient et passionné, Chervine, qui a grandi en France et qui s’est installé à New York en 2008, joue le rôle de sentinelle au coin de la rue, de l’autre côté de l’avenue, à la terrasse d’un café.

Mais que recherche-t-il vraiment ? Un visage, une tête, un personnage, une peau, une façade, une lumière, une couleur ?

« J’ai éduqué mon oeil à chercher et repérer la lumière dans cette ville grandiose et magnifique, avec ses constructions qui s’élancent vers le ciel, ses buildings Art déco, ses avenues majestueuses, arrosées par une lumière divine et son tissu social divers et bigarré », souligne-t-il.

« J’ai appris à regarder où le fuseau lumineux frappe dans l’espace. J’ai fini par connaître à quel moment les rayons du soleil éclairent tel recoin ou telle façade. J’ai développé une certaine sensibilité aux convergences et aux densités lumineuses. Parfois, j’attends qu’une personne passe devant mon objectif à un endroit précis. Souvent, c’est le hasard qui apporte son lot de surprises. C’est furtif. J’aime cette sensation de l’instinct, de la rapidité afin de créer un moment long et intense. J’aime ce côté magique que provoque la lumière naturelle », explique-t-il.

Géométrie de l’espace

Chervine déploie sa maîtrise de la géométrie de l’espace. Il structure et compose ses images à la verticale et à l’horizontale. Fragments de vie et d’architecture. Les couleurs sont réparties et posées de manière régulière. Tous les éléments composant l’image s’opposent ou s’accordent selon l’intensité du soleil.

Il use de la modulation de la lumière afin d’apporter de la profondeur. L’ombre domine, les zones sombres disputent les parties claires dans son langage pictural. Ce jeu de lumière, sans transition, provoque une intensité photogénique et produit une sensation du moment intime.

Vérité ce jour-là

Les photographies urbaines de Chervine sont chargées de tensions, de contrastes et de moiteurs. Chaque fois, ce reflet qui remplit sa mission d’éclaireur, d’indicateur et même d’avertisseur. Toujours, cet instant de vérité, ce jour-là. Il y a le détail de couleur qui domine ; ce jaune comme une note d’espoir dans cette urbanité qui broie les plus vulnérables, les solitaires, ce fuchsia avec sa touche de gaieté dans un univers sombre et austère, à l’image d’une grande ville comme New York. Ou ce rouge vif pour mieux se distinguer dans la masse.

Univers hitchcockien

Chervine invite à imaginer l’histoire de chacun de ces personnages anonymes, un voyage dans leur journée, leur mouvement, leur destinée. Il laisse le mystère planer, le doute s’installer.

« J’ai un rapport très distant avec mes personnages. Je ne m’en approche jamais. Je tente de les insérer dans ma composition comme un élément parmi d’autres. D’ailleurs, ils sont toujours méconnaissables. Souvent, ils sont perdus dans le décor. Ils sont de profil ou en mouvement. […] Dans ma démarche, il y a cette envie de chercher dans la vie réelle une image qui se télescopera avec mon imaginaire pictural et cinématographique », conclue-t-il. Effectivement, dans les images de Chervine on peut rapidement remonter les pistes des multiples références au film noir, et surtout une immersion dans son univers hitchcockien !

Sid Ahmed Hammouche

 

Chervine : On That Day

2 septembre – 22 octobre 2021

Galerie Esther Woerdehoff à Genève

Rue Marguerite-Dellenbach, 3 / Bergalonne

1205 Genève, Suisse

https://ewgalerie.com/

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