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Frank Horvat : « Les photographes qui ne cherchent pas de miracles ne font pas partie de mon club »

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Le Français Frank Horvat est né en Italie en 1928 et a été l’un des premiers artistes à appliquer les techniques de reportage au 35 mm à la photographie de mode à partir de la fin des années 1950. Il a créé un style nouveau et plus réaliste qui a révolutionné le développement de la photographie de mode en Angleterre, en France et aux États-Unis. Il a combiné le réalisme et l’artifice, le mouvement et les lieux originaux, ce qui lui a valu un succès immédiat dans le milieu. Horvat a d’abord travaillé pour Magnum avant de rejoindre Realities et Black Star. Les photographies de Frank Horvat sont apparues dans les principaux magazines européens et américains dont Life, Elle, Vogue, Harper’s Bazaar, Glamour et Jardin des Modes de 1951 à 1961.

Avant de vous installer à Paris en 1955 à l’âge de 27 ans, vous avez vécu dans divers endroits tels que Londres et Milan, tout en voyageant dans au Pakistan et en Inde. Comment pensez-vous que ces expériences ont façonné vos perspectives artistiques en général et la photographie en particulier ?

Je ne dirais pas que les lieux ont façonné mon point de vue : mais que mes perspectives ont façonné la façon dont j’ai photographié ces lieux.

Vous avez mentionné votre rencontre avec Henri Cartier-Bresson au début des années 1950 à un jeune âge et l’influence qu’il a eu sur vos travaux ultérieurs…

Pour Cartier-Bresson, il ne suffisait pas d’enregistrer une fraction de réalité qui lui semblait digne d’attention. Mais il devait l’associer à une grille qu’il appelait « composition » et qui ne correspondait pas seulement à la Règle d’Or, ou une esthétique enseignée à l’école d’art, mais qui était un concentré de tout ce qu’il avait senti, compris et intériorisé. Le « miracle » est la coïncidence imprévisible – mais parfaite – de cette grille avec la réalité vue à travers le viseur. Ou plutôt : la reconnaissance immédiate, par le photographe, de cette coïncidence. Et surtout : sa détermination à le saisir – par une poursuite qui peut être inconsciente ou maladroite, mais qui ne s’arrête à aucun compromis. C’est par cette coïncidence que la photographie peut transcender le sujet. Et qu’elle peut aussi devenir l’égal de la poésie, de la peinture ou de la musique, une nouvelle forme d’art, un hybride du réel et de l’imaginaire, de l’objectif et du subjectif. De ce qui est observé et ce qui est construit, et pas nécessairement selon les règles de l’art. Je ne crois pas que je m’en suis détourné. Je suis juste moi-même. J’ai vécu dans un autre temps et utilisé différents instruments.

Votre photographie de mode, innovante à la fin des années 1950, est censée avoir lancé votre carrière bien que votre travail en dehors du genre dans les années suivantes ne s’y glisse pas toujours. Qu’avez-vous appris de la photographie de mode et comment le genre a-t-il été lié à d’autres sujets que vous avez photographiés ?

Je dirais que ma photographie de mode est étroitement liée à mes autres photographies. Sans ce qui venait de mes autres photographies, cela n’aurait pas été intéressant ou réussi.

Vous avez dit qu’une bonne photo ne peut pas être prise à nouveau et qu’il s’agit d’un « petit miracle ». Comment pensez-vous que ce point de vue vous distingue des autres photographes de mode ?

Les photographes qui ne cherchent pas ce que j’appelle « un petit miracle » ne font pas partie de mon club.

Tout au long de votre carrière, vous avez traité différents sujets et utilisé de nombreuses techniques. Votre livre La maison aux quinze clés propose un parcours dans votre œuvre. Pourriez-vous en expliquer le concept ?

Pourquoi les clés ? Je suis à un âge où vous regardez en arrière et essayez de tout comprendre. J’ai la chance de photographier depuis près de 70 ans, dans une période où le monde a beaucoup changé. Vivre dans six pays différents et voyager dans plusieurs autres. Penser, parler et écrire en quatre langues. Photographier de nombreux sujets, à partir de différents points de vue et avec différentes techniques. Avoir d’autres intérêts que la photographie, comme l’écriture et la culture de l’olive. Mon éclectisme a ses inconvénients. Certains ont mis en doute ma sincérité. Certains ont trouvé que mes photos étaient difficiles à reconnaître, « comme si elles étaient de quinze auteurs différents ». C’est pour toutes ces raisons que j’ai étudié mon travail (ou ce qui en a été conservé), à la recherche d’un dénominateur commun. Je n’en ai pas trouvé un mais quinze. Je les appelle des clés.

Que pensez-vous de la photographie de mode aujourd’hui ?

La photographie de mode est devenue autre chose que ce que c’était pour moi. Ce que je vois maintenant, ce sont des jolies filles et un excellent savoir-faire – mais peu de miracles.

Que vous reste-t-il à dire et à faire en matière de photographie ?

Vous le saurez quand vous le verrez, si vous le voyez.

Propos recueillis par Kyle Harris 

Cette interview fait partie d’une série proposée par la Holden Luntz Gallery à Palm Beach en Floride.

 

Holden Luntz Gallery
332 Worth Ave
Palm Beach, FL 33480
Etats-Unis

http://www.holdenluntz.com/

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