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Fondazione MAST : Entretien avec Francesco Zanot, commissaire d’Image Capital

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La Fondazione Mast à Bologne met en lumière un aspect moins exploré de la photographie, celui de sa valeur économique en tant que technologie de l’information dans l’exposition Image Capital. Zoé Isle de Beauchainie s’est entretenue avec le commissaire, Francesco Zanot.

Francesco Zanot, vous êtes le commissaire d’Image Capital. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet ?

Cette exposition n’est pas seulement une exposition de photographie mais, surtout, une exposition sur la photographie. Elle explore la photographie en tant que technologie de l’information, comment celle-ci est incorporée dans des processus impliquant ordinateurs et autres machines afin d’élaborer, de manipuler, de récupérer des données et des informations de différents types. L’exposition peut être considérée comme le résultat d’une méthode scientifique, car il s’agit d’un projet de recherche mêlant art et science, qu’Estelle Blaschke et Armin Linke ont lancé il y a cinq ans.

Qu’en est-il du titre, Image Capital ?

Les images photographiques, au sein de ces systèmes d’information et de technologie, représentent une forme de capital. Elles ont une valeur et cette valeur dépend de différents facteurs, qui sont tous expliqués dans l’exposition. De nos jours, posséder ce type d’images représente une forme de pouvoir. Si vous regardez les archives ou les banques d’images qui possèdent de telles images, elles ont une grande valeur, car les images ont une valeur stratégique dans ce monde. C’est le cas par exemple dans l’utilisation d’images pour l’industrie. Les photographies sont intégrées dans les machines afin de guider les processus de production. Toutes les images sont des informations et, en ce sens, elles ont une valeur dans le processus de production.

Cette perception de la photographie comme technologie de l’information, quand a-t-elle commencé et comment a-t-elle évolué ?

Cette perception de la photographie en tant que technologie de l’information est apparue au milieu du 20e siècle, lorsque les systèmes technologiques ont commencé à jouer un rôle de plus en plus important dans le processus de production. Au début, les images et les données étaient toutes stockées dans des négatifs, puis avec la révolution numérique, tout a changé au cours des vingt dernières années. Ce qui s’est passé, c’est qu’une plus grande quantité de données a pu être incluse dans une plus petite quantité de mémoire. Il est également beaucoup plus facile de récupérer et d’accéder à ces informations grâce à la technologie numérique. Cette exposition explore l’histoire de la photographie en tant que technologie de l’information, son présent, mais tente également d’imaginer son avenir. Qu’adviendra-t-il de ces relations ?

Qu’en est-il de l’interdépendance entre texte et image, le concept de métadonnées ?

Le plus important n’est pas simplement d’avoir des images. Afin d’avoir de la valeur, les images doivent être liées à un texte, une description qui est essentielle pour retrouver les images. Si vous consultez des archives, c’est en fonction de la manière dont les images ont été décrites que vous pourrez les retrouver ou non. Ces descriptions, que l’on appelle aujourd’hui métadonnées, sont donc cruciales pour faire des images le capital dont nous parlons. En fin de compte, tout repose sur le lien entre les images et les métadonnées. Cela a commencé il y a de nombreuses années, lorsque pour une archive constituée de photographies argentiques, vous aviez toujours plusieurs feuilles de papier avec une description attachée aux images. Plus tard, les descriptions ont évolué pour être intégrées sur une même carte, c’est le cas par exemple du système Recordak. Puis, grâce à la technologie numérique, ces métadonnées sont devenues partie intégrante du fichier, ce qui a eu pour effet de renforcer le lien entre le texte et l’image, permettant ainsi une gestion bien plus de ces images.

Dans l’exposition, on peut trouver l’image d’une voiture qui a été construite par un superordinateur. Armin décrit cette image comme « quelque chose de produit et non de reproduit ». Cela nous amène au concept de post-photographie.

Je pense que l’idée de post-photographie est très liée au fait que nous ne croyons plus en la photographie. C’est le grand changement qui s’est produit il y a vingt ans, lorsque le fait que les images puissent être manipulées est devenu évident et omniprésent. Dès lors, la photographie a été perçue comme un moyen de réinventer la réalité. Pensez aux rendus 3D. Ce sont des interprétations visuelles de la réalité et, d’une certaine manière, ils imitent la photographie. Ils ressemblent à des images et c’est à travers ces images que la réalité est construite. Un exemple intéressant est la fois où des rendus 3D du jeu vidéo Assassin’s Creed fournis par Ubisoft devaient être utilisés pour aider à la reconstruction de Notre-Dame. Cela ne s’est finalement pas produit, mais l’on voit comment les rendus 3D peuvent être utilisés pour reconstruire quelque chose de réel. Ce ne sont pas des documents, mais ils ont été considérés comme un point de départ pour construire la réalité.

Dans cette exposition, l’on constate une forte dépendance des machines à la photographie, il semble qu’il y ait un sentiment d’infaillibilité du médium.

C’est vrai car, en fin de compte, ces machines font confiance à la photographie. Le plus souvent, les appareils photographiques sont utilisés pour contrôler la qualité d’un produit. La machine prend une photographie de l’objet et décide si l’objet doit être conservé ou jeté. S’il y a un problème, le processus de production s’arrête. Dans ce cas, tout repose sur la confiance en la photographie et la machine est construite de manière à suivre ce que la photographie lui dit. Cependant, il y a toujours une personne. C’est un point crucial de l’exposition. La présence humaine est essentielle à la machine. Lorsque vous regardez les différentes photographies et vidéos prises par Armin Linke, vous pouvez constater que l’humaine ne disparait jamais. Il ne s’agit pas seulement de programmer et de construire des machines, mais aussi d’une collaboration entre l’Homme et la machine. Ainsi, si la photographie échoue, l’Homme est toujours là pour la corriger.

 

Image Capital
Une exposition de Francesco Zanot
Du 22 septembre 2022 au 08 janvier 2023
Fondazione Mast
Via Speranza, 42,
40133 Bologna BO,
Italie
https://www.mast.org

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