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Musée Magazine : Federico Solmi, “le pouvoir est impitoyable; il est cynique.”

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Les expositions de Federico Solmi, qui combinent souvent des installations claires et précises, composées de différents médias tels que la vidéo, des dessins, des sculptures mécanisées et des peintures utilisent des couleurs vives et une esthétique satirique pour construire une vision dystopique de notre société. Impertinentes, surréalistes et sexuellement explicites, ses vidéos et ses œuvres lui ressemblent : il est extravagant, agité et ironique. Ses œuvres proposent une satire de la méchanceté et des vices qui affectent la société contemporaine et l’humanité. Il utilise des images tirées de l’industrie du jeu vidéo, de la culture pop et de l’Internet et les assemble dans une perspective historique pour produire des œuvres d’art originales à propos des sujets en apparence disparates qui lui sont accessibles. L’univers que Solmi aime représenter le présent en train de s’écrouler. Son travail constitue la critique d’un système qui approuve sans la remettre en question la base fragile sur laquelle se fondent notre culture et notre société post-moderniste.

Andrea Blanch : Votre travail critique constate l’échec de la société moderne et des dirigeants qui sont indûment mis sur un piédestal. Y a-t-il un aspect du gouvernement et du pouvoir qui vous semble être efficace et authentique plutôt que malhonnête et avide ?

Federico Solmi : Eh bien, tout au long de notre histoire,je pense qu’il est très difficile de trouver un gouvernement authentique. Dès l’instant où vous voulez devenir un meneur politique, vous devenez un certain type de personne. C’est hypocrite, parce que le pouvoir est impitoyable; il est cynique. C’est donc difficile pour moi de trouver, même chez le leader le plus utopique et idéaliste, une personne qui n’ait pas à prendre des décisions impitoyables. En fin de compte, un dirigeant politique, d’après moi, protège les intérêts d’un seul groupe de personnes, une nation. Ils doivent prendre des décisions impitoyables contre d’autres pays, à l’encontre d’autres intérêts. Un de mes exemples typiques est le personnage de George Washington. Aujourd’hui, il est considéré comme le plus grand héros de l’histoire américaine. Il a fait des choses incroyables pour la société américaine et le peuple américain, mais il a agi horriblement mal envers les autochtones. Il a été appelé le « Destructeur de la Ville » par les Amérindiens de la tribu Lakota. Il est choquant de voir à quel point ce célèbre héros est adulé et vu comme un leader extraordinaire et idéaliste. Mais les autres protagonistes de l’histoire le considèrent comme un meurtrier. Dans mon Utopie, je souhaite examiner un leader mythique à un angle de 360 ​​degrés. Je veux comprendre comment les choses se sont passées pour l’Américain, pour l’Autochtone et pour les autres.

Reste-t-il encore des héros dans le monde qui peuvent être des sujets de votre satire ?

Oh, il y en a beaucoup. Je suis sûr que je peux trouver un côté sombre chez beaucoup de personnes, même celles que les gens admirent le plus. En fait, j’ai du mal avec Abraham Lincoln. Je ne voulais pas l’inclure, parce que j’aime vraiment son histoire, mais je sais qu’il y avait des côtés sombres chez lui aussi.

Une des raisons de la réussite de votre art réside dans votre excellente utlisation de la satire. Qu’est-ce qui vous a amené à employer cet outil ?

J’ai toujours voulu être un artiste, mais je ne voulais pas simplement être un artiste qui crée des motifs, ou fait des objets pour nourrir l’aristocratie ou un monde de l’art centré sur lui-même et ignorant de ce qui se passe dans la société. Je suis devenu écrivain simplement parce que je souhaitais faire un commentaire social. Je me suis mis à faire des dessins et des peintures, et alors j’ai compris que je voulais raconter une histoire. Je voulais créer un travail narratif, et je pensais que la meilleure façon d’avoir un impact sur le spectateur serait d’utiliser mes dessins et peintures combinés avec des images en mouvement, avec la vidéo. Je veux expliquer pourquoi nous en sommes là, ce qui se passe dans la société, ce qui va se passer dans les cinquante prochaines années si nous poursuivons dans cette direction. Je m’intéresse à la finance, je m’intéresse à la politique, je m’intéresse à l’art, bien sûr; Tous ces mélanges auxquels je m’expose m’aident à construire ma vision.

Comment la structure de la critique satirique se compare-t-elle à un commentaire plus conventionnel ?

Oh, je ne pense pas que la critique satirique ait jamais été vraiment embrassée par l’establishment artistique. Des artistes comme Goya et Daumier ont été critiqués. Surtout Goya, dont le dernier travail n’a jamais été exposé. Je pense que quand on fait un travail satirique, on critique la hiérarchie conventionnelle de l’art, de la politique, des affaires, des structures de pouvoir dans la société. Ces gens au pouvoir n’aiment pas être critiqués, mais d’après moi, les artistes ont toujours été intéressés à le faire. Ce sont eux qui ont dit : « Écoutez, tous ces châteaux de sable que vous bâtissez, que vous célébrez en affaires, en littérature, en politique -, ce sont souvent des mensonges ». La période la plus célèbre de Goya n’était pas celle où il a fait le portrait du roi, mais sa période sombre. Les gens ne veulent pas voir leur faiblesse reflétée dans une peinture. Ils aiment se séparer des problèmes de la société. Donc, dans mon travail, j’ai intégré à leur visage ce que je pense de la société, et je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre.

Vous l’intégrez à leur visage, mais avec un sens de l’humour, même si le sujet est très grave. Vous dites qu’en général les gens n’acceptent pas la satire. Pourquoi alors pensez-vous que les gens ont réagi à votre travail ?

Je pense qu’ils ne veulent pas accepter la satire parce que d’ordinaire ce n’est pas un genre très élégant ou poli. C’est toujours brutal, direct, grotesque et agressif. Je pense que mon travail touche davantage les gens maintenant parce que j’ai plus d’expérience et qu’évidemment je suis un artiste plus âgé et plus mûr. Au départ, j’étais très agressif, sanglant et stéréotypé, parce que c’était ma façon de faire les choses quand j’étais plus jeune. Maintenant, je pense que ma satire et toute ma critique sont plus courtoises – mais aussi plus efficaces, parce que j’ai compris qu’on peut être très efficace sans être scandaleux et désagréable. On peut prouver son point de vue sans être coupé des événements.

Vous avez produit une quantité impressionnante de travail. Qu’est-ce qui vous pousse à travailler avec autant de vigueur et de fréquence ?

Un véritable artiste, dans un sens plus ancien du mot, est quelqu’un qui cherche constamment à maîtriser son art et ne pense jamais que son travail est parfait. Il cherche toujours inconsciemment à se prouver, à aller plus loin et à utiliser chaque minute de cette vie pour élaborer son idée. Je dis toujours à ma femme : « Écoute, je ne prendrai jamais ma retraite. » Elle réplique : « Et si nous gagnions à la loterie ? » Je réponds : « Nous vieillirons ensemble, mais je veux continuer à travailler. » Pour rester sain d’esprit, vous comprenez ?

Votre travail a évolué de façon spectaculaire depuis votre série ironique Safe Journey de 2003. Pourquoi êtes-vous passé à la couleur ?

Le grand tournant a été la vidéo intitulée The Evil Empire ( L’Empire du mal) qui était un travail vraiment explicite sur les abus de l’Église catholique. Pour représenter cet horrible pape fictif, tous les lieux où il vivait prenaient la forme de fresques dorées, et la couleur est arrivée de cette façon. Donc,pour revenir à ce que nous disions auparavant, le grotesque, le caricatural consiste à choisir un élément d’un projet pictural et à l’exagérer dans une proportion odieuse et non réaliste. Toute cette couleur exubérante présente dans mon travail bombarde le spectateur. Pour en revenir à la question du chaos, elle me permet de transmettre un sentiment d’angoisse – un chaos écrasant – qui représente la grande métropole du XXIe siècle. J’aime submerger le spectateur, parfois le bombarder.

Allez-vous faire quelque chose sur Donald Trump ?

Absolument. Je m’intéresse aussi à Melania Trump. Ce couple est une espèce de caricature. Cela va être très difficile pour moi de faire une satire à propos d’un personnage qui est lui-même satirique. Mais j’ai beaucoup étudié l’histoire américaine, j’ai essayé de m’informer avant de travailler, et je pense que l’histoire de ce pays a toujours été problématique. Leur politique a toujours été le jouet des super puissants. Peut-être qu’Obama était une exception, mais il était quand même un diplômé de Harvard. Il est l’un des rares hommes politiques que j’admire vraiment, mais le système existant l’a empêché de créer son rêve et son utopie. Je pense qu’Obama est un très bon exemple qui permet de montrer que le système est tellement corrompu et qu’un idéaliste comme lui est complètement paralysé.

Propos recueillis par Andrea Blanch

Cet entretien a été publié dans le numéro 16 de Musée Magazine qui est sorti en octobre 2016 et qui est disponible pour 65 $.

Http://museemagazine.com/

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