Emmanuelle Rosso

Corps-Île

Dans sa série « Corps-Île », Emmanuelle Rosso nous entraîne dans une quête artistique profonde, ancrée dans la matière et les mystères du rivage. Depuis son installation en 2017 sur l’île envoûtante de Belle-Île-en-Mer, Rosso explore avec une sensibilité particulière les textures et les teintes que la mer façonne et délaisse sur le rivage. Pour elle, le rivage n’est pas simplement une frontière entre la terre et la mer, mais un lieu de métamorphose où la matière naufragée ressurgit, chargée d’histoires et de significations.
Son processus artistique, combinant traditions et méthodes expérimentales de la teinturerie, évoque ce même mouvement d’émergence et de transformation. Le rinçage des tissus à l’air libre, puis leur immersion dans l’océan où le sel agit comme mordant, devient un rituel captivant. Il rappelle des pratiques ancestrales tout en instaurant un dialogue contemporain entre l’artiste et son environnement marin. Ce projet établit une analogie entre la vie humaine et les éléments naturels emblématiques de l’île, les rochers et l’eau. Ces géants de pierre, sculptés par les forces de la mer et le passage du temps, leurs lignes, leurs failles, leurs « drapés » deviennent une source d’inspiration inestimable, car elles représentent les marques du temps, les strates de l’histoire géologique et incarnent la mémoire vivante de l’île, témoignant de sa relation éternelle avec l’eau.

Avec la complicité de ses assistantes, Rosso crée des mises en scène évocatrices où les femmes se fondent dans le paysage. Sous des tissus peints aux teintes subtiles, elles incarnent cette matière naufragée, ces fragments d’histoires que la mer a façonné et abandonné.

Ces compositions photographiques, oscillant entre chrysalide, costume, sculpture et laisse de mer, créent un espace de tension, invitant à une réflexion profonde sur la solitude, l’appartenance et les interactions entre l’humain et la nature.
Dans « Corps-Île », le corps, comme le suggère le titre, est fragmenté, morcelé. Rosso porte une attention particulière à la dramaturgie, développant une narration visuelle qui intrigue et questionne le spectateur. Elle fusionne ainsi la peinture, la photographie et la sculpture, nous conviant à contempler ces images comme des fragments d’un monde en constante évolution. Cette série s’affirme comme une méditation sur une poétique de l’abandon.