Mohammad Ghazali travaille à varier les points de vue. Dans chaque série, il réinvente cet élément fondamental de son médium pour ajouter un peu d’extra à l’ordinaire. Dans sa première série, il s’était mis a la place des statues de politiciens, artistes et scientifiques qui se tiennent immobiles çà et là à travers Téhéran. L’espace d’un instant, il s’opposait à ce que l’environnement même impose à notre vision, escaladant sur les épaules de ses illustres compatriotes de métal pour regarder l’autre côté du monde. A travers leurs yeux, Téhéran regorgeait de la verdure qui y manque le plus souvent cruellement, et les passants qui marchent sans prêter attention à ce qui les entoure, mains dans les poches et regards pointé vers les orteils, agissaient comme un reflet du spectateur. Entraîné à n’observer qu’un angle, on risquerait de ne plus voir.
Sa série suivante, Tehran A Little to the Right, reprenait le même principe, en donnant à voir des vues effacées de la ville. Capturées sur des films périmés, ces scènes anodines et délavées ne se dévoilent que partiellement, jusqu’à parfois rendre impossible toute identification du contexte. Sur certaines images, il ne reste ainsi de Téhéran la géante, l’urbaine, qu’un macadam vide sur lequel sont tracées les épaisses bandes rectangulaires des passages piétons, ou bien qu’une ligne de toits calme et romantique.
En visitant les magasins de la capitale le soir après leur fermeture, Mohammad Ghazali renouvelle le procédé de révélation. « The blind and cold eyes of the monumental sculptures in Where the Heads of the Renowned Rest, the blind and randomly taken images of Bad and Worse, the partially erased photographs of Tehran A Little to the Right and the dying light of Night Is, throw the illuminating light by which all that is hidden and concealed comes forth », écrit Dr. Abbas Daneshvari dans un article intitulé “The Aleatory Nature of Being: The Art of Mohammad Ghazali.” Dans cette dernière série, l’installation fait partie de l’expérience. Disposées dans une boîte lumineuse qui s’évanouit progressivement pendant le mois de l’exposition jusqu’à s’éteindre complètement, ses photographies sont ensuite visibles dans un cadre attenant, en format réduit. Non seulement il donne à voir les magasins à l’heure où ils ne sont pas accessibles, mais il décompose ensuite la photographie en temps de la prise et temps de l’observation. Dans les deux cas, il force la curiosité et incite à regarder par le trou de la serrure. Le photographe comme le non-photographe sont les acteurs du processus de révélation, comme ce sera le cas dans sa prochaine série, où il demande à des amateurs et à des aveugles de prendre les photographies qu’il a rêvé de faire pendant ses études et que ses professeurs ont empêchées au nom d’une photographie traditionnelle. Fort heureusement, dans le cas de Mohammad Ghazali, le conservatisme pédagogique n’a pas soufflé la flamme de l’inspiration.
EXPOSITION
Night Is
Mohammad Ghazali
Jusqu’au 4 mars 2015
Ag Galerie
No. 3, Pesyan Street
19869-33111 Téhéran
Iran
+98 21 2685 1748