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David Yarrow : « J’aurais voulu être un sportif, mais je n’avais aucun talent »

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Né en 1966 en écosse, David Yarrow vit à Londres. Il démarre sa carrière de photographe en couvrant les plus grands événements sportifs de la planète : à l’âge de vingt ans, il est nommé Jeune photographe écossais de l’année et part au Mexique pour The Times, afin d’assurer le commentaire de la Coupe du monde. Sa photo du footballeur Maradona brandissant son trophée reste mythique. Depuis cette époque, le photographe a évolué pour diriger désormais son objectif sur la nature et capturer sa beauté sauvage et menacée. L’imagerie africaine se trouve au cœur de son projet intitulé Encounter (rencontre).

Comment votre passion pour la photographie est-elle née ?

J’aurais voulu être un sportif, mais je n’avais aucun talent. Je me suis dit que si je ne pouvais pas faire de compétition, je pouvais au moins photographier les gens qui en étaient capables. Quand je suis allé au Mexique en 1986 pour la Coupe du monde, j’avais vingt ans. Les journalistes du syndicat étaient en grève et comme je n’étais pas syndiqué, c’est moi qui suis parti. Pour le dernier match, le soleil était très haut dans le ciel mais j’ai fait une très belle photo de l’Argentin Maradona, et elle a été publiée partout. En un rien de temps, j’ai été reconnu et on m’a dépêché sur tous les événements sportifs. Tout l’univers du sport a retenu mes services pour les Jeux Olympiques de 1988 et la même année, j’ai également fait de très belles images des championnats de ski en Suisse.

Depuis, vous vous êtes tourné vers la nature et la culture. À quoi cette évolution est-elle due ?

En prenant de l’âge, je me rends compte que c’est en se concentrant sur ce qui nous tient le plus à cœur qu’on fait le meilleur travail. Quand j’étais jeune, je photographiais le monde sportif, parce que j’adorais le sport. Plus tard, je me suis orienté sur les paysages parce que je changeais et que mon analyse et mon regard avaient muri. Je me suis toujours intéressé aux paysages, à l’évasion en milieu naturel et aux frontières ultimes. J’arrive quelque part, je sors une carte, et je me dis que je ne connais personne qui soit déjà venu ici. Cela me transporte. En 2015, si on veut prendre une photo inédite et originale de la tour Eiffel, il faut être vraiment doué. Les lieux plus éloignés et isolés me plaisent davantage.

Qu’est-ce qui différencie votre travail de celui d’autres photographes en Afrique ?

Comme le disait Capa, « il est préférable de se rapprocher de son sujet autant que possible ». Je n’utilise donc jamais de téléobjectif. On ne s’en sert que si on a le sentiment que les animaux – des ours polaires par exemple – représentent un danger mortel. Pour moi, le meilleur objectif pour réaliser un portrait, c’est le 35 mm. Et c’est également le cas pour prendre celui d’un lion ou d’un guépard. J’essaie toujours de travailler avec la lumière derrière moi. Ensuite, tout tient à la logistique. Pour moi, l’Internet facilite énormément les choses, surtout en termes de recherches. Avant de me rendre au Soudan du Sud, j’ai dû passer une cinquantaine d’heures à me documenter sur la toile. On observe les meilleures photos, pour en déceler les défauts. C’est ainsi que j’ai eu l’idée d’emporter une échelle pour mon voyage là-bas : je m’étais rendu compte que dans certaines images, la perspective n’était pas bonne et qu’elles avaient été prises de trop bas. Je suis également très conscient que certains temps décisifs de la vie sauvage, la mise à mort par exemple, sont de nature documentaire plutôt qu’artistique. J’ai une photo fantastique d’un requin à ce moment précis, mais avec un lion par exemple, la scène est tout de même un peu trop sanglante. Je trouve également que beaucoup cherchent trop à accumuler les clichés réussis. Quand j’en réalise trois ou quatre par an dans la nature, je suis déjà très heureux. Sinon, ce serait trop facile et tout le monde pourrait le faire. On dit qu’en matière de photographie, tout est dans l’alignement de l’œil, de la tête et du cœur. Naturellement, c’est l’œil qui compte pour la composition. Pour la préparation et la logistique, il faut utiliser sa tête, et avec mon cœur, j’essaie de traduire l’essence du lieu en y insufflant de l’âme et de la compassion. Le grand angle m’aide à communiquer cette atmosphère, alors qu’un téléobjectif, à cause de la compression de la distance, ne la capturera pas tout à fait.

Parlez-nous de votre façon de travailler à distance.

La première chose pour réussir ce genre de travail, c’est de comprendre comment exploiter le grand angle et de travailler du bas vers le haut. Si je prends mes photos de haut, debout dans une jeep, la rencontre avec l’animal semble artificielle. C’est pourtant ainsi que se placent la plupart des photographes. Moi, je travaille au sol. Je dois donc choisir des endroits où j’ai l’autorisation de sortir du véhicule pour préparer ma prise de vue à distance. Cela ne se prête qu’aux comportements animaux prévisibles – on ne peut pas tout simplement installer l’appareil en espérant qu’un animal va passer par ici. Les chances de réussite seraient d’une sur un million. Nous avons donc appris que selon les animaux qu’on voulait attirer, il fallait adopter des comportements différents.

Parmi vos projets, lequel a mis votre patience le plus à l’épreuve ?

En août 2014, je suis parti en Afrique du Sud photographier des requins. J’ai passé trente-cinq heures dans l’eau, et je n’ai rien obtenu. Ma conclusion, c’était de repenser à quel point mon cliqué de requin pris quatre ans plus tôt était réussi. On a toujours tendance à penser que ce sont nos photos les plus récentes qui sont les meilleures, mais parfois, il faut remonter en arrière et se rendre compte de la chance qu’on a eue. C’est en faisant des voyages décevants qu’on comprend tout le bonheur qui réside dans un voyage réussi. Ça vous remet les idées en place.

Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit en premier, si je vous demande quelle a été votre rencontre la plus dangereuse, sur le terrain ?

J’étais dans un avion qui s’est écrasé, en Mauritanie, dans le Sahara. C’était une sorte d’ULM. Mon casque s’est détaché tout seul, dans le vent, et il a heurté une hélice. On s’est crashés dans le Sahara et finalement, c’est sans doute le meilleur endroit, parce que dans une dune, ça se fait plus ou moins en douceur. On s’est retrouvés au beau milieu de nulle part, avec du sang partout. On était venus photographier des dromadaires et des caravanes, avec leurs grandes ombres projetées sur les dunes.

Je pense également à ma rencontre avec un ours brun. On vous briefe sur ce qu’il faut faire si on tombe sur un ours, mais on n’écoute jamais vraiment. Je suis donc tombé sur un ours, dans une forêt en Alaska. Il n’y avait que lui et moi, et personne à moins d’un kilomètre. On vous apprend qu’il faut parler à l’ours, qu’il ne faut pas obéir à ses instincts et se sauver. La seule chose à faire, c’est de parler à l’animal. Et c’est ce que j’ai fait. J’étais au milieu de la forêt, devant cet ours, et je lui ai dit « Bonjour Monsieur l’Ours ». Puis j’en ai rencontré un deuxième le même jour et là, je me suis enfermé dans les toilettes. J’ai décidé que j’en avais eu assez.

 

Propos recueillis par Kyle Harris

Cet entretien fait partie d’une série d’interviews menées par la Holden Luntz Gallery de Palm Beach, en Floride.

 

Holden Luntz Gallery
332 Worth Ave
Palm Beach, FL 33480
USA

http://www.holdenluntz.com/

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