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Cut : les jeux avec le papier en photographie

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Le Getty Museum de Los Angeles présente une exposition fascinante sur le rôle du papier dans l’histoire de la photographie.

Pour la plupart d’entre nous, une photo relève d’un concept assez simple : une image sur un morceau de papier, avec quatre bords droits et quatre coins. Mais pour certains photographes, le papier ne se limite pas au résultat final du processus de développement. C’est un matériau que l’on peut activer de différentes façons. L’exposition Cut! Paper Play in Contemporary Photography hébergée par le J. Paul Getty Museum, au Getty Center, examine les travaux de six artistes contemporains qui ont porté plus loin le rôle du papier en photographie. Nombre des œuvres ont été empruntées à des collectionneurs, des institutions ou des galeries de Los Angeles, et d’autres font partie de la collection permanente du Getty Museum.

« Au sein de la vaste collection du Getty, qui couvre la naissance de la photographie jusqu’à nos jours, figure un certain nombre d’œuvres qui estompent la frontière entre la photographie et d’autres moyens d’expression, dit Timothy Potts, directeur du J. Paul Getty Museum. À partir de la première moitié du xxe siècle, des artistes ont associé des images entre elles, coupé, façonné, manipulé le cliché photographique, et poussé ce moyen d’expression vers des horizons radicalement nouveaux. Les expositions de ce genre fournissent un contexte et une vision historique aux expérimentations de nombreux photographes d’aujourd’hui. »

Le parcours questionne l’intérêt des photographes pour la façon dont le papier peut exprimer quelque chose qui va au-delà de sa simple présence physique. La période étudiée va de 1926 à 1967, avec des œuvres d’artistes tels que Manuel Álvarez Bravo (mexicain, 1902-2002), Alexander Rodchenko (russe, 1891-1956), et Ei-Q (né Sugita Hideo, japonais, 1911-1960). Parmi ces travaux figurent des abstractions de papier découpé, ou des silhouettes modelées avec du papier puis photographiées. Par exemple, la photographie de Rodchenko intitulée Giraffe (1926-1927) est un arrangement de silhouettes en papier créées pour illustrer un livre de poèmes d’enfants intitulé Samozveri. La curiosité manifestée par ces artistes a ouvert la voie vers des essais contemporains encore plus poussés.

Les œuvres exposées sont orientées sur deux thèmes. Le premier porte sur des artistes qui créent des modèles de papier au moyen d’images glanées parmi les événements courants, l’Internet, des livres ou des magazines, dans le but de les photographier. Daniel Gordon (américain, né en 1980) prélève des images sur la toile, puis il les coupe, les déchire et les colle pour les assembler sous forme de sculptures tridimensionnelles, comme dans Clementines (2011), pour laquelle des tirages papier ont été façonnés pour évoquer les natures-mortes saturées de Picasso, Matisse ou Cézanne. Gordon imprime des images numériques, les assemble pour qu’elles ressemblent à une sculpture, photographie cet objet avec un appareil grand format, et enfin retouche l’image, transcendant ainsi la limite entre argentique et numérique.

L’artiste américain Matt Lipps insère des images existantes dans de nouveaux contextes qui poussent plus loin le potentiel de leur signification. Les travaux exposés approprient des photographies reproduites dans des publications et associées à des cultures élitistes et populaires, pour s’exprimer sur la façon dont les images reflètent et modèlent notre connaissance et notre expérience. Après avoir choisi ses images, Lipps les organise en collages ou en maquettes multi strates, et s’appuie sur la lumière et l’ombre pour transformer les images en tableau culturel, qu’il photographie ensuite. Ses clichés sont alors imprimés à une échelle bien plus grande que les reproductions d’origine.

Pour sa part, l’Allemand Thomas Demand est connu pour ses photographies grand format d’espaces architecturaux et d’environnements naturels, méticuleusement composés et recréés grandeur nature. Réalisé en 2013, Landscape est un exemple de son approche. Pendant son année de résidence au Getty Research Institute (2011-2012), Demand a diversifié sa méthodologie et s’est mis à photographier des maquettes architecturales, en particulier celles de John Lautner. L’un de ses triptyques, une représentation d’une maquette de Lautner pour un immeuble de bureaux de Century City, en Californie, sera d’ailleurs exposé.

L’installation comprend également des exemples de photographies coupées, incisées, assemblées ou pliées pour introduire des éléments tactiles et tri-dimensionnels dans une forme d’art généralement considérée comme étant bi-dimensionnelle. Soo Kim s’appuie sur des techniques de découpe et de stratification pour créer des zones d’absence ou de rupture qui impriment à ses images une dimensionnalité ainsi qu’une notion de temps qui passe. Ses voyages vers des destinations éloignées ont donné naissance à des œuvres discrètes qui révèlent sa fascination pour les structures architecturales. Le parcours exposera des œuvres qu’elle a réalisées à Reykjavik, Taipei et Panama.

Le travail de Christopher Russell soumet des travaux imparfaits réalisés de sa main à la reproduction photomécanique. En utilisant des objectifs de basse qualité, il crée des photographies énigmatiques volontairement floues ou prises face au soleil. Avec des lames de rasoir, des couteaux X acto et d’autres ustensiles, il travaille la surface du cliché et la griffe, la gratte ou la grave, pour révéler le cœur blanc du papier. Certaines pièces, telles qu’Explosion #31 (2014), montrent une série de marques contrôlées, qui se muent en motifs sophistiqués semblables à du papier mural. Tandis que Budget Decadence (2008) révèle la violence infligée au papier par Russell avec une feuille de boucher.

À partir de principes et de matériaux simples, l’artiste allemande Christiane Feser crée des « objets photos » qui occupent une niche située entre la photographie et la sculpture. Après avoir coupé, plié et assemblé le papier en compositions abstraites, elle l’éclaire soigneusement, et, souvent avec un flash, le photographie avec un appareil numérique haute résolution. Puis elle réalise un tirage sur un papier semblable à celui qu’elle a pris pour la phase de construction. Pour Partition 31 (2015), elle a utilisé des pliages qui apparaissent comme une série de cubes de toutes dimensions, qui sont en réalité un puzzle visuel complexe qui se regarde sous une multitude d’angles différents.

« Les œuvres de cette exposition démontrent tout un éventail d’approches adoptées par les artistes pour transformer le papier en objets dotés d’une plus grande présence sculpturale, explique Virginia Heckert, commissaire de l’exposition et directrice du département photographie du Getty Musuem. La photographie constitue sans doute le point de départ, avec des images créées à partir d’un objectif, mais altérées par la découpe et le modelage pour introduire des couches narratives ainsi que le passage du temps. Parfois, la photographie apporte la touche finale à un collage ou une construction conçue avec soin en se basant sur des images existantes. Cette alternance constante entre la tri- et la bi-dimensionnalité, et entre les images existantes et les images construites, nous rappelle la métamorphose magique qui s’opère pour chaque photographie. »

 

 

Cut! Paper Play in Contemporary Photography
27 février – 27 mai 2018
Paul Getty Museum, Getty Center
1200 Getty Center Dr
Los Angeles, CA 90049
USA

www.getty.edu/museum/

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