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Collection Ettore Molinario : Dialogues : Sanne Sannes et Sarah Jones

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Il s’agit du dix-huitième dialogue de la Collection Ettore Molinario. Un dialogue qui découle de ma passion pour la photographie et donc mon recours constant aux images dans le but de poursuivre une longue et profonde enquête sur moi-même. Un divan d’analyste et un visage blessé, comme pour dire voici le corps de la douleur et la méthode pour la comprendre. Et le remède, comme le suggèrent les magnifiques auteurs Sarah Jones et Sanne Sannes, est de ne jamais cesser de chercher.
Ettore Molinario

 

Ceux qui n’ont pas essayé ne connaissent pas la douleur et le plaisir désespéré de s’allonger sur le divan de l’analyste. Le corps s’allonge et c’est comme s’il rentrait entre les bords d’une plaie encore chaude. Quelque chose, peut-être les muscles, s’endorment, car c’est un lit après tout. Et quelque chose de profond à l’intérieur se réveille, se met à bouger, à palpiter, à saigner. Il était une fois des gens qui naissaient dans un lit à la maison. Et c’est cette prise de conscience de l’enfant à naître, ce lit pour un nouvel accouchement, que Sarah Jones a photographié depuis 1997 dans sa longue série consacrée à l’espace que chaque thérapeute aménage pour ses patients. Parmi ces chambres, où résonnent des paroles douloureuses et donc salvatrices, la chambre au « lit rouge » est la plus emblématique. Miracle d’une couleur qui rappelle le manteau de la Madeleine dans la crucifixion de Masaccio comme dans le redroom, murder, dans la chambre des horreurs de Stanley Kubrick.
Pourtant, c’est précisément dans une telle imbrication de l’espace tragique et de l’expérience de l’amour et de la perte qu’idéalement un autre auteur extraordinaire comme Sanne Sannes a décidé, pendant une carrière courte et très intense, de mettre en scène la scène de ses obsessions. Au centre du regard se trouvent le visage et le corps féminin ; des femmes Sannes aimait dépeindre l’émergence du plaisir, le mouvement du spasme au 1/25 de seconde. D’autres lits, tout juste défaits, d’autres naissances, d’autres morts en tant que tels sont des orgasmes. Et surtout d’autres blessures, cette fois infligées par l’auteur lui-même qui a laissé des marques, des égratignures, des coupures sur la substance vivante et délicate du négatif.

Après la mort tragique de Sanne à l’âge de trente ans, son œuvre est tombée dans l’oubli depuis longtemps. Quatre décennies plus tard, son frère, Rob G. Sannes, l’a réveillée d’un sommeil profond, encore un autre lit, et l’a ramené à la lumière. L’intérêt est immédiat, à tel point que l’image actuellement dans la collection d’Ettore Molinario – un seul agrandissement réalisé en 1966 pour l’exposition de Sannes au musée d’Arnhem – est déjà en cours de négociation pour entrer au Rijksmuseum d’Amsterdam. Ce que ces rayures sur le visage d’une femme cachent ou révèlent, que ce soit l’amour disparu ou rejeté, ou peut-être la solitude, nous ne le savons pas. On sait par contre que le premier volume publié par Sannes s’intitulait Oog om Oog, œil pour œil. Vengeance, défi extrême, union violente ? Mon regard qui croise le tien et te possède ? Peut-être. Et ce n’est peut-être pas un hasard si Sigmund Freud « invente » le divan d’analyste et isole le patient parce qu’il lui était impossible de soutenir longtemps ces yeux assoiffés de douleur et de réponses.
Ettore Molinario

www.collezionemolinario.com

 

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