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Circulation(s) 2013– François Cheval, Parrain

Rencontre avec François Cheval, conservateur en chef du musée Nicéphore Niépce (Chalon-sur-Saône) et parrain de Circulation(s) 2013. Propos recueillis par Juliette Deschodt.

Comment est-ce que cela se passe lorsque l’on est à la fois conservateur de musée et parrain d’un festival comme Circulation(s) ?
F. Cheval : J’ai répondu favorablement à la demande de parrainage, tout simplement parce que j’ai une relation intellectuelle proche avec Marion Hislen. C’est une relation personnelle et professionnelle. Après, on peut se poser la nature de cette relation ? Ce que j’apprécie c’est la fraîcheur, presque la naïveté, d’une croyance dans l’activité culturelle, position rare aujourd’hui.

Le milieu de la photographie est un milieu où les gens sont là depuis très longtemps – trop longtemps pour certains – donc il est heureux que certaines personnes aient une envie forte de montrer des choses nouvelles, de rechercher des formes nouvelles.

D’ailleurs, en tant que président du jury de Circulation(s), il y a des images qui ne me correspondent pas. Il y a des photographies que je n’ai pas envie de défendre. Mais, ça ne m’a pas gêné du tout de parrainer une opération dont l’essentiel reste le dynamisme et l’ouverture.

Parce qu’il y en a un peu assez de voir toujours les même gens et les mêmes images dans les institutions. Peu de découvertes et peu de surprises. Le milieu radote, il a tendance à se répéter. C’est une des conséquences de la puissance du marché. Quand ce dernier fait son travail, les institutions oublient de faire le leur.

Quel a été votre rôle en tant que parrain de cette édition ?
F.C : Trois moments différents. Président du jury, j’ai contribué, avec d’autres professionnels à sélectionner une trentaine de dossiers. Sélection que l’on peut d’ores et déjà considérer comme d’un bon niveau. Ensuite, on m’a proposé une carte blanche. J’ai donc choisi quatre individus que je considère comme des photographes intéressants parce qu’en devenir. Fetart leur a donné vraiment de belles conditions d’exposition, un regard de la critique et un public populaire. C’est une belle récompense pour eux.

Justement, parlons un peu de votre carte blanche. Vous avez choisi Philippe Pétremant, Morgane Denzler, Stan Guigui et Manon Recordon. Deux expositions, une installation et deux vidéo. Pourquoi ce choix ?
F.C : Philippe Pétremant et le musée Nicéphore Niépce travaillent ensemble depuis quatre ans. Il possède un sens de la dérision, il pratique avec intelligence l’art de l’implosion. Son utilisation de la photographie s’apparente à une sorte de non-sens à l’anglaise. Ces photographies sont des jeux de mots visuels drolatiques. Une écriture automatique de la photographie qui n’est pas sans rappeler le surréalisme.

Avec Morgane Denzler, il y a vraiment quelque chose qui est au cœur des préoccupations contemporaines, le rapport que la photographie entretient avec le bâti et la sculpture. Comment la photographie peut-elle habiter l’espace ? Comment peut-on sortir du rapport mural de la photographie, de son inféodation aux Beaux-arts. Elle a une réflexion sur la photographie considérée comme un objet.

Stan Guigui propose une série qui fera date. J’en suis persuadé. Ce travail qui a été réalisé dans un quartier de Bogota : le quartier des voleurs, impénétrable. Depuis ces prises de vue, nombre de ces modèles ont disparu. Stan Guigui a réussi à vivre dans ce quartier, à créer des liens avec ces gens, en très mauvais état, conséquence de la drogue. Ces gens ont accepté de donner leurs images. Ils posent devant un mur de briques blanches. L’image est volontairement cramée. La série est un mausolée de gens improbables ressuscités par la lumière.
Fascination donc par le caractère improbable de ces photographies et de leurs conditions de production. Fascination pour la maturité et gravité d’un preneur de vue.

Manon Recordon a la capacité de faire des choses simples, humbles, bricolées avec du matériau noble. C’est du rien avec de la référence et, en même temps, le travail réfléchit à la permanence des choses. Quelle est la vérité d’une vie telle que l’art la propose ? Ces petits films sont bourrés de références que Manon Recordon rend futiles, un jeu subtil sur le côté dérisoire mais néanmoins vital de la culture.

On pourrait penser que ces quatre artistes n’ont strictement rien à voir les uns avec les autres. Si on y regarde de plus près, on voit une implication réelle, presque politique, au monde. Ils disent les choses avec finesse et intelligence. Ils sont novateurs, non par goût du moderne, mais par souci d’éclairer le monde.

Dans votre texte d’introduction, vous soulignez, de manière un peu cynique, l’importance du Réseau dans la photographie et la difficulté d’être un jeune photographe.
F.C : Non, il n’y a aucun cynisme dans mon texte. Simplement, ce texte je l’écris à un certain âge ; cela fait 30 ans que je suis conservateur de musée. J’ai connu et subi les années 1980. Quand on proposait monts et merveilles aux étudiants des écoles d’arts. Quand la bulle artistique a grossi, enflé et explosé. J’ai vu des jeunes gens partir à la Villa Médicis, se voir publier de belles monographies, profiter de bourses pour que, finalement, on n’entende plus jamais parler d’eux.
La jeunesse n’est pas une qualité artistique.
J’ai vu comment on s’est jeté sur la jeunesse dans le but d’étendre sans discernement le domaine de la marchandise. Alors, j’avais juste envie d’écrire un texte un peu distancié sur les qualités supposées de la jeunesse et de la création. Il n’y a pas de qualité innée de la jeunesse, il n’y a, malheureusement, que des conditions de production données à un moment donné et, heureusement, des jeunes gens aptes à les contourner et les dominer.

Si vous aviez vraiment un seul conseil à donner à un jeune photographe ?
F.C : C’était ça que je voulais dire, je n’ai strictement rien à proposer. Je n’ai aucun conseil à donner à qui que ce soit ou à quiconque. Ce qui me plait, à l’exemple des Morgane Denzler, des Stan Guigui, Philippe Pétremant, ou Manon Recordon, c’est leur capacité à me surprendre, à m’apprendre encore. Je n’en reviens pas que des gens qui n’ont même pas 30 ans m’ouvrent des horizons que je ne soupçonne pas.
Que ces gens là continuent de me fasciner, de m’en apprendre sur le monde et à me surprendre donc ! Ce que j’attends d’un artiste, peu importe son âge c’est qu’il soit capable de prolonger le mystère d’une image.

Par rapport à l’édition 2012, y a t-il eu des changements, des choses que vous avez voulu apporter ? Auriez-vous des suggestions pour la suite ?
F.C : J’ai vu une association de gens qui avait envie de faire des choses, je les ai naturellement accompagnés. Je n’avais pas de gens ou d’idées à défendre en particulier. Je les ai découverts et regardés avec beaucoup de sympathie. Donc, peu de conseils. En ce qui concerne la sélection, je trouve qu’il faudrait peut-être la réduire afin que l’on puisse donner plus de surface d’exposition aux gens sélectionnés. De même pour la composition du jury.
La seule chose que je puisse dire c’est que, dans une période un peu compliquée, pour ne pas dire sinistre, Fetart sont des gens qui donnent ; une générosité au service du plus grand nombre. Si tout le monde faisait de même, nous n’en serions pas là !

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