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Les nouvelles explorations de l’éphémère, par Christian Boltanski

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Appliquée à une grande variété de supports, la pratique de Christian Boltanski intègre des installations, photographies et sculptures monumentales. Son œuvre touche à l’imaginaire collectif en exposant la fragilité du souvenir, tout en restant profondément ancrée dans l’histoire personnelle de l’artiste. Conçue comme une composition à part entière, une exposition à Londres comprend des œuvres nouvelles, dont plusieurs sous forme de vidéo.

Au rez-de-chaussée de la galerie Marian Goodman se trouve La Traversée de la vie, pour laquelle l’artiste a recyclé des photographies qu’il avait employées pour une œuvre réalisée en 1971 et s’intitulant Album de photos de la Famille D. Pour cette pièce essentielle, Christian Boltanski a utilisé des photographies trouvées, tirées d’un album de famille datant dans années 1950 et appartenant à une connaissance. En essayant de retrouver l’ordre chronologique de l’album, comme le ferait un ethnologue, il remarque qu’en réalité, le recueil ne révèle rien de particulier sur la famille, éclairant plutôt sa banalité et sa prévisibilité. Pour La Traversée de la vie, les mêmes photos sont agrandies et imprimées sur de fins voiles, dont le tissage délicat donne l’impression que les images estompées appartiennent au passé, et qu’on ne peut plus véritablement les saisir. Chez Boltanski, le portrait prend la forme de visages sans nom, fantômes d’identités oubliées, dont on ne peut plus vraiment retracer la vie. Tout en s’efforçant d’opposer la perte d’identité au potentiel du souvenir inhérent à notre monde effréné, il positionne les voiles pour constituer un chemin délibéré et méditatif. L’on se promène parmi des souvenirs qui ne nous appartiennent pas, mais font écho aux nôtres et fusionnent mémoire personnelle et partagée.

Plus loin, deux installations vidéo inédites et monumentales se font face, de part et d’autre de l’espace principal. Il s’agit de deux variations subtiles sur sa récente série Animitas : Animitas (Blanc), réalisée en 2017 dans les paysages désolés et enneigés de l’île d’Orléans, au Québec, et Animitas (Small souls), née en 2015 au Chili, dans le désert d’Atacama. Leur nom découle du latin « anima », ou âme, ainsi que du mot « animitas », une expression chilienne qui fait référence à un autel ou un sanctuaire dressé au bord du chemin. Dans chaque itération, Animitas est constitué de centaines de clochettes japonaises munies de languettes en Plexiglas et accrochées chacune à une longue tige fichée en terre. Le placement des grelots correspond à la position des astres le jour de la naissance de l’artiste, et leur tintement est une douce métaphore qui représente les âmes perdues. La question du moi est centrale, dans ces vidéos, et on nous invite à nous assoir sur les bancs disposés là, et à contempler ces sanctuaires pour nous pencher de plus près sur nos propres cheminements personnels.

La nature fugace de l’existence se reflète également dans une nouvelle installation vidéo intitulée Éphémères, vocable qui, en Français, peut faire référence aussi bien à la temporalité de la vie qu’aux Éphéméroptères. Par ce biais, l’artiste établit un parallèle poignant entre la fragilité de la vie des insectes et celle des êtres humains. L’œuvre fonctionne comme transition au sein du parcours, à côté du diptyque Départ-Arrivée (2015), qui consiste en deux enseignes composées d’ampoules rouges et bleues, rappel du départ et de l’arrivée, événements abrupts survenant sur l’arche de la vie, soumise au temps qui passe.

À l’étage, Boltanski nous présente encore une nouvelle œuvre inédite, Misterios, une installation vidéo monumentale répartie sur trois écrans. Elle raconte un projet réalisé en octobre 2017 pour BIENALSUR, la biennale d’art contemporain d’Amérique du Sud. Filmée en Argentine et plus précisément en Patagonie, dans l’univers minéral et rude du lointain village de Bahia Bustamante, l’œuvre englobe l’énergie des vents, des roches et de l’océan en une seule composition d’une puissance frappante. Installées sur la plage, trois trompes colossales, activées par les vents violents de la province de Chubut, émettent un son qui ressemble au chant des baleines et évoquent les mythes anciens, en écho des temps ancestraux. « Je crois que d’un bout à l’autre de mon œuvre, mon destin a été de poser des questions sans recevoir de réponse. Et ce qui me préoccupe le plus, c’est que chacun d’entre nous est complètement unique, et donc d’une importance absolue, et qu’en même temps, chacun est d’une immense fragilité », écrit Christian Boltanski.

 

 

Christian Boltanski, Éphémères
12 avril – 12 mai 2018
Marian Goodman Gallery
5-8 Lower John St, Soho
London W1F 9DY
Royaume-Uni

www.mariangoodman.com

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