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Caochangdi Photospring 2012 Bérénice Angrémy

Bérénice Angrémy est sans conteste l’une des figures phares de la scène artistique contemporaine à Pékin. Après des études de langue chinoise et d’histoire de l’art ancien chinois en France, Bérénice s’envole d’abord pour Taiwan puis s’installe à Pékin où elle sera à l’origine d’importants événements artistiques.
Tout commence par le DIAF (le Danshanzi International Art Festival) qu’elle monte entre 2004 et 2007 dans le quartier artistique 798. Puis Bérénice fonde Thinking Hands en 2004, une structure dédiée à l’art contemporain et ses pratiques. Cette entreprise lui permet en 2010 de co-fonder le Caochangdi PhotoSpring avec le Three Shadows Photography Art Center, le seul centre d’art en Chine entièrement dédiée à la photographie et tenu par le fameux couple de photographes Rong Rong et Inri. L’idée est premièrement d’exporter les Rencontres d’Arles à Pékin (avec qui le festival est en partenariat), mais à peine après trois ans d’existence le Caochangdi PhotoSpring semble avoir développé sa propre identité et être devenu l’un des rendez-vous incontournable pour les passionnés de photographie. Alors que le festival bat son plein, Bérénice très gentiment prend le temps de répondre à quelques questions.

Marine Cabos : Le festival Caochangdi PhotoSpring fête sa troisième édition cette année. La moitié du festival est maintenant passée, est-il possible déjà de faire un premier bilan de ces quelques jours ?
Bérénice Angrémy : C’est un peu difficile de vraiment faire un bilan, mais c’est agréable en tout de voir qu’il y a une audience qui est plutôt fidèle. On voit pas mal de mêmes têtes qui viennent du milieu de la photographie pas seulement de Pékin mais de toute la Chine, de Shanghai, de Shenzhen, ou de Canton. Donc c’est agréable de voir qu’il y a des gens qui aiment la photographie, qui ont enregistré que Caochangdi PhotoSpring était un rendez-vous de la photographie. Voilà le premier bilan.
Le deuxième c’est au point de vue des expositions et des événements. Cette année a un petit peu changé puisque l’on a moins d’espaces à Caochangdi, c’est plus dispersé, ce qui est un peu bizarre pour ceux qui sont habitués à des éditions où tout était très concentré. Il est vrai que pour les prochaines années quand ce sera à refaire, si c’est à refaire, on re-optera pour une centralisation plutôt qu’une dispersion. Pékin est grand, ce n’est pas du tout un village comme Pingyao, ou Lianzhou, ce qui est du coup assez difficile pour les gens qui ne viennent que trois jours.
On a déjà eu très beaux moments forts dans cette édition. Ils sont vraisemblablement appréciés puisque les gens sont plutôt contents à la fois des expositions et des événements même si on n’est que le troisième jour. Cela se passe de la même façon que l’année dernière, c’est assez bon enfant.

MC : Y a t-il une ligne directrice du festival cette année ?
BA : On a toujours une ligne directrice, mais on ne donne pas de thème. Notre grand thème c’est PhotoSpring, c’est à dire le printemps. On ne se donne pas un thème comme beaucoup de festivals font, car à chaque fois même si c’est pas mal on se demande quelles sont les expositions qui sont vraiment liées à cette thématique. C’est un petit peu le problème des festivals liés à des thématiques, tout peut être relié comme rien peut être relié.
J’ai fait un festival d’art contemporain pendant quatre ans à 798, qui s’appelait le DIAF, chaque année on avait une belle thématique mais c’est très difficile d’avoir un vrai très grand festival. Si vous avez une série de petites expositions, que vous avez quatre ou cinq événements, c’est très facile de les ramener sous cette thématique. Ensuite c’est vraiment plus difficile.
Je crois que c’est au gré des rencontres, mais si vous regardez les expositions de cette année, il y en a quelques-unes qui sont liées au plus commun qui soit, c’est-à-dire de la pauvreté jusqu’au commun. On part de Brian Griffin avec The Black Country qui montre sous un jour très photographique des petites gens, des travailleurs, mais vu grâce à une lumière incroyable donnée par le photographe. Tout d’un coup, ils sont comme des personnages qui ont tous une histoire intrigante, qui vous rappellent de la peinture, ça c’est la technique du photographe. Ces personnages de rien deviennent des héros du moment sans que ce soit passé par le background.
Ou alors vous avez Stefen Chow avec Poverty Line qui est très bien, le rendu sur un papier presque pourri est fait exprès, l’espace de même, l’idée n’est pas du tout dans la qualité du rendu photographique mais dans l’idée de la répétition du thème pauvreté ou du minimum de pauvreté que les gens peuvent s’offrir dans chaque pays, dans chaque lieu.
On a Camden avec Jean-Christian Bourcart qui parle des laissés pour compte dans une des villes les plus terribles des Etats-Unis. Il nous rappelle qu’en Chine on parle souvent de « deux langages » ou « deux systèmes » parce que l’on va de l’extrême pauvreté à l’extrême richesse, mais on se rend compte que l’on a la même chose aussi aux Etats-Unis, et je pense que c’est un bon rappel. On a Le Cri aussi {également de Jean-Christian Bourcart, ndlr}.
Voilà toute sorte de chose qui font que l’on n’est pas dans une ligne directrice, mais on a une sorte de petit fil conducteur qui nous revenait lorsque l’on montait les différents programmes du festival. Mais on n’a pas voulu faire un thème là-dessus, d’abord parce que ce n’est pas très vendeur, et ensuite parce que ça veut dire aussi que tout d’un coup certaines expositions n’auraient plus de sens, ce qui serait absurde.

MC : Quel est le public du festival ?
BA : Il y a des photographes, des badauds, des galeristes qui viennent faire leur marché, des spécialistes de la photographie même s’ils ne sont pas forcément spécialistes de la photographie contemporaine, tous viennent voir ce qui se passe. Il y a quand même beaucoup de gens liés au monde de la photographie, mais il y a aussi des badauds qui viennent voir des expositions générales qui ne sont pas spécialisés en photographie. Mais je dirai que chez les chinois c’est beaucoup de gens liés à la photographie. Chez les étrangers, c’est un peu de tout.

MC : Comment s’organise la collaboration avec les différentes galeries pendant le festival ?
BA : On lance un appel, les galeries répondent, ensuite on regarde ce qu’elles ont. Parfois si on trouve que ce n’est pas à notre goût, on leur demande s’ils ne veulent pas changer, ou alors on leur propose un projet. La plupart du temps ils proposent de bonnes choses.

MC : À propos de Jean-Christian Bourcart, il semble être à l’honneur en Chine en ce moment. En plus de son exposition organisée à la Shanghai Gallery of Art, vous êtes la commissaire d’une autre de ses expositions personnelles au C-SpaceBeijing. Pouvez-vous me dire pourquoi vous avez choisi ce photographe en particulier ?
BA : C’est aussi des histoires d’affinités. Je connais Jean-Christian depuis très longtemps, depuis vingt ans, à l’époque il était photographe à Libération. Il n’était pas photographe artistique. Et puis il a été présenté à Arles, donc pour nous Camden était un moyen de faire un clin d’œil au festival d’Arles. Puis il a fait un nouveau travail en dehors de Camden qui est Le Cri qui est passé un petit peu inaperçu, qui a côté répétitif mais que j’aime bien. Là aussi, ce n’est pas une histoire de qualité d’images, car ce sont des zooms sur des photos qui ont été prises au moment des manifestations de la place Tahrir en Egypte.
Bourcart n’est pas à l’honneur, je pense plus que c’est un effet de circonstance, de hasard. On a discuté avec Mathieu Borysevicz {Directeur de la Shanghai Gallery of Art, ndlr} au moment où on a fait notre programme, et on s’est demandé si l’on pouvait faire venir Jean-Christian Bourcart. Puis on s’est dit qu’il serait bien de profiter du Festival Croisements {événement culturel organisé chaque année en Chine par l’Ambassade de France en Chine regroupant de nombreux événements dans différentes, ndlr} et de PhotoSpring. Mais tant mieux, il le mérite.
Même si c’est une histoire de circonstance, je pense qu’il est bien d’avoir ce type de langage photographique en Chine à une époque où quelques photographes s’essayent aussi à ce type de photographie, c’est-à-dire le documentaire mais vu par ce côté intime, avec un côté brut non dans le sens mignon et joli mais plutôt brut de décoiffage. En même temps, je trouve que Jean-Christian est quelqu’un qui est très tourné vers l’extérieur, très généreux, ce qui n’est pas le cas de la plupart des photographes chinois qui sont très concentrés sur leurs propres univers. Je pense que c’est intéressant pour eux de voir comment un même type de photographie peut être aussi très ouvert. Quand je dis généreux sur l’extérieur, je veux dire qu’il ne porte pas de jugement sur ce qu’il voit, il ne s’apitoie pas, il ne s’attendrit pas, c’est tel quel. Mais ce qu’il veut nous faire dire aussi c’est que tous ses gens sont aussi bien que toi et moi.

MC : Avez-vous un coup de cœur parmi la sélection des jeunes photographes du Three Shadows Photography Art Center {le centre organise chaque année le Three Shadows Photography Award afin de promouvoir les jeunes talents, ndlr} ?
BA : Parmi les jeunes photographes, j’aime beaucoup la série des hôtesses de l’air {créé par Wang Lin, ndlr}. C’est une jeune femme qui a une série couleur, mais celle en noir et blanc est plus classique mais plus costaux et elle me plaît beaucoup.

J’aime beaucoup les tatouages {créé par Geng Yi, ndlr}. Je ne trouve pas que ce soit de la super photographie, ce n’est pas très nouveau, mais il y a ce côté personnel de ces personnages tatoués que j’apprécie. J’avais vu une série similaire quand j’étais au Mexique, et j’avais envie de faire revenir ce photographe mexicain qui prend tous ces gens en bord, en marge de la société, qui sont tatoués, très nobles, ce sont des rois dans leur peau. Et quand j’ai vu que c’était également une sélection des Three Shadows, j’ai trouvé que c’était vraiment intéressant.

MC : La photographie s’est remarquablement démocratisée auprès du public depuis quelques années, qu’en est-il pour le marché de l’art chinois ? Pensez-vous que ce dernier s’ouvre peu à peu à la photographie ?
BA : Oui mais assez difficilement, ça commence mais ce n’est pas encore ça. Les collectionneurs chinois sont d’abord intéressés par la photographie ancienne, et par la photographie historique liée à leur propre patrimoine. Avec un pic pour tout ce qui est relatif à Mao Zedong. La photographie contemporaine n’est pas du tout présente dans les salles des ventes, en revanche elle l’est dans les galeries. Mais les collectionneurs chinois vont d’abord voir dans les salles de ventes.

MC : Quelle a été la dernière exposition photographique qui vous a marquée ?
BA : Il y en a plein. J’ai vu une petite exposition d’un photographe qui s’appelle Zhang Wei et j’ai acheté une photo. C’était à Caochangdi, mais pas chez nous, il y a quelques temps, dans une petite galerie qui n’est pas très loin. C’est un artiste assez jeune qui peint, qui fait des natures mortes, c’est extraordinaire, c’est vraiment très beau.

MC : Avez-vous des projets futurs ?
BA : Oui toujours, en Chine comme à l’étranger. Mais je n’ose pas en parler tant que les choses ne sont pas à 100% faites.

Marine Cabos

Festival Caochangdi Photospring
du 21 avril au 31 mai 2012
115A Caochangdi, Chaoyang District, Beijing (100015)
Téléphone/Fax : +8610 64322663 / 64319063 / 64319693

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