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Brest : Festival Pluie d’images

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AVANT-PROPOS
Sébastien Tixier

Devant moi la banquise s’arrête et s’ouvre sur la mer, calme et immobile. Je me tiens à quelques mètres, assis au bord du traîneau à l’arrêt ; sur cette glace qui, au-dessus de l’eau, s’étend derrière moi sur une quarantaine de kilomètres jusqu’à l’habitation la plus proche. Mes pensées vagabondent, mais ici, au point le plus au nord de mon voyage, je mesure l’étendue des contrastes de cet immense territoire.

En début d’année 2013, j’ai entrepris un séjour au Groenland, en immersion chez les habitants. Un voyage du 67e au 77 e parallèle nord jusqu’à Qaanaaq, avec l’objectif de témoigner de ces mutations.

Aussi loin que je me souvienne, j‘ai toujours été fasciné par les peuples ayant élu domicile dans des environnements hostiles, et en particulier ceux de l’extrême Nord. J’ai des souvenirs d’enfance bercés d’histoires d’hommes et de femmes Inuits vivant sur la glace et chassant le phoque avec des techniques ancestrales. La réalité contemporaine est très différente et beaucoup plus complexe que ces idées reçues. Au cours d’un an et demi passé à me plonger dans l’histoire et l’actualité du pays, à m’immerger dans les charmes grammaticaux de sa langue inuit kalaallisut, il est apparu clairement que ma fascination croissante pour le Groenland ne se limitait pas seulement à l’anticipation de paysages à l’esthétique blanche et épurée. Mais que les questions socio-économiques qui secouent actuellement le pays trouvaient une résonance dans mes réflexions.

Aux premières loges, le Groenland subit les effets des changements climatiques. Il connaît ces dernières décennies de profondes transformations de société. Ainsi, la modification de l’environnement s’opère en parallèle d’une ouverture aux modes de vie et de consommation occidentaux, et les questions qui se posent aujourd’hui au Groenland dépassent ses frontières.

En souhaitant témoigner de ces sujets, je n’ai pas eu l’intention – ni la prétention – de faire de ce projet un travail documentaire. Avec le recul, il me semble pourtant que mon approche de l’image et du cadrage s’en trouve inévitablement influencée. Malgré toutes les préparations, je me suis senti étranger devant la nouveauté de l’environnement, et cela semble s’être traduit dans mes images par des cadrages plus larges. Comme si je prenais du recul de quelques pas dans la neige pour pouvoir capturer plus de contexte dans mon cadre. Parfois au contraire, j’ai eu l’impression que rester au loin aurait été comme passer à côté de l’essentiel, aurait privé le lecteur d’indices. Bien que je sois plus habitué aux prises de vues patiemment construites sur la pellicule, de nombreuses photos ont ici été exposées et mises au point de façon improvisée – la buée d’une simple respiration gèle instantanément sur le verre de visée. C’est le résultat de ce travail à la fois longuement préparé et pourtant instinctif que je présente ici.

J’ai eu la chance de rencontrer des gens incroyablement passionnants et accueillants, de partager des moments de leurs vies ; de la vie urbaine “à l’occidentale” en pleine expansion, jusqu’aux nuits en tente sur la banquise pour chasser le phoque.

Dans des paysages d’une grande disparité, traditions et technologies s’entremêlent. Les supermarchés et les téléphones portables s’invitent dans la culture inuit, et les tenues traditionnelles en peaux ne sont plus utilisées qu’au nord pour les voyages en traîneaux.

Ces changements radicaux et rapides soulèvent des questions de société et d’identité, et divisent, comme aux dernières élections, l’opinion du pays : entre volonté de suivre ce qui apparaît comme le train de l’Histoire et sentiment d’être le peuple de la glace qui, comme elle, fond.

Allanngorpoq en Groenlandais peut être traduit par “se transformer”.

 

PRÉFACE
Stéphane Victor

Oui, les Inuits du Groenland changent, tout comme la nature polaire, et c’est un bouleversement pour les uns comme pour l’autre. Mais lorsque vous questionnez ces Inuits sur ces changements, ils vous répondent pour la plupart : « Nous nous sommes toujours adaptés, et nous continuerons à le faire. Si nous devons monter plus au nord pour chasser et pêcher, nous le ferons. » Ils restent intrinsèquement des nomades, même s’ils sont désormais sédentaires. Cette “civilisation du phoque”, comme l’appelait mon père, continue à partager le phoque comme ils le font depuis toujours. Ils délaissent, par la force des choses (et de la nature), les traîneaux à chiens pour se déplacer en bateau, mais ils emmènent toujours leur kayak pour chasser plus silencieusement le narval. C’est au contact de ce peuple, par la sagesse de leurs comportements devant la nature, que je m’enrichis, me nourris, relativise. Comme le dit un proverbe inuit « Seuls les glaces et le temps sont maîtres », ne cherchons pas à contrer les éléments, la nature est plus forte, respectons son équilibre !

Ces paysages du Grand Nord sont absolument fascinants, envoûtants, et les photos de ce livre relatent bien les ambiances que l’on peut vivre. On sent le froid qui vous transperce, installé sur la glace à attendre la prise d’un phoque, mais aussi la chaleur de ces intérieurs surchauffés.

On ne va pas au Groenland par hasard, et on n’en revient pas le même.

 

FESTIVAL
Pluie d’images 2015
Allanngorpoq
Sébastien Tixier

Jusqu’au 27 février 2015
Crédit Mutuel Arkéa

1 rue Louis Lichou
29480 Le Relecq Kerhuon
Tél. 02 98 00 22 22

http://www.festivalpluiedimages.com

http://www.sebtix.com/fr/allanngorpoq

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