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Biennale de Lyon : Daniel Naudé, Portraits d’animaux

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En choisissant comme titre « La Vie Moderne », le Directeur de la Hayward Gallery à Londres, Ralph Rugoff, Commissaire de l’édition 2015 de la Biennale de Lyon, souhaite poser une question sur la nature de notre époque et sur les liens qu’elle entretient avec son passé.

En ces temps de « COP21 », la préoccupation environnementale traverse bien entendu plusieurs sections de cette XIIème Biennale qui a investi la Sucrière, le « Mac Lyon » et le Musée des Confluences, sans compter les lieux extérieurs associés, avec les travaux d’une soixantaine d’artistes surtout portés sur l’installation. La photographie est quand même représentée par quelques très beaux témoignages de l’époque.

Ainsi, selon Ralph Rugoff, « les saisissants portraits photographiques réalisés par Daniel Naudé d’animaux sauvages et domestiques, en  Afrique et en Inde, hantent l’exposition comme les icônes d’un futur fait d’extinctions d’innombrables espèces. ». En effet, toute l’œuvre photographique de cet artiste né en 1984 à Cape Town (Afrique du Sud) où il vit et travaille, peut être considérée comme la quête d’un moment partagé entre l’homme et l’animal. Que ce soient les chiens errants « Africanis » ou les cervidés en Afrique du Sud, mais aussi des vaches sacrées en Inde, ils figurent tous dans de saisissants portraits grands formats (env. 112 x 112 cm) comme une tentative de conserver une mémoire de ce que l’homme éradique peu à peu.

Mais ce n’est pas seulement un intérêt environnemental de témoignage sur la disparition des espèces qui fait la saveur de ces portraits, c’est bien leur intérêt plastique si exceptionnellement maîtrisé qu’on les croirait réalisés en studio alors qu’ils sont le fruit d’une patiente découverte du pays, à la rencontre de paysages variés, sous une fascinante lumière aux contrastes métalliques.

Car il faut bien parler de « portraits », tant les postures figées, le jeu des regards, le hiératisme du modèle, capturé souvent de profil pour mieux faire ressortir sa musculature et la complexité de son corps, font penser aux portraits humains de personnages officiels, comme par exemple les Rois du Nigéria de Georges Osodi exposés dans cette même biennale, à quelques mètres (voir article précédent).

C’est au détour d’une route d’Afrique du Sud, à l’est du Cap, que Daniel Naudé a croisé une première fois un étrange canidé, en 2006 : « La rencontre était surréelle, comme dans une scène d’un conte de Tolkien. […] J’ai voulu faire le portrait de ces chiens dans leur habitat et explorer l’histoire à travers eux. »

Fasciné par l’allure mystérieuse de ces chiens appelés « Africanis », sans maîtres, livrés à eux-mêmes, dont l’origine ancestrale se perd dans des mythes lointains (on raconte qu’ils sont arrivés en Afrique du Sud au néolithique, venant du Moyen-Orient), il choisit l’Hasselblad argentique plutôt que numérique, ce choix technique impliquant un mode opératoire bien spécifique : une relation de respect entre le photographe et son modèle, celui-ci devant rester immobile devant l’objectif. A force de patience, une fois repéré, Daniel Naudé parvient à obliger ce chien qui ne craint pas l’homme, bien qu’ayant appris à survivre sans lui dans des milieux hostiles, à s’installer dans le paysage choisi. Le photographe s’allonge alors sur le sol, pour que l’animal puisse le dominer et l’accepter dans son espace.

D’où cette impression de hauteur et de solennité dominant le spectateur que dégagent les créatures à l’allure vaguement monstrueuse, aux pelages très différents (la palette est incroyablement variée, les couleurs sont en général similaires à celles des paysages dans lesquels les chiens vivent), posant un peu à la manière de leurs lointains ancêtres gravés en profil dans les tombeaux royaux de l’Egypte antique, placés au centre de la composition, entre le ciel et la terre.

Ils font corps avec leur paysage, établissant un lien entre la nature, le plus souvent aride et rocheuse, et le ciel, immense, de l’Afrique Australe, comme Daniel Naudé allie avec justesse photographie de paysage et le portrait, deux traditions de l’art photographique.

« La nature est la connexion. Les chiens se connectent et reflètent l’identité d’un espace. Dans le Transkei ils sont de taille moyenne à cause des bushes et des herbes hautes, les chiens ont besoin de se déplacer entre elles. Dans le Karoo, les chiens sont plus élancés comme les chiens de chasse gris. J’essaye de montrer la connexion entre l’endroit où ils sont, ce qu’ils sont et comment ils sont formés. »

S’il est fasciné par la présence mystérieuse des africanis dont il a su apprivoiser les regards, Daniel Naudé a également réalisé une autre série photographique consacrée aux animaux domestiques et ruraux, dont quelques tirages sont montrés à Lyon.

Une série de portraits d’ânes, de chevaux, de vaches ou encore de chèvres, réalisés sur le même mode que la série Africanises, auxquels le regard et la technique du jeune photographe confèrent un supplément d’âme et une beauté indéfinissable. Il arrive à transformer ces animaux, sauvages ou domestiques, en créatures sublimes adoptant des postures si raffinées que l’on pense être face à quelques créatures mystérieuses et légendaires échappées de récits mythologiques.

Les africanis ne regardent pas le spectateur, ils fixent l’horizon, ce qui leur confère d’autant plus de hauteur ; les animaux domestiqués, eux, affrontent des yeux le spectateur dans un face à face captivant et intense. Daniel Naudé leur rend une dignité et nous confronte à une histoire commune, car, absent physiquement des images, l’homme transparaît inévitablement dans l’histoire de ces animaux.

Les œuvres de Daniel Naudé ont été montrées à l’Iziko South African National Gallery (Cape Town), au Festival Lagos Photo, au Tennis Palace Art Museum (Helsinki) et à la Photographers’ Gallery (Londres).

EVENEMENT

XIIIème Biennale de Lyon
« La Vie moderne »
Du 10 septembre 2015 au 3 janvier 2016
La Sucrière
47-49 Quai Rambaud
69002 Lyon
France
http://www.lasucriere-lyon.com
http://www.biennaledelyon.com

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