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Bertrand Perret : Noces méditerranéennes v/s disparitions

Preview

Ce travail photographique est avant tout un essai poétique qui s’articule autour d’une tension, d’une opposition :

D’une part, j’envisage de célébrer la beauté et l’unité du monde méditerranéen – notamment de ses paysages – par une série photographique en noir et blanc qui fera écho au magnifique texte d’Albert Camus Noces à Tipasa.

En contrepoint, je veux évoquer de manière presque subliminale la question de la limite, de la frontière, de la propriété comme une remise en cause de ce paradis perdu. L’exposition sera envisagée comme une installation poétique visant à émouvoir mais aussi sensibiliser aux fragiles équilibres du territoire méditerranéen.

Bertrand Perret

 

«[…]

Des collines s’encadraient entre les arbres et, plus loin encore, un liséré de mer au-dessus duquel le ciel, comme une voile en panne, reposait de toute sa tendresse.

[…]

C’est la mélodie du monde qui parvient jusqu’à nous : coteaux plantés de pins et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une vingtaine de mètres ».

Noces à Tipasa, Albert Camus

 

Hommage à une terre commune… d’après Camus

« Le monde méditerranéen »…

Ces mots qui guident mon projet photographique sont porteurs d’un vaste imaginaire et d’un foisonnement de sensations profondes : lumières crues, senteurs sauvages, paysages arides, visages creusés de soleil.

Je ressens un rapport très charnel à cette terre, à sa mer centrale, à ce territoire et à ses peuples. « C’est le grand libertinage de la nature et de la mer qui m’accapare tout entier. » Noces à Tipasa, Albert Camus

Je me sens appartenir à cette grande famille parfois unie, souvent recomposée et malheureusement encore trop disloquée, du monde méditerranéen. J’aimerais tellement ne voir que nos points communs, nos zones de connivences si nombreuses, notre attachement à cette terre commune…

Mais je sais, à regret, nos méfiances, nos dissensions, nos frontières.

 

Mon projet photographique consiste à célébrer ce qui nous rassemble par-delà les différences :

  • Le paysage méditerranéen d’abord. Je veux partir à la recherche de sa réalité archétypique, celle que nous partageons tous, quelles que soient nos origines autour de ce bassin : sa terre aride, ses plantes sauvages et résistantes, ses essences odoriférantes, son horizon azur, ses ombres denses, précieuses et protectrices et enfin ses pierres qui font nos habitats et nos édifices. « A gauche du port, un escalier de pierres sèches mène aux ruines, parmi les lentisques et les genêts. » Noces à Tipasa, Albert Camus
  • Une histoire partagée aussi – à défaut d’être commune. Une histoire humaine plurimillénaire dont il nous reste des reliefs qui parlent de grandeur, de mythes, de martyrs, de dieux, d’empereurs et de colonisations. Cette histoire gravée dans la pierre est elle-même inscrite dans le paysage. Son vocabulaire est presque partout le même, composé de colonnes dressées, de chapiteaux effondrés, de coupoles, de cirques et de gradins, de visages de pierre pleins de noblesse. Ces traces racontent les conquêtes, les guerres, les religions, le commerce, le pouvoir, la mise au pas de populations, mais aussi le partage d’un héritage culturel… commun malgré tout.« Dans ce mariage des ruines et du printemps, les ruines sont redevenues pierres, et perdant le poli imposé par l’homme, sont rentrées dans la nature. » Noces à Tipasa, Albert Camus

Cet hommage sera en noir et blanc pour ajouter encore à l’unité de lieu et dissoudre les frontières et les repères habituels.

Le projet photographique sera centré sur le paysage et sa beauté évidente.

L’homme n’en sera bien sûr pas exclu mais sera surtout présent en creux à travers les signes qu’il imprime dans ce paysage pour le maîtriser (cultures, édifices, routes, clôtures, etc.).

 

Noces à Tipasa, un support poétique

Ma démarche photographique est avant tout une démarche poétique, depuis toujours. Très personnelle, elle ne cherche pas à correspondre aux modes et aux goûts du moment.

Je cherche seulement à exprimer mon lien singulier au monde, mon attachement à la beauté, mon goût pour l’insolite et l’humour discret. Il en ressort une poésie contemplative, tantôt souriante, tantôt inquiétante ou mélancolique.

Après Haïkus en noir et blanc, mon précédent travail photographique en référence à la poésie japonaise, je veux travailler sur le monde méditerranéen et sa poésie spécifique. Pour cela, le texte de Camus Noces à Tipasa exprime parfaitement la sensibilité méditerranéenne que je souhaite représenter par la photographie : une harmonie sensuelle, une union sacrée avec la nature.

 

Les grandes fragilités du monde méditerranéen…

Cependant, il ne serait pas juste pour moi de rendre hommage à toute cette richesse méditerranéenne sans évoquer sa terrible fragilité. Le monde méditerranéen, s’il est sans doute une terre de cocagne vit aussi selon des équilibres très précaires qui menacent à tout instant de se rompre.

La paix bien sûr est toujours menacée par les grandes rivalités ancestrales ou plus récentes : tensions entre la Grèce, Chypre et la Turquie, conflit israélo-palestinien, crise libyenne, etc.

Les flux migratoires sont aussi devenus une préoccupation majeure. Des populations entières doivent quitter leur pays d’origine pour fuir la guerre et le terrorisme au péril de leur vie, laissant derrière elles toutes leurs richesses (liens familiaux et sociaux, professions, biens matériels, patrimoines, etc.). Ces déplacements sont sources d’inquiétude et de replis identitaires préoccupants un peu partout autour de la méditerranée et dans le monde.

La sur-pêche, et plus particulièrement la pratique industrielle de la pêche menace les équilibres de la biodiversité méditerranéenne. Enfin, de manière plus épisodique, mais parfois dramatique, les incendies réduisent régulièrement en cendres les beautés et l’harmonie que je veux célébrer.

Bertrand Perret

 

La Ville d’Ecully accueille pendant tout le mois de mai, le photographe Bertrand Perret, pour la présentation de son exposition « Noces Méditerranéennes ».

Une manière pour la ville de « dé-confiner » la culture, une volonté de garder le lien avec le public, de continuer à proposer des contenus exigeants dans l’espace public, tout en célébrant le vaste espace multiculturel de la méditerranée.

L’exposition est présentée en plein air, en centre-ville, gratuitement, à disposition de toutes et tous.

 

Bertrand Perret : Noces méditerranéennes v/s disparitions

du 6 au 24 mai 2021

Place de la Libération

Ecully 69130

www.ecully.fr

www.bertrandperret.com

 

 

 

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