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Beijing, Li Hu, une révélation chinoise 4

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Définir la beauté d’une femme a toujours été une affaire de goûts, liée à des critères culturels. Les femmes de la tribu Ndebele en Afrique et de la tribu Kayan en Birmanie considèrent les cous allongés par des anneaux de métal striés comme une forme de beauté. Les crèmes de beauté blanchissantes sont très populaires en Asie. À l’opposé, les teints hâlés sont considérés chez les femmes occidentales comme une marque de beauté et de santé.

Li Hu explore un critère de beauté traditionnel que l’on retrouve depuis la dynastie Tang (619-904). Les estimations situent à deux milliards le nombre de femmes chinoises qui ont eu les pieds bandés depuis le dixième siècle jusqu’à 1949, date où la pratique a été interdite par le régime communiste.

Comment s’est présenté le projet End, Bound Feet ?

Dans la campagne de la province du Henan, la cérémonie du feu (une festivité du jour de l’An) est célébrée au temple, où les gens se réunissent pour honorer les dieux. En 2007, je me suis intéressé à cette tradition en photographiant 14 de ces cérémonies dans la région. Pendant le processus, j’ai rencontré des vieilles femmes avec les pieds bandés.

J’ai été surpris d’apprendre qu’il y en avait encore, et j’ai commencé à les photographier en 2008 en créant une série de portraits de trois images chacun. Les femmes aux pieds bandés étaient physiquement handicapées par leurs pieds déformés, et elles ne pouvaient pas mener à bien leurs activités quotidiennes. Et ainsi les trois photos séparées retraduisaient la détérioration de leurs corps, offrant trois perspectives différentes.

Vingt femmes de 84 à 104 ans ont été photographiées à Lushan, dans la province du Henan. Cette ville est enfoncée profondément dans une zone de montagne, si profondément que j’ai crevé les quatre pneus de ma voiture en essayant de m’y rendre. Ce n’était pas un voyage facile. Toutes les femmes m’ont été recommandées par le bouche à oreille. L’une d’entre elles que j’ai essayé de photographier récemment est morte peu après que j’arrive chez elle. J’ai eu de la chance de tomber sur elles avant qu’elles ne disparaissent toutes, alors qu’elles sont si importantes pour l’histoire de la Chine.

Qu’avez-vous découvert sur elles en faisant ce travail ?

Une chose que j’ai notée est la relation entre la taille des pieds et l’âge des femmes. Les plus vieilles ont de plus petits pieds. La plus jeune du groupe, âgée de 84 ans, a de plus grands pieds parce qu’ils ont été bandés dès l’âge de trois ans mais libérés ensuite au fur et à mesure que la tradition s’éteignait au début du vingtième siècle. Le relâchement a permis une croissance modérée.

Quelle femme vous a impressionnée le plus ?

Certaines femmes ne peuvent se tenir avec assurance sur leurs pieds, et elles ont en général des gens plus jeunes à leur côté qui les aident et les protègent. Mon portrait favori est celui de Xuizhen Li, qui souffre de ce problème et est aveugle d’un œil. Elle est très gentille, optimiste, et gracieuse, et elle a une grande famille avec de nombreux petits enfants. Elle est heureuse de son existence et continue à participer autant qu’elle le peut au bien de sa famille, ce qui inclut les travaux des champs. La force de son instinct maternel et des sacrifices qu’elle a accompli pour les siens peut se ressentir facilement. Elle a connu beaucoup de temps difficiles, notamment la guerre. Je l’admire.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire des pieds bandés ?
Les livres d’histoire nous apprennent qu’ils existent depuis la dynastie Tang, il y a plus de mille ans. Ils étaient considérés comme beaux, et aphrodisiaques. C’était aussi un moyen pour les hommes de contrôler leurs femmes, en les piégeant chez elles, sans qu’elles aient les moyens de se déplacer. Il était convenu de tous que, parce qu’elles ne pouvaient pas bouger, leur appétit sexuel augmentait. Et marcher comme elles le faisaient avec leurs pieds bandés était également censé exciter les femmes.
Beaucoup de familles aristocratiques dans le passé ne permettaient pas à leurs filles aux pieds bandées de quitter la maison. Elles restaient dans leurs chambres, dans les étages, et n’étaient même pas autorisées à recevoir les invités.

Pourquoi avez-vous décidé de vous intéresser à ce sujet ?

Je voulais montrer aux spectateurs les vies incroyablement riches que ces femmes ont pu mener malgré leur handicap. Elles ont beaucoup souffert de la tradition, qui les a mutilées. La plupart d’entre elles n’ont pas été traitées justement par leur communauté alors qu’elles grandissaient. Ce projet est pris dans cette histoire et critique cette tradition.

J’ai senti également qu’il était important d’enregistrer les traces de la dernière génération de femmes aux pieds bandés alors qu’elles sont en train de disparaître.

Pouvez-vous nous parler de vos futurs projets ?

La prochaine série que je vais faire portera sur les gens qui vivent dans des grottes. Il y a six provinces sur le parcours du Fleuve jaune (Huang He) où des communautés vivent dans des maisons fabriquées dans des grottes avec de la boue. Les maisons sont creusées à travers les collines.

Cette interview a été conduite et réalisé par CYJO
[email protected]

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