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Arles 2013 : Photobooks / Livres de photographie

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Ça fait vingt ans que Dirk Bakker arrive à la semaine professionnelle des Rencontres d’Arles avec ses cartons de livres photographiques rares, épuisés et/ou d’artiste. Au départ, dans les années 1990, il participe à une librairie-galerie près de la Bastille à Paris et c’est le libraire Philippe Chauveau et la galerie Point de Vue qui le font venir à Arles. En 1996, les Rencontres lui propose d’organiser un marché de livres, installé pour sa première édition dans une salle prêtée par la librairie d’Actes Sud et ensuite dans la belle cour de l’Espace Van Gogh. L’an dernier, après un passage par le «Village des Rencontres» qui remplacera son marché en 2009, il retrouve pignon sur rue dans un supérette Casino convertie en librairie éphémère qu’il organise, toujours avec la galerie Point de Vue, l’Atelier Reflexe, et des amis éditeurs, libraires et photographes.

«C’était la dernière fois que je voulais faire Arles», raconte Dirk Bakker, qui mène sa vie de libraire sans librairie au rythme des salons et de la sortie plus ou moins mensuelle de ses catalogues de vente. Mais c’était sans compter sur la dynamique de groupe forgée au fil des marchés, des librairies, des projections dans la rue : un par un, les anciens se manifestent, prêts à renouveler l’expérience. Fortement mobilisée par l’éditeur Eric Higgins, Stefanie Gattlen, le bras droit de Dirk Bakker, commence à chercher un nouveau local au mois de février dernier… et nous voilà aujourd’hui à l’étage lumineux de L’Hauture, un ancien restaurant-pizzeria juste derrière les Arènes.

«Tout le monde était tellement enthousiaste que j’ai suivi le mouvement», résume Dirk Bakker. Finalement, ils sont dix «tables», pour ainsi dire (plus Eric Higgins et ses partenaires au rez-de-chaussée, où Dirk Bakker s’est judicieusement installé sous l’escalier pour dirigé le public vers l’étage). Mais cette fois-ci, au hasard des amitiés de longue et de moins longue date, il s’agit majoritairement d’une libraire de libraires: Florence Loewy Books by Artists et Plac’art Photo, venus de Paris; MiCamera et obiettivolibri de Milan et Tipi Bookshop de Bruxelles, sans oublier Dirk Bakker Books et son cartons sans frontières (entreposés néanmoins à Montreuil).

Le mélange est impressionnant. C’est à Florence Loewy que revient le palmarès de la longévité pour sa librairie dédiée aux livres d’artiste qui existe depuis 1989 — et celui du jeune espoir, à Andrea Copetti, qui vient de fêter les deux mois de sa Tipi Bookshop. Savina Palmieri d’obiettivolibri explique que bien avant d’ouvrir cette librairie en ligne en 2005 elle vendait ses livres anciens, rares et épuisés aux marchés d’antiquaires et de livres anciens à Milan et ailleurs, dont le marché de Dirk Bakker à l’espace Van Gogh. MiCamera, imaginée, créée et dirigée par un couple de passionnés du livre photographique, Flavio Franzoni et Giulia Zorzi, remonte à 2003, tandis que Plac’Art Photo, qui est sans doute, comme son nom le suggère, l’un des librairies les plus exiguës de la planète, est ouverte depuis 2008 (le 1er janvier, précise Clément Kauter, le maître des lieux).

Si Florence Loewy se dit « née dans la marmite » — son père était libraire spécialisé dans les livres illustrés de bibliophile de 1936 à 1986 — les autres ont mis plus de temps pour arriver au métier. Savina Palmieri raconte, par exemple, qu’elle état prof de maths mais trouvait la matière trop « aride » par rapport aux arts et s’est peu à peu consacrée aux livres de photo vintage, par amour de la photographie italienne et le désir de la faire connaître.

De même, Flavio Franzoni et Giulia Zorzi, tous deux issus du milieu de la musique, ont décidé de « changer de vie » afin de pouvoir travailler ensemble sur quelque chose qu’ils aiment. Se lançant avec une petite librairie de 24 m2, ils se retrouvent aujourd’hui dans un espace de 190 m2, entourés des milliers de livres, neufs, anciens, d’occasion. Avec le recul, admet Giulia Zorzi, « je crois que nous étions des passionnés, mais ne se rendions pas compte de l’ampleur du travail qui nous attendait. » Ce qui ne les empêche pas de croire que — comme c’est imprimé sur leurs sacs de toutes les couleurs — « Photography Books Make You Happy».

Quant à Clément Kauter, c’est avec sa propre collection de livres et revues qu’il est devenu libraire quand l’occasion de s’installer dans son «placard» — une porte cochère dans une rue très passante — s’est présentée. Il avait effectivement acheté d’anciennes revues spécialisées (Camera, Photo, Zoom…), rappelle-t-il, « pour m’instruire avant d’acheter mes premiers livres. Puis je revendais certains pour pouvoir e acheter d’autres et faire progresser ma collection. » Et d’ajouter: « Pour remplir les rayonnages, j’ai amené presque toute ma collection. Puis, pour combler les vides, j’ai acheté tout le fonds de mon voisin éditeur Eric Higgins ! »

En plus des mots « passion» et « passionné » qui ponctuent toutes les conversations avec ces libraires, deux points communs ressortent des parcours typiquement atypiques des uns et des autres. D’abord, ils sont progressivement devenus, « par la force des choses » (Dirk Bakker), plus que des libraires : ils organisent non seulement des signatures comme ça se fait partout, mais aussi des expositions, des débats, des projections. Et certains finissent par éditer ou coéditer des livres eux-mêmes, comme c’est le cas de Florence Loewy, de Dirk Bakker, de MiCamera ou de Plac’art. Sans oublier les ateliers de MiCamera ou les ventes aux enchères organisées par Dirk Bakker.

Giulia Zorzi de MiCamera rappelle, par exemple, que si la librairie a toujours été au coeur du projet, la création d’une association culturelle s’est vite imposée afin de pouvoir proposer des événements… dans une boutique de meubles à côté de la librairie. Quand la librairie déménage en 2006, ils commencent à organiser des ateliers de photographie qui permettent de financer les autres activités, toujours gratuites. Et c’est ainsi, explique Giulia Zorza, que MiCamera est devenue aujourd’hui un véritable incubateur, où les gens peuvent trouver un accompagnement — gratuit — pour réaliser leur projet.
Le deuxième point commun, qui découle en quelque sort du premier, tout en allant à l’encontre d’une certaine idée (reçue) du tout numérique, est l’importance du lien réel, du réseau social vivant. Dirk Bakker est le premier à reconnaître que l’Internet lui permet de se passer d’une boutique mais à condition d’avoir un bon carnet d’adresses créé sur le terrain. D’ailleurs, son site web est toujours attendu…

De même, si le site d’obiettivolibri existe depuis 2005 et reçoit des commandes de partout dans le monde, Savina Palmieri continue à aller sur les marchés à Milan deux fois par mois et à participer aux salons en Italie et à l’étranger. Et Giulia Zorzi explique qu’en fait MiCamera était conçue comme une librairie en ligne, d’où son site très fourni, mais le public a vite commencé à se rendre sur place, avec le résultat qu’on connaît.

Enfin, le très beau site de Plac’Art Photo fait office — littéralement — de vitrine, avec des photos du lieu, des annonces d’expositions et des catalogues à télécharger en PDF. Mais n’est pas une boutique en ligne. Clément Kauter assume : « Je pense être l’un des derniers libraires à ne pas proposer des livres via la Toile. Il est vrai qu’en termes de communication, cela pèche un peu ! Mais j’aime le fait que les gens me trouve par ¨ hasard ¨. » Et comme à L’Hauture — au Off du Off des Rencontres — le Plac’Art ne désemplit pas.

Miriam Rosen

Infos:
Dirk Bakker Books : [email protected]

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