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Arles 2013: Jean-Paul Capitani (Actes Sud)

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En 2012, Christian Caujolle réalise cet entretien avec Jean-Paul Capitani.

L’Association du Mejan et Actes Sud occupent, dans le panorama et la programmation des Rencontres, une place particulière :
Oui, certainement. C’est une chose historique, en fait. Je suis arlésien, extrêmement attaché à ma ville, à ce qui s’y passe et que nous avons considérablement développé tout autour de l’année avec le cinéma, la librairie, les expositions, les concerts. Nous éditons depuis très longtemps les catalogues des Rencontres et il s’agit avant tout d’un accompagnement, d’une fidélité, d’une façon de mettre au service d’une manifestation importante les moyens et le savoir-faire que nous avons. Je ne pense pas cela en termes de commerce. Par ailleurs, même modestement, l’Association du Mejan se comporte en mécène, donne un peu d’argent et l’accès libre aux expositions qu’elle produit aux porteurs de badges des Rencontres. Entre autres. Au fur et à mesure que nous avons développé nos capacités en matières de salles, nous les avons programmées en tenant compte de la période et des orientations des Rencontres. C’est une écoute, une participation à un projet global qui a un sens fort pour Arles.

Cette année est particulièrement impressionnante, tant en termes d’expositions que de publications. Comment avez-vous procédé ?
C’est vrai que cela fait beaucoup. ( sourire). Lee Ufan est présenté au Capitole enfin devenu la salle d’exposition que je rêvais et nous publions un ouvrage important, Penone au Mejan est une exposition ambitieuse – dont je pense et espère qu’elle se poursuivra par un livre réunissant les travaux photographiques – et l’arbre en bronze qui se trouve devant l’entrée aurait du sens s’il pouvait rester là, aux Ateliers, nous avons une création spécifique de Moriyama et un ensemble d’expositions liées à des livres de la maison, dont la première rétrospective en France de Gordon Parks. En fait, tout s’est fait en dialogue. François Hébel m’a dit qu’il appréciait le fait que je montre des artistes contemporains majeurs qui n’étaient pas toujours présents dans le programme des Rencontres. J’ai dit banco, comme toujours. J’ai répondu à sa demande. J’adore évidemment Penone dont la relation à la nature rejoint mes préoccupations, nous avons pu montrer un ensemble rare de ses travaux photographiques et, comme Lee Ufan est à sa manière un écho asiatique de l’Arte Povera, il y avait là une logique. Nous ne faisons pas les choses en concurrence, nous sommes dans une direction qui est celle de la direction générale. Même si nous avons notre identité.

Du point de vue de l’édition, comment se passent les choses ?
Chacun sait qu’il s’agit là d’un secteur difficile, qu’il y a crise globale, crise de la librairie et que les biens de consommation culturelle ne peuvent pas être une priorité. Photo Poche, qui ne représente pas un énorme chiffre, est une magnifique aventure éditoriale, qui s’est développée à l’export avec toutes les traductions à l’étranger qui progressent, Robert Delpire dirige la collection et Benoît Rivero en a l’entière charge. Et nous nous parlons tout le temps, évidemment. Mais c’est le cas en permanence dans cette maison.
Pour les autres livres, il y a forcément davantage d’envies que de réalisations. Sans le European Publishers Award qui permet une belle synergie des éditeurs et les coéditions, certains livres n’existeraient pas. Après – et au grand dam de Benoît souvent – il y a des décisions opportunistes, en raison d’une exposition, d’un soutien financier, d’un préachat. Sans coédition ou sans aide financière trop de livres ne sont pas viables. On ne peut que le regretter, mais c’est ainsi. Il faut allier passion et réalisme. Et bricoler, bien souvent…
Même si elle a une autonomie et est un secteur dont Benoît Rivero a la responsabilité, la photographie à Actes Sud a toujours été conçue et publiée comme faisant partie de l’art contemporain. Les nombreux titres de Sophie Calle, qui rencontrent un vrai succès, en sont une bonne preuve, tout comme la décision de publier la monographie de référence de Bernard Faucon, ainsi que ses autres titres. Je ne voudrais pas oublier que, dans le groupe, lamaison Textuel publie d’importants et nombreux textes et livres consacrés à la photographie. Il y a une grande diversité d’approche, une tentative de répondre
à la richesse du champ photographique. La Valise Capa et Sophie Calle ont tous leur place !

Actes Sud a annoncé dès le début du projet de Maja Hoffmann pour les Ateliers, son intention de déménager sur le site. Où en êtes-vous ?
C’est toujours d’actualité. Plus que jamais. Le projet architectural de rénovation du Magasin Electrique, qui conserve 1000 m2 d’exposition permanente est prêt depuis longtemps et accueillera tous les bureaux. Les choses doivent se mettre en route assez rapidement et je pense que nous pouvons de façon réaliste penser être définitivement installés aux Ateliers en 2017. Il faut tenir compte du fait que, compte tenu des exigences de qualité, de travaux lourds comme la rénovation des immenses toitures, de la mise aux normes des ateliers destinés à recevoir des fonds à conserver ou à accueillir des expositions de référence. Il faut du temps, on ne peut pas créer cela en un tour de main.

François Hébel s’inquiète des possibilités de lieu pour les Rencontres dans les années à venir. La polémique est vive entre lui et Maja Hoffmann.
Tout cela est proprement désolant ! On ne peut pas accuser Maja de ne pas être généreuse et de ne pas avoir été généreuse. Tout de même… Le chantier est lourd, cela fait dix ans qu’il traîne, pour des raisons multiples qui ont l’air de trouver des solutions. Je ne suis pas persuadé que ce soit le meilleur moment pour polémiquer de façon pas toujours limpide. les Rencontres doivent beaucoup à Maja qui est d’ailleurs devenue partenaire des Rencontres à l’invitation de François Barré et François Hébel. Elles doivent aussi beaucoup aux volontés politiques de collectivités ou d’individus de les soutenir et de les accompagner. On ne peut pas ainsi prendre en otage toute une communauté qui déploie de vrais efforts pour aller dans le même sens, dans le bon sens. Pourquoi jeter ainsi un caillou dans la mare – pour quel bénéfice ? Le plan des travaux est clair et parfaitement défendable, avec ses étapes, ses tranches. Oui, il va falloir du temps, oui des espaces ne seront pas disponibles pendant certaines périodes. Sinon,, il n’y aura rien et on se plaindra encore que rien n’avance. Il y a par ailleurs des espaces possibles à Arles, d’autres friches industrielles que les ateliers. Cela implique un engagement des pouvoirs publics, mais il y a aussi des possibilités de partenaires, de mécènes. Je suis prêt à y aider. Et je pense que Maja, qui va investir plusieurs dizaines de millions – et dont on sait par ailleurs de quelle générosité elle est capable – est tout à fait en droit d’envisager une négociation financière avec une manifestation qui n’est pas non plus des plus pauvres. A vrai dire, je découvre cela avec stupeur. La seule nécessité, c’est de réunir les efforts d’une communauté de bonnes volontés. Et qu’il n’y ait que des bonnes volontés au service de projet.

Archives de l’Œil de la Photographie – Propos recueillis par Christian Caujolle, 2012

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