Cette image est extraite du troisième livre de Michel Setboun et Marie Cousin sur les agences. Le livre est intitulé 40 ans de photojournalisme, génération agences. 80 photoreporters ont choisi et commentent une image emblématique de leur parcours. L’image que nous publions aujourd’hui est une photographie réalisée par David Burnett.
« Je fais partie du premier groupe de journalistes autorisés à entrer au Chili. Nous sommes en septembre 1973, deux semaines seulement après le coup d’État militaire qui a mis Pinochet au pouvoir. Les nouvelles autorités en place ont organisé un voyage de presse pour tenter de montrer au monde que tout va bien. Personne ne sait rien.
Je veux absolument échapper à la visite guidée et montrer plus. J’arrive à me rendre, seul, aux abords du stade. Je sais qu’il y a des prisonniers dedans, mais je ne connais pas leur état. Je suis arrêté et retenu quelques heures.
À la fin de la visite officielle, on nous pousse vers la sortie. Nous sommes plusieurs journalistes à résister. Nous voulons voir ce qu’ils nous cachent, faire le maximum de photos “non officielles”. Au moment où je prends celle-ci, les autorités pensent les journalistes partis. Elles ramènent des prisonniers politiques. Le cliché est totalement imprévu, tout comme la situation. La force de cette photo est son caractère fortuit. Cet homme, Daniel Cespedes, vient d’être arrêté, amené au stade, il ne sait absolument pas ce qu’il va lui arriver. L’image est forte, importante parce qu’elle montre ce qui est caché. (Daniel Cespedes sera libéré un mois et demi plus tard après avoir été torturé.)
Lorsque je pars pour le Chili, cela fait seulement trois mois que je travaille pour Gamma. Cette image est la dernière que j’ai prise dans le stade, et c’est l’une des plus publiées de ce coup d’État militaire, notamment en Europe et en France. Ce cliché représente beaucoup pour moi et pour l’agence, alors en pleine scission Gamma/Sygma. Elle nous permet de rester dans le coup. »
Propos recueillis par Sarra Ben Chérifa.
