Rechercher un article

40 ans de Photo Poche : Regards croisés

Preview

Célébrons quarante années de la collection Photo Poche à travers les mots de leurs contributeurs : les photographes Harry Gruyaert et Klavdij Sluban et les historiennes de la photographie Damarice Amao et Clara Bouveresse.

 

 

Zoé Isle de Beauchaine : Comment avez-vous découvert Photo Poche ?

Harry Gruyaert : Je n’ai pas découvert Photo Poche, j’étais là quand Delpire l’a inventée. C’était une excellente initiative. J’ai trouvais très excitant de pouvoir acheter à un tel prix des livres sur Cartier-Bresson, sur Nadar, sur tous ces photographes importants.

Klavdij Sluban : Entre Photo Poche et moi, c’est une longue histoire parce que cette année on fête les 40 ans de Photo Poche et il y a 40 ans j’avais 19 ans. En 1981 : je vote pour la première fois, je viens d’avoir 18 ans – et on a gagné. S’ensuit tout ce qui nous manquait avant, c’est-à-dire une ouverture sur la culture et puis surtout sur la photo. Je pratiquais la photographie depuis l’âge de 14 ans. Le CNP et la collection Photo Poche m’ont accompagné. C’est avec eux que j’ai fait mon éducation de l’œil.

Damarice Amao : Photo Poche doit faire partie des premiers livres photographiques que j’ai eu entre les mains et surtout que je me suis achetés, autour de mes dix-huit ans quand je suis arrivée à Paris.

Clara Bouveresse : Je crois que Photo Poche a pour moi toujours fait partie du paysage. C’est le genre de collection qui, comme les collections Blanche et Découvertes de Gallimard, ou même une bande-dessinée telle que Tintin, se trouve dans de nombreuses bibliothèques.

 

Que signifie pour un photographe d’avoir son Photo Poche ?

Harry Gruyaert : Cette collection permet de rendre mon travail accessible à tous et cela à un petit prix.

Klavdij Sluban : C’est une question piège ! En fait, la question devrait être : “Qu’est-ce que ça vous fait d’être vivant, et d’être publié dans la collection Photo Poche ?”. Cette collection est, pour moi, la Pléiade de la photographie.

Damarice Amao : De prime abord cela signifie qu’il est reconnu dans l’histoire de la photographie et c’est une reconnaissance qui ne se limite pas aux seuls spécialistes, mais s’étend aussi au grand public. D’ailleurs, être publié dans Photo Poche représente une consécration autant pour les photographes que pour nous, auteurs. C’est un honneur de pouvoir faire partie de cette collection.

Clara Bouveresse: C’est une véritable consécration. Pour un photographe, avoir son propre Photo Poche signifie que son œuvre a atteint une certaine envergure et devient accessible au grand public.

 

Comment utilisez-vous Photo Poche dans vos propres recherches ?

Damarice Amao : Pour moi cette collection est un bon condensé pour se rafraichir sur quelques images d’un photographe ou pour entrer dans un thème. Par exemple, j’ai récemment acheté un numéro dédié à la photographie mexicaine. Il y a aussi certains numéros auxquels je reviens assez souvent quand je fais des recherches, comme par exemple Je ne suis pas photographe.

Clara Bouveresse : Je l’utilise dans mes cours [Clara Bouveresse enseigne à l’université d’Evry] mais aussi dans mes propres recherches, pour un premier accès au travail d’un photographe qui donne un aperçu de l’intégralité de son œuvre.

 

Pouvez-vous nous parler de la conception de votre Photo Poche ?

Harry Gruyaert : J’ai fait le premier avec Robert Delpire, il y a plus de vingt ans. Depuis les choses ont beaucoup évolué, nous avons tout revu avec Géraldine Lay pour cette nouvelle édition, et notamment l’impression, dont je suis très satisfait. Nous avons aussi renouvelé près de la moitié des photographies publiées. Le résultat est très bien.

Klavdij Sluban : Nous avons travaillé pendant un an avec Géraldine Lay et son équipe. Après Robert Delpire, Géraldine a réussi à renouveler la collection avec cette nouvelle maquette. Je ne crois pas aux hasards et il s’avère que je suis l’un des premiers à être publié avec cette maquette. Ça me touche beaucoup. Son parti pris est tellement assumé. Il fallait le faire, il fallait oser, faire oublier la marque de fabrique de Photo Poche pendant 40 ans. Avec cette nouvelle présentation, Photo Poche est entrée dans une nouvelle ère, contemporaine, et c’est reparti je pense pour plusieurs siècles.

Damarice Amao : Le Photo Poche sur Charlotte Perriand est l’aboutissement d’une aventure commune avec sa famille et Emmanuelle Kouchner, commencée avec le catalogue Charlotte Perriand : Politique du photomontage. À l’époque, les livres sur elle étaient assez conséquents et représentaient un certain prix, ce qui, d’une certaine manière, restreignait l’accès à son œuvre à un certain milieu. Ce qui a énormément plu à sa famille avec ce Photo Poche c’est cette idée de pouvoir parler de Charlotte Perriand sans être à côté mais en quelques images.

Clara Bouveresse : J’ai travaillé sur les numéros 160, 161 et 162 de la collection, trois volumes réunis sous le titre Femmes photographes. À un moment, Robert Delpire a pris conscience du manque de visibilité des femmes dans la photographie, et dans sa propre collection. Il a donc décidé de faire trois volumes entièrement consacrés aux femmes. Cela ne remplace bien sûr pas des numéros monographiques, qui devront et vont être publiés, mais c’était une manière de montrer qu’une prise de conscience avait lieu et que les choses allaient bouger. À sa mort, Sarah Moon et Michel Poivert ont repris le projet et m’ont demandé d’y participer.

 

Quel autre numéro de la collection Photo Poche vous a particulièrement marqué ?

Harry Gruyaert : Lorsque Robert Delpire, avec Michel Frizot, a élargi les thématiques de Photo Poche à l’histoire de la photographie, j’ai trouvé que c’était très stimulant de ne pas faire uniquement des monographiques mais traiter des grands thèmes de l’histoire du médium.

Damarice Amao : Ce sont surtout les numéros que j’ai achetés en tout premier : celui sur Gordon Parks par exemple, puisque j’ai connu ce photographe par Photo Poche. Le William Klein était aussi très précieux pour moi, je le prêtais rarement. Il y avait encore ceux dédiés à Nobuyoshi Araki, Saul Leiter, Eugene Smith… Aujourd’hui, je peux acheter des livres beaucoup plus cher mais je tiens particulièrement à ces numéros de Photo Poche car ce sont mes premiers livres de photographie.

Clara Bouveresse : J’aime beaucoup le numéro 100, qui s’intitule Je ne suis pas photographe. Ce Photo Poche rassemble des personnalités qui ne sont pas photographes mais utilisent la photographie : des sociologues, comme par exemple Bourdieu, des artistes, tel que Matisse. Cela montre que la photographie est omniprésente et nourrit toutes sortes de pratiques.

 

Un souvenir de la collection Photo Poche ?

Damarice Amao : À un moment, au cours de mes premières années à Paris, chaque semaine, quand je revenais de la bibliothèque, j’avais toujours au moins un Photo Poche parmi tous les livres que j’empruntais.

Clara Bouveresse : Le souvenir que j’ai de Photo Poche c’est surtout sa découverte, encore jeune, dans les librairies des musées. À l’époque les seuls livres qui m’étaient accessibles, c’étaient les Photo Poche. C’étaient des livres qui pouvaient rejoindre ma propre bibliothèque.

Klavdij Sluban :  Mon unique apprentissage de la photographie a été un stage d’une année avec Georges Fèvre, qui était un maître du tirage chez Picto ; il était le tireur des plus grands photographes de l’époque. Un jour, il est arrivé avec une grande planche avec des photos dans tous les sens et l’a accrochée au mur. Il était en train de faire un Photo Poche. Pour la première fois, je voyais à quoi ressemblait un livre avant qu’il soit façonné. C’était impressionnant. Et quarante ans plus tard, j’ai vécu la même chose, j’ai vu cette feuille sortir de la machine et être accrochée au mur, ce qui m’a beaucoup ému. Photo Poche, c’est comme une histoire de famille.

 

Photo Poche 
Une collection disponible en librairies et sur le site d’Actes Sud

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android