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Zbigniew Dlubak, héritier des avant-gardes

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Du 17 janvier au 29 avril 2018, la Fondation Henri Cartier-Bresson, à Paris, présente l’exposition Zbigniew Dłubak – Héritier des avant-gardes. Le photographe Zbigniew Dłubak (1921-2005) a été, après-guerre, l’un des acteurs du profond changement de la scène artistique polonaise. Grand expérimentateur des formes photographiques, il fut également peintre, théoricien de l’art, enseignant et éditeur de la revue Fotografia pendant plus de vingt ans. Il y a introduit une critique photographique solide et une manière interdisciplinaire de penser le medium. 

 

Les premières images photographiques réalisées par Dłubak, qui s’était formé en autodidacte à la peinture et au dessin au tournant des années 1940, avaient sans doute un caractère strictement utilitaire : elles documentaient les activités de l’armée clandestine qu’il avait rejointe et furent suivies, alors qu’il était déporté au camp de concentration de Mauthausen après sa participation au soulèvement de Varsovie de 1944, par ce que les nazis lui assignaient comme tâche dans l’atelier photo du camp (retouches et peut-être portraits ou reproductions).  Les images qu’il montre à Cracovie ont cependant été précédées de quelques essais plus artistiques, en 1947 et au début de 1948, qui manifestent le désir de comprendre de l’intérieur deux tendances marquantes de ce qui pouvait constituer, aux yeux d’un novice polonais, le modernisme photographique.

D’une part, Dłubak réalise des images d’arbres en contre-plongée ou de fragments de sols en plongée abrupte, qui relèvent d’une sorte de pictorialisme marqué par un rapport superficiel à la Nouvelle Vision germanique, dans la lignée de Jan Bułhak, alors considéré comme le père de la photographie moderne polonaise. D’autre part, il organise sur des tables des compositions de petits objets dérisoires (celle, allumettes, ressorts, boutons, vis, etc.), qu’il photographie comme des paysages abstraits sans échelle, à la manière de ce que pratiquaient les constructivistes et notamment Florence Henri (dont il a pu avoir connaissance de quelques images, même s’il semble ne jamais les avoir mentionnées). Rien dans ces deux séries ne prépare cependant vraiment ce que l’on peut observer dans les photographies exposées en 1948.

En fait, la principale originalité de Dłubak vient de ce qu’il s’agit moins pour lui de produire ce merveilleux que de le trouver, en troublant les habitudes trop certaines de la vision ordinaire mais sans pour autant que l’origine factuelle de son image vienne en obscurcir l’efficacité poétique.

Il ne s’agit donc pas seulement pour Dłubak de réconcilier des traditions artistiques précédemment séparées, mais de défaire l’opposition traditionnelle entre abstraction et figuration. L’usage du très gros plan (jusqu’à la macrophotographie) et des manipulations techniques (solarisation ou pseudo-solarisation, présentation du négatif comme un positif) ne doit en effet pas être compris comme un éloignement de la réalité extérieure mais au contraire comme une manière de pénétrer au cœur de celle-ci, moins comme une chose cachée, une vision spirituelle, que comme un enfouissement, une révélation de ce qui y est latent et qui permet de la comprendre de façon plus subtile. Comme l’écrit Dłubak en 1948 dans un article programmatique intitulé « Réflexions sur la photographie » : « Le réalisme photographique est un réalisme d’un autre type, et justement la fidélité et l’attachement à l’objet, qui a ici le caractère de matière première, interdisent tout artifice, car celui-ci est immédiatement démasqué. Ce réalisme demande qu’on s’appuie essentiellement sur la nature en évitant toute narration. » 

 

Éric de Chassey 

Éric de Chassey est un historien de l’art, critique et professeur d’art contemporain français. Il est directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art depuis 2016, après avoir été directeur de l’Académie de France à Rome de 2009 à 2015. Ce texte est un extrait de l’essai 1948-1949 : un réalisme de l’extrême proximité issu de l’ouvrage Zbigniew Dłubak – Un héritier des avantgardes paru aux Éditions Xavier Barral.

 

 

Zbigniew Dlubak, héritier des avant-gardes
17 janvier – 29 avril 2018
Fondation Henri Cartier Bresson
2 Impasse Lebouis
75014 Paris
France

www.henricartierbresson.org

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