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Winterthour : Jules Decrauzat

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L’entrée dans la modernité, la démocratisation du sport, la passion nouvelle pour la vitesse et la machine, mais aussi une photographie enfin instantanée : voilà ce qu’incarnent les 2500 négatifs sur verre de Jules Decrauzat découverts dans les archives Keystone en Suisse. L’œil rapide et mobile de ce pionnier du photoreportage était connu. Mais pas l’étendue de son fonds, qui couvre la période 1910-1925. Avec l’aide de la Fondation suisse pour la photographie, qui consacre une exposition racée à Jules Decrauzat (1879-1960), on en sait désormais davantage sur sa carrière et son talent.

Né à Bienne dans le canton de Berne, mais vite installé à Genève avec sa famille, Jules Decrauzat commence par étudier la sculpture. Il s’installe à Paris en 1897, exerçant son art tout en suivant les cours de l’école Pathé où il découvre le cinéma et la photographie. La presse française, à l’époque, commence à intégrer davantage l’écriture photographique. Mais celle-ci reste lente, rigide, peu à même de transcrire l’énergie fin de siècle. Decrauzat a une intuition : tirer parti des progrès techniques des appareils à plaques pour capter, dans l’instant, la vie comme elle va : de plus en plus vite.

Le jeune Genevois se lance dans le reportage. En 1899 à Rennes, en pleine affaire Dreyfuss, il réussit à photographier en plein crime l’agresseur de Me Labari, l’avocat du capitaine dégradé. La photo de l’attentat est vendue à bon pris au magazine L’Illustration. La carrière de Decrauzat est lancée. Il couvre la guerre des Boers, sillonne l’Amérique du Sud et l’Europe. En 1910, le photoreporter reprend le chemin de Genève, à l’appel du bimensuel La Suisse Sportive. Il y travaillera quinze ans, à l’apogée de son sens du mouvement, du cadrage impeccable, de la scène qui n’oublie jamais de rendre compte de l’engouement populaire pour les compétitions sportives.

L’esprit du temps diffuse dans ces courses de voitures, de moto, d’aéroplanes, ces tournois de boxe, de tennis ou de hippisme, ces matchs de football, ces rencontres d’athtétisme. Le sport se popularise, mais c’est surtout son spectacle qui fascine. L’exploit des nouveaux héros, le culte du corps, l’ivresse géométrique de la vitesse, le bolide comme extension de la vigueur corporelle : le futur, et même le futurisme et le machinisme, sont en marche rapide. Decrauzat, partout en Suisse, est aux aguets, prêt à déclencher au 500e de seconde. A Winterthour, dans l’exposition, une photo de tennis montre son ombre projetée sur le court, en pardessus, melon vissé sur la tête. Le chasseur à l’affût d’un moment qu’on n’appelait pas encore décisif.

Jules Decrauzat, plus tard, travaillera pour La Patrie Suisse et le Journal de Genève, rendra compte des inaugurations des chrysanthèmes ou des salons de l’auto de Genève et Paris. Sa propre heure de gloire était passée. Mais « Oncle Jules », comme l’appelaient ses collègues avec affection, exercera son métier de photographe et de journaliste jusqu’au bout. Il aura impressionné près de 100 000 plaques, dont seule une fraction subsiste encore. La Fondation suisse pour la photographie en offre une sélection rigoureuse, plaisante, agrémentée –dans une salle de projection- de musiques d’époque. C’est un voyage dans le temps d’une société qui croyait à un progrès sans limite aucune, avant que deux guerres se chargent de freiner cet optimisme candide. L’exposition est aussi une justice faite à l’habileté véloce de l’un des premiers photoreporters. Les Suisses sont lents ? Allez-y voir !

EXPOSITION
« La vie – un sport, Jules Decrauzat, un pionnier du photoreportage ».
Du 30 mai au 11 octobre 2015
Fondation suisse pour la photographie
Grüzenstrasse 45
8400 Winterthour
Suisse
http://www.fotostiftung.ch

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