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Tohoku par Martin Hladik

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Bien que la triple catastrophe du 11 Mars au Japon ait disparu depuis longtemps de la première page des journaux, les conditions du désastre sont toujours bien présentes. Résidant à Tokyo, le photographe tchèque Martin Hladik espère maintenir l’attention sur les effets de la catastrophe, alors que les habitants luttent pour survivre. 


Son exposition intitulée « TOHOKU 2011: Photographies de Martin Hladik » a récemment dévoilé au Club des correspondants étrangers du Japon, des œuvres réalisées au cours de sa couverture de la catastrophe. Mais l’objectif de l’exposition est atteint bien au-delà des images comme un moyen de soutenir deux sœurs adolescentes rendus orphelines par le tsunami. Hladik a rencontré Manaka, 13 ans, et Sakaki, 16 ans, dans la ville de Rikuzentakata. Ils ont perdu leur mère célibataire et leur grand-mère, et ils vivent toujours dans des conditions de promiscuité avec leur tante. (Ils ne sont pas en contact avec leur père).

100% du prix d’achat des photos sera consacré à un fonds qui permettra de couvrir les frais d’existence des deux filles et leurs dépenses d’éducation. Les photos peuvent encore être achetées via le site: http://www.tohoku2011.com Toyota Motor Corp et Nissan Motor Co. apportent leur soutien au projet dans le cadre de leurs propres efforts pour soutenir les enfants rendus orphelins par la catastrophe. Si le projet se développe, Hladik espère soutenir d’autres orphelins de la région.

J’ai discuté avec Martin concernant le projet et la région de Tohoku, encore loin d’avoir récupéré de ses cicatrices.

Lucy Birmingham: Qu’est-ce qui vous a motivé à créer l’exposition « Tohoku 2011 » ?

Martin Hladick: J’habite déjà au Japon depuis 10 ans et je me suis en quelque sorte senti connecté à ces gens [à Tohoku]. Je voulais prendre des photos et attirer l’attention sur la continuité des problèmes sur place. Finalement, j’ai pu faire un peu plus, [avec le « projet Orphelin »] ce qui est une sorte de plaisir. Cela ne s’arrête pas à prendre des photos, mais c’est aussi un soutien à ceux qui en ont besoin.

L.B.: Quand avez-vous décidé de remonter vers le point le plus au nord de la catastrophe qui a frappé la région ?

Martin Hladick: [Après les explosions de la centrale nucléaire de Fukushima] J’ai déménagé ma famille à Nagoya parce que j’avais peur des radiations. Je ne croyais pas aux nouvelles données par le gouvernement. Après cela, j’ai réussi à mettre ma femme et les enfants dans un avion spécial pour la Tchécoslovaquie. J’ai ensuite essayé de conduire jusqu’à Tohoku mais il n’y avait pas d’essence, et pas plus de voitures de location disponibles. Finalement, au bout d’une semaine, j’ai été en mesure d’obtenir une voiture. Je travaillais pour une agence photo française appelée PixPlanete. Durant les deux premières semaines, il y eut énormément d’intérêt pour mes images mais après un mois, j’ai constaté une énorme baisse en raison des nouvelles provenant de la Libye. Après cela, je ne savais plus rien vendre.

L.B.: J’ai lu que vous n’aviez jamais vu de catastrophe de la sorte auparavant ?

Martin Hladick: Je ne suis pas un photographe de catastrophes mais il s’agit certainement de la plus grande désolation que j’ai eu l’occasion de voir. Je suis allé au Kosovo [en 2000] à la fin de la guerre, et beaucoup de gens étaient morts. Mais il n’y avait pas trop de maisons endommagées, donc c’était un peu différent. Mais c’était quelque chose de semblable [à Tohoku] parce qu’il y avait beaucoup de gens stressés. Ils n’étaient pas certains de ce que l’autre côté allait faire, si certains commandos allaient débarquer pour les tuer. Ils ne savaient pas ce que les soldats de l’ONU faisaient; de quel côté ils étaient. Bien sûr, ils sont censés sauver tout le monde, mais ça ne fonctionne pas de cette façon. À cette époque, il s’agissait plus d’une discrimination des Serbes. C’était mon rêve de jeune homme de devenir photographe de guerre. Je l’ai vécu et j’ai réalisé que ce n’était pas ce que je voulais être, surtout parce que j’ai vu le business qui se tramait derrière elle.

L.B: Quelle est la situation là-bas aujourd’hui ?

Martin Hladick: Les villes sont plus propres mais il y a beaucoup de gens encore entassés, soit dans un centre d’évacuation ou dans des maisons avec d’autres familles. Très peu de gens ont du travail donc il y a un vrai problème financier. Tout le monde subit beaucoup de stress. Il y a des enfants à Tohoku qui n’ont pas dit un seul mot après avoir perdu leurs parents. Ils ont besoin d’une aide psychologique pour dépasser un tel stress.

L.B: Ils se battent aussi contre la peur des radiations.

Martin Hladick: Oui, et il y a aussi une pollution énorme de l’amiante et des produits chimiques. [Jusqu’en 1970] Le Japon a été construit sur un mélange d’amiante et de béton. Donc, la poussière de l’ancien béton détruit contient d’énormes quantités d’amiante. Cependant, la plus grande pollution provient des usines chimiques en fonction au moment où le tsunami est arrivé. Ils ne peuvent pas brûler les tonnes de débris restants, car il regorge de ces produits chimiques. Il est probable que la pollution chimique devienne un problème encore plus grand que les radiations.

L.B: Votre photographie de la cérémonie de crémation est très inhabituelle.

Martin Hladick: Je ne savais pas que c’était un tabou au Japon de photographier une cérémonie funèbre ou de crémation. La famille a dit que la photographie ne la dérangeait pas. Ces deux enfants ont perdu leurs parents parce qu’ils sont allés à un centre d’évacuation dans le milieu de Rikuzentaka qui était positionné trop bas. Il a été inondé par le tsunami. Il y avait 300 personnes. Ils sont tous morts. [Sur la photo] Le garçon a 14 ans et la fille en a soit 17 ou 18.

L.B.: Où étaient-ils à ce moment ?

Martin Hladick: Ils étaient à l’école, comme la plupart des enfants, car il était entre 15 et 16 heures dans l’après-midi. La plupart d’entre eux allaient bien. Chacun a eu environ 30 minutes pour s’échapper avant que le tsunami n’arrive. Les gens qui sont morts ne pensaient pas que les vagues auraient pu aller aussi loin mais ils ont dépassé la plupart des estimations. Des signes indiquaient aux gens qu’ils étaient en sécurité à une certaine distance. Ces signes n’ont été qu’une grotesque erreur. Quand la vague a atteint la côte, elle a atteint les victimes en 5 minutes. C’était vraiment aussi rapide !

L.B : Comment avez-vous obtenu le soutien des entreprises pour votre projet « Orphelins » ?

Martin Hladick: Toyota s’est montré très intéressé depuis le début. Ils furent de ceux qui m’ont permis de développer ce projet. Ils ont donné quelque chose comme 300 millions de yens pour les orphelins de Tohoku, leurs paroles ont rejoint leurs actes. Ils ont également donné de l’argent à la Croix-Rouge mais ils n’en font pas la publicité. Vous savez, je ne pouvais pas imaginer que des entreprises puissent donner de l’argent dans un autre pays et qu’ils n’en parlent pas autour d’eux. Le soutien de Toyota à Tohoku s’est montré paisible, ce qui est vraiment de bon ton. J’aime beaucoup cela.

L.B: Est-ce que le projet « Orphelin » est un engagement à long terme pour vous ?

Martin Hladick: Je suis quelqu’un qui vit dans le temps présent, je ne pense pas (ou suis incapable de penser) de trop à l’avenir. Je voudrais appeler cela [le projet] de la solidarité normale entre les personnes. Nous les Tchèques, les gens d’un très petit pays, avons connu la trahison: nous avons donné à Hitler, puis à Staline et nous souffrons depuis 40 ans sous la domination russe. Nous avons été heureux d’obtenir de l’aide de l’extérieur qui n’a jamais oublié qu’il y a des gens en Europe de l’Est qui ont besoin d’aide. Je pense qu’après avoir entendu parler de cette misère de la bouche de mes parents et grands-parents, que je pouvais comprendre ceux qui ont la malchance d’être jeté dans une situation aussi pourrie. Sans aide de l’extérieur, ils vont rester là et mourir dedans.

L.B.: Il y a tellement de gens dans le besoin à Tohoku. Pourquoi avez-vous choisi les orphelins ?

Martin Hladick: J’ai des petits enfants et seul le fait de les imaginer perdre leur mère est suffisamment terrible. Même si je sais ce qui arrive aux enfants chaque minute dans d’autres parties du monde, ici au Japon, j’ai senti que je pouvais aider un peu. Le projet est vraiment petit… mais je crois que d’investir un peu de notre vie à aider les enfants est un bon investissement.

Interview réalisé par Lucy Birmingham

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