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Slava Mogutin –Suddenly Last Summer

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Slava Mogutin est surtout connu pour la beauté troublante et la puissance provocante de ses images rassemblées dans des monographies incluant Lost Boys (Garçons perdus) et NYC Go-Go. Son nouveau travail, qu’il présente dans l’exposition Suddenly Last Summer à l’AS IF Gallery à New York, s’éloigne radicalement des œuvres qui l’ont rendu célèbre.

La spontanéité est toujours là, mais l’énergie, la manière, et l’approche sont différentes. Mogutin s’est vu offrir un appareil Holga il y a quelques années, mais n’a commencé à s’en servir qu’au cours de l’été 2010, quand il était en vacances dans les Catskills. En travaillant avec de la pellicule périmée, des doubles expositions, et un appareil qui est connu pour ses accidents de toutes sortes, Mogutin cherche à produire des visions poétiques et picturales de nature, d’amour, et de beauté.

Porteur d’un nouveau langage avec lequel exprimer ses idées, le travail de Mogutin dans Suddenly Last Summer est un régal à découvrir. L’exposition comprend huit tirages d’un mètre sur un mètre, ainsi qu’une édition limitée à 25 exemplaires du portfolio de l’artiste dans un coffret de 25 tirages couleur de 12,7×12,7 cm, signés et numérotés au verso. Cette édition est présentée dans une boîte ornée d’une sérigraphie produite dans la chambre noire de l’AS IF Gallery, en collaboration avec Nicole Rauscher, fabric designer ; Seth Tillet, scénographe et artiste ; et Diego Cortez, commissaire.

Mogutin a pris beaucoup de plaisir à envisager les différents designs pour la boîte en elle-même. Lui et la galerie ont fini par décider d’utiliser une sérigraphie produite illégalement des décennies auparavant, et qui est maintenant accrochée discrètement dans une salle privée de la galerie. AS IF, qui ouvre seulement sur rendez-vous, est l’endroit idéal pour Mogutin afin de montrer son nouveau travail. Située à Harlem, juste au sud de la 125ème rue, la galerie est à des années lumière de l’agitation frénétique du monde de l’art du centre-ville. Ici, l’élégance intimiste d’AS IF et le nouveau travail tranquille mais déterminé de Mogutin s’accordent parfaitement. Le résultat est limpide : montrer moins y donne plus à voir.

Mogutin explique que sa connexion avec Tennesse Williams remonte à ses jeunes années en Union Soviétique, quand il se procura une copie pirate de Suddenly Last Summer après avoir lu la pièce et l’avoir vu interprétée sur une scène russe, mise en scène par le directeur d’un théâtre d’avant-garde. Écrit en 1950, Suddenly Last Summer est un conte sudiste gothique portant sur la répression, exercée avec la complicité des psychiatres, l’homosexualité, et le cannibalisme. L’approche subtile de ces sujets sensibles par Williams permit à cette histoire d’être racontée à une époque où personne ne pouvait faire mine de s’y consacrer. Et pourtant, avec un casting hollywoodien incluant Elizabeth Taylor et Montgomery Clift, le film ne représentait pas une mince entreprise pendant la période où sévissait McCarthy.

Mogutin souligne que cette intrigue peut être mise en parallèle à la réponse soviétique à la dissidence : beaucoup furent envoyés dans des asiles psychiatriques pour être réduits au silence, pendant que d’autres étaient persécutés. Il sait de quoi il parle. Né en Sibérie, dans la ville industrielle de Kemerovo, Mogutin emménage à Moscou à l’âge de 14 ans. Il commence bientôt à travailler comme journaliste et éditeur pour les premiers journaux, publications et stations de radio russes indépendants. À 21 ans, il a déjà réuni à la fois les félicitations de la critique et les condamnations officielles pour ses écrits ouvertement homosexuels. Accusé d’« outrage délibéré aux mœurs communément admises » ; de « vandalisme malveillant animé par un exceptionnel cynisme et une extrême insolence » ; de « provoquer la division sociale, nationale, et religieuse » ; de « faire la propagande de la violence brutale, de la pathologie psychique, et des perversions sexuelles » – il devient la cible de deux enquêtes criminelles largement médiatisées, risquant jusqu’à 7 ans de prison. Forcé de quitter la Russie, il reçoit l’asile politique des États-Unis grâce au soutien d’Amnesty International et du PEN American Center.

Dès son arrivée à New York, Mogutin se consacre aux arts visuels et devient un membre actif de sa scène artistique. Depuis 1999, ses photographies et ses travaux multimédia ont été exposés internationalement, au P.S.1 Contemporary Art Center and Museum of Art and Design de New York, au Yerba Buena Center of Arts de San Francisco, à l’Australian Center for Photography de Sydney, au Centre pour l’Art contemporain Witte de With de Rotterdam, au Musée d’art moderne de Moscou, à l’Overgaden Institut of Contemporary Art de Copenhague, à l’Haifa Museum of Art en Israël, et au Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y Léon (MUSAC) en Espagne.

En écrivant le texte qui accompagne Suddenly Last Summer, Mogutin emprunte une nouvelle direction, utilisant ses répliques favorites du film pour créer un poème, un collage de mots, de pensées et d’idées qui éclaire d’un jour nouveau la connexion entre la photographie et la parole, la vision artistique et l’objet physique, parce que le créateur et le collectionneur partage un même lien : un amour pour l’art de la photographie…

« each day we would carve each day like a piece of vulture
as a trail of days like an overlay brunette sculpture
until suddenly last summer is that penned
using people and maybe that’s not contend
not being able to use people to borrow
suddenly peaceful after all that taboo tomorrow
those nightmares just to be able to tame
their eyes to a sky not black with savage shame »

Slava Mogutin, after Tennessee Williams, 2011

Sara Rosen

Slava Mogutin
Suddenly Last Summer

Jusqu’au 2 juillet

AS IF Gallery
529 Manhattan Ave
New York NY 10027
646-338-214

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