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Simon Vansteenwinckel: PLATTELAND

Preview

Simon au pays des merveilles.


Par Cilou de Bruyn

 

Avec PLATTELAND, le photographe belge Simon Vansteenwinckel, nous emmène de l’autre côté du miroir, au pays de nulle part. C’est un long voyage fantastique et hétéroclite,loin des platitudes belges et autres bravoures légendaires. Les paysages mélancoliques contrastent avec d’étranges rituels,  les jeux de rôle explosent sans pudeur, la symbolique se fige, l’ingénu côtoie l’excès, les questions restent sans réponse. Et l’émerveillement est bien là, dans cette tendre fascination. À chacun son histoire, après tout !

 

  • « PLATTELAND » : on ne peut s’empêcher de penser à ce titre de Brel : mon plat pays.

Effectivement, le clin d’œil à Brel est bien présent. Le choix de Plattelandest plus éloquent selon moi. Bien que cela signifie campagne en néerlandais, le plus important était que ce mot avait également des consonances anglaises et françaises, ne le cantonnant plus à notre simple Belgique mais brouillant un peu les pistes. J’aime son côté hybride. Une sorte de « stoemp » linguistique.

 

  • Un mélange de solitude romantique dans les paysages, et, de monstres rituels chez les hommes. C’est votre ressenti ?

C’est effectivement ce que j’ai voulu exprimer et je suis très heureux si c’est ce que l’on ressent. J’apprécie l’atmosphère véhiculée par le romantisme. D’ailleurs, pour moi, la nostalgie est synonyme de souvenirs heureux, de tendresse. Si dans certains rituels, on peut voir le côté monstrueux des hommes, on peut aussi y déceler la bienveillance qui règne entre eux. C’est de ce côté-là que j’ai essayé de me placer.

 

  • Ne craignez-vous pas de donner une image de la Belgique quelque peu tronquée ?

Je n’avais pas l’intention de poser un regard neutre sur notre pays, ni de relayer les clichés sur les Belges bons vivants, rigolos, des bons gars quoi… L’humour belge, leur second degré, la Grand Place, l’Atomium, Bruges et les Gilles de Binche, ce n’est pas la Belgique que j’ai envie de montrer. D’autres l’ont fait et à chacun son regard. Ma vision de la Belgique, bien que totalement subjective, est concrète et bien réelle puisque toutes ces images ont été prises dans le pays. Cela démontre bien que tout n’est qu’une question de point de vue. Et, selon moi, la force d’un photographe est d’offrir une vision particulière, une manière de regarder. 
Après, en effet cela peut paraître sombre. C’est une remarque que l’on me fait souvent sur mes images. Je le prends personnellement comme un compliment. J’y vois surtout la lumière, que le noir, tel un écrin, fait ressortir. Et il y a un sujet dans cette lumière. Le contraste fait ressortir les choses, met en évidence la lumière sur le sujet, apporte de la profondeur. Si l’on ressent de la tristesse et de la nostalgie, ces sentiments font ressurgir leurs contraires, la joie et l’allégresse. Peut-être que je me trompe, mais c’est mon ressenti. Et j’aime à espérer qu’il puisse être partagé. Dans les images du livre, une fois que l’aspect sombre et rugueux est dépassé, je vois de la passion, de la camaraderie, de la joie, et même de l’amour.

 

  • Vous mentionnez juste un lieu et une date pour chaque photo, aucune légende. 
On dit plus en ne disant rien ?

Au départ, je ne comptais même pas indiquer de lieu et de date. C’est Hugues Henry, l’éditeur, qui m’a gentiment poussé à le faire. Comme pour Nosotros, mon livre précédent, aux Éditions Yellow Now, je ne voulais pas légender les images pour éviter l’aspect guide de voyage. Plutôt que d’expliquer, je préfère suggérer en donnant corps à une série. J’espère emmener le lecteur dans sa propre réflexion, qu’il se fasse son histoire et s’interroge sur chaque image. Pour moi une photo doit se suffire à elle-même. Un texte d’introduction qui pose le contexte et l’ambiance me suffit amplement. Bien que j’aie pris la plupart des images en mode reportage, même si deux ou trois photos ont cependant été mises en scène, ce n’est pas cet aspect qui prime ici, mais bien plutôt la sensation et l’émotion. On pourrait voir cela comme un documentaire de fiction. Le plus important c’est l’histoire.

 

  • Quel est votre sentiment personnel par rapport à ces différentes manifestations ?Les participants ont toujours une bonne raison de le faire, bien que cela puisse sembler étrange aux yeux des non-initiés. Nous ne sommes effrayés que par les choses que nous ne connaissons pas. L’inconnu fait peur et nous avons souvent beaucoup de préjugés. Voir de ses propres yeux permet souvent au moins d’essayer de comprendre. Si je n’adhère pas à tout ce que j’ai pu voir, j’ai pu, de manière épisodique, accéder à ces mondes inconnus, et mieux concevoir les motivations des participants. 
Par exemple, le gros catcheur barbu violent saucissonné dans un collant trop petit, ne représente pas du tout le monde du catch en Belgique. La plupart sont des athlètes de haut niveau, qui s’entrainent trois fois par semaine avec une discipline et un code de conduite hors normes. À nouveau, c’est une question de point de vue, mais ici plus par rapport à l’endroit où l’on se place pour regarder. Il faut faire l’effort de passer de l’autre côté du miroir, d’essayer de se mettre à la place des autres. L’empathie, c’est très important pour moi.

 

  • Comment vous y sentiez-vous ?

Je me suis senti vraiment en décalage par exemple lors de soirées «BDSM » (domination/soumission, sado/maso) auxquelles j’ai assisté. Ce n’est clairement pas mon truc, mais j’y ai toujours été accueilli avec énormément de courtoisie. Ce sont des moments très forts, intimes quoique assez violents, avec beaucoup d’émotion. Les relations entre maître et dominé sont avant tout faites de respect, d’empathie, et de bienveillance. Le plaisir est le maître mot. Le plaisir de tous. J’ai à nouveau été étonné par l’immense distance qui sépare nos clichés de la réalité.

 

  • Quel était votre moteur?

La curiosité. La photographie est un excellent outil pour découvrir des univers que nous n’irions jamais explorer sans cet « alibi ». Et il y a des milliers de mondes à découvrir à deux pas de chez nous. Il n’est pas nécessaire de parcourir le monde pour être interpellé. On va y chercher quelque chose. On est voyeur certes, mais caché derrière un appareil photo. Notre présence est d’un coup plus légitime.

 

  • Parlez-nous des différents rituels et manifestations auxquels vous vous êtes confrontés.

Je préfère rester évasif… La plupart sont des manifestations publiques, assez accessibles, et faciles à photographier car les participants sont en représentation et n’ont donc aucun problème avec le fait que vous fassiez des images. D’autres événements étaient cependant plus privés, plus intimes, et m’ont demandé un travail d’approche plus conséquent avec une étape de mise en confiance.

 

  • Si la photo est une façon de rentrer en contact avec son sujet, vous êtes-vous immergé dans chaque situation ?

Je suis plutôt timide et préfère souvent rester en retrait, j’ai donc parfois des difficultés à m’immerger dans un groupe. La discrétion est importante pour moi et je préfère essayer de me faire oublier. J’avoue ressentir un plaisir égoïste et solitaire à regarder. Cette position de voyeur ne me dérange pas. Intimement, nous le sommes tous. Il faut juste l’assumer.

 

  • Quelle part de spiritualité cela a-t-il éveillé en vous ?

Je m’intéresse beaucoup aux rites païens, à la sorcellerie, au mysticisme, à la notion du « sauvage ». Je suis, depuis toujours, attiré par ce que je ne comprends pas. Cependant , je ne crois pas en grand-chose. Mais j’aimerais tellement avoir des réponses, par exemple au sujet de la mort qui me terrifie. J’en arrive parfois à envier les personnes qui ont des certitudes à ce sujet.

 

  • Quel était votre objectif ?

C’est une image subjective et romancée de notre petit pays, selon mon point de vue tout à fait personnel, guidé par l’envie de proposer des ambiances, de provoquer des émotions et susciter un questionnement au lecteur.

 

  • Que conseilleriez-vous à un touriste désireux de connaître la Belgique ?

Qu’il ne se cantonne pas aux classiques évidences et aille gratter au-delà du vernis touristique. La Belgique regorge de mondes étonnants. Mais ce conseil est valable pour tous les pays du monde.

 

  • Si vous deviez faire faire un parallèle entre le pays de votre femme, que vous illustrez dans Nosostros, et le vôtre ?

Pour moi, le Chili est la Belgique d’Amérique du Sud. Pour en revenir aux clichés, ils ont un humour que l’on pourrait facilement qualifier de douteux. Chacun de leurs hobbies est un prétexte pour boire et manger. Il y a des brasseries partout. Et ils ont cette même pudeur et humilité qui, pour moi, sont de belles et rares qualités.

 

  • Auriez-vous pu intégrer les gilets jaunes dans votre livre ?

Oui, pourquoi pas. Bien que l’imagerie des gilets jaunes soit peut-être trop ancrée dans notre réalité, dont j’essaie de m’écarter.

 

  • Inclusion ? Exclusion ?

Très clairement exclusion.

 

  • Un mot pour définir votre livre ?

Mayonnaise.

 

  • Un mot pour définir votre vision du belge – globalement ?

Inclassable.

 

  • Où se situe la beauté pour vous ? Quelles images incarnent ici la beauté ?

Franchement, je ne sais pas. Selon moi, les critères de beauté sont tellement personnels que chacun verra le beau là ou l’autre n’y verra que laideur.

 

  • En quoi croire ?

Déjà, croire en soi. En nos proches. Être convaincu que le bonheur existe. Que c’est un choix. Le reste, ce n’est que du bonus.

 

Le site de Simon Vansteenwinckel :

www.simonvansteenwinckel.com

 

LIVRE

PLATTELAND: Format 28 x 28 cm, 108 pages. Textes de Hugues Henry, Fabien Ribery, et Saïd Al-Haddad.
Édition Home Frit’ Home www.homefrithome.be

Le livre est en précommande à prix préférentiel jusqu’au 30 janvier 2019 :
https://www.ulule.com/platteland

 

EXPOSITION

PLATTELAND
Du 1er février au 4 mai 2019
Vernissage le vendredi 1er février de 18:00 à 21:30

Chez Home Frit’Home

Rue des Alliés 242. 1190 Bruxelles.

 

 

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