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Simon Baker par –Elisa Badii

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J’ai interviewé Simon Baker pendant son escale à Londres entre un voyage au Japon et son séjour à Arles. Simon Baker est l’une des quatre personnes qui ont désigné les nominés de cette année pour le Prix Découverte aux Rencontres d’Arles. Il est curator pour la Photographie et l’Art international à la Tate Modern depuis l’automne 2009. Le premier dans l’histoire du musée. Ses nominés sont Indre Serpytyte, Mark Ruwedel et Minory Hirata.

Nous avons commencé par caractériser le sens qu’il donne au mot découverte, les défis et les opportunités que cette récompense offre, pour lui, à ceux qui sont désignés. Baker admet volontiers que Les rencontres d’Arles ont un public très averti, qu’il est difficile de surprendre. Le but qu’il s’est fixé en tant que commissaire est de présenter quelque chose qui n’a jamais été vu auparavant. Il s’est demandé qu’est-ce que serait une découverte pour les visiteurs. Avec Indre Serpytyte, Mark Rudewel, et Minoru Hirata, Baker nous propose trois perceptions différentes du sens de ce mot.

Indre Serpytyte est une jeune artiste lituanienne, diplômée en photographie du Royal College of Art de Londres en 2009, dont le travail a déjà été montré dans des événements majeurs comme l’exposition annuelle de photographie du Victoria and Albert Museum en 2010. La même année, elle a aussi gagné le Flash Forward – Bright Spark Award de la Magenta Foundation. Quand j’ai demandé à Baker les raisons de son choix la concernant, il m’a dit qu’en la proposant pour le Prix Découverte, son intention était de montrer un travail complet sous tous ses aspects. Il m’a cité en exemple l’exposition de Boris Mikhailov en 2009 et le travail de l’un des nominés de l’année dernière, Leigh Ledare, Double Bind : des travaux d’une complexité comparable, au sein desquels toutes les parties semblent parfaitement s’intégrer et fonctionner à l’unisson. Baker a souligné plusieurs fois pendant notre conversation que la force d’Arles est d’offrir aux artistes l’opportunité de montrer des séries complètes, permettant ainsi au public de comprendre leurs œuvres dans toute leur profondeur : « Les photographies sont vues dans les meilleures conditions quand elles sont présentées en séries. »

Indre Sepytyte présente aux Rencontres 1944-1991, une série qui explore les conséquences politiques et sociales sur son pays de l’après-guerre : l’occupation par l’URSS, la mort de 20000 personnes (60000 selon des sources non officielles), et le rôle des partisans – connus sous le nom de « Frères de la forêt ». Chaque étape de son travail est présentée : des archives sur lesquelles ont porté initialement ses recherches jusqu’aux photographies des maisons de villages – dont les Russes avaient pris possession, en faisant un symbole de torture pour les habitants – en passant par ses carnets de croquis et les modèles reconstitués des maisons d’époque. Baker a tenu à souligner que la difficulté des recherches menées par l’artiste entre indirectement en compte dans son travail ; en fait, certains modèles des maisons manquent dans l’exposition, parce qu’il était impossible de retrouver leur trace dans les archives.

C’est à un autre sens du mot découverte qu’il est fait appel dans le travail de Mark Ruwedel : ici joue le contraste entre le nom d’un artiste reconnu qui évoque tout de suite un certain langage visuel et son nouveau travail qui l’emmène dans une nouvelle direction. Baker dit avoir eu la même expérience avec le travail récent d’Eugene Richards. Pendant une de ses visites à Ruwedel à Los Angeles, le commissaire a été surpris de découvrir un travail puissant et drôle qui repositionne les recherches du photographe dans notre présent. Ruwedel, qui a enregistré l’impact de l’activité humaine sur le paysage de l’Amérique de l’ouest pendant des années, avec Dusk et Dog Houses, abandonne ses préoccupations historiques et les références à un passé lointain. Dans 1212 Palms, Ruwedel applique son approche conceptuelle à la photographie de paysage, et joue avec la relation entre l’environnement et la manière dont nous le désignons, montrant la profonde connexion entre la photographie et notre pratique du paysage. 1212 Palms est une série de neuf photographies d’endroits qui ont été nommés en fonction du nombre de palmiers qu’on pouvait y trouver (Una Palma, Thousand Palm Oasis, …). Les neuf noms s’additionnent pour former le total de mille deux cents douze même si le nombre ne correspond pas à la quantité de palmiers visibles dans les photographies.
Baker souligne également le soin accordé par Ruwedel à ses tirages. Le photographe s’en occupe lui-même en utilisant un papier photo extrêmement rare pour un résultat d’une qualité exceptionnelle.

Le dernier nominé est Minoru Hirata, né à Tokyo en 1930, et âgé de 81 ans, connu surtout pour ses photographies des performances de l’avant-garde japonaise, dont Shinohara, Neo Dada, Yoko Ono, Hi Red Center, Nam June Paik et Zero Jingen. Baker trouve que son travail très sophistiqué est loin de se réduire à un simple enregistrement ou un reportage. Il voit dans la production d’Hirata des éléments qu’elle partage avec l’œuvre de grands photographes japonais d’après-guerre, comme Sherman Moriyama. Fasciné par son travail, le commissaire s’y est intéressé plus avant et a compris pourquoi il était si puissant visuellement. Ses recherches lui ont fait découvrir un aspect totalement différent de son activité qui date de la fin des années 60 – début des années 70, pendant l’occupation américaine d’Okinawa. À l’époque, Hirata est tout de suite attiré par la beauté des paysages naturels d’Okinawa, mais son principal centre d’intérêt est la situation géopolitique complexe de l’île. Pour Baker, la grandeur d’Hirata, qui fait de lui un artiste à part entière, est son sens du placement, et la manière dont il nous montre ce que peut faire une photographie pour révéler et enregistrer un espace. Les deux aspects du travail de Hirata seront montrés face à face, dans un subtil jeu de résonances.

Elisa Badii

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