La première rétrospective consacrée à l’œuvre d’Anna Bella Geiger (née en 1933, Rio de Janeiro) s’ouvre au S.M.A.K. fin mai. L’exposition comprend plus de 170 œuvres et s’étend sur une période de plus de cinquante ans. Des séries clés de l’œuvre de l’artiste seront présentées aux côtés d’installations historiques et d’œuvres de Geiger pour les Biennales de Venise et de São Paulo (1980 et 1981, respectivement).
Anna Bella Geiger appartient à la première génération d’artistes conceptuels en Amérique du Sud et est l’une des artistes contemporaines les plus importantes du Brésil. Son langage visuel unique, qui évolue depuis les années 1950, combine un examen critique de l’histoire et de l’identité brésiliennes avec le développement de techniques expérimentales. Pionnière de l’art vidéo brésilien, l’artiste a développé une pédagogie artistique radicale et créé des procédés d’impression innovants.
La quête d’autonomie artistique de Geiger est fortement liée à la réalité politique et sociale du Brésil. Pendant la dictature répressive (1964-1985), elle a utilisé des parties du corps aliénants et des cartes du monde pour commenter de manière poétique les relations de pouvoir changeants. À travers ces tropes visuels, elle a enquêté sur la relation complexe entre le corps, le territoire, l’image et le pouvoir, sans faire de déclaration politique explicite. Premières explorations de l’espace anthropomorphique et géographique, elles constituent aussi son approche de la cartographie comme outil idéologique ; une représentation de la réalité qui informe mais aussi qui contrôle. L’artiste subvertit la prétention inhérente à la vérité de ces représentations par la fluidité du langage, des techniques d’impression et d’édition et des matériaux tels que la cire et le fil.
Dans ses discussions sur ce langage visuel cartographique, Geiger inclut également des réflexions sur l’hégémonie politique et culturelle de l’Occident et les exclusions et stéréotypes qui en découlent. Elle a également consacré des séries à la scène artistique brésilienne et à la domination durable de l’art moderne. De façon sporadique, elle réalise également des autoportraits et intègre des informations plus personnelles dans son travail. Ce faisant, on entrevoit sa propre position « périphérique » d’artiste, de membre d’une famille vagabonde liée à la sphère domestique, en marge de la modernité occidentale.
L’exposition tire son titre de l’œuvre emblématique de Geiger « Brasil native / Brasil alienígena » de 1976/77, qui s’oppose à la représentation idéalisée des peuples autochtones au Brésil. Comme beaucoup de ses contemporains, elle interroge l’identité brésilienne (Brasilidade) dans cette série de cartes postales et la manière dont elle a été récupérée à travers les générations. Les questions postcoloniales, anthropologiques et féministes que l’on peut discerner dans cet ouvrage, et par extension dans l’œuvre multiforme de Geiger, n’ont rien perdu de leur pertinence aujourd’hui.
L’exposition est une collaboration avec le Museu de Arte de São Paulo Assis Chateaubriand (MASP) et est accompagnée d’un catalogue important.
Anna Bella Geiger : Native Brasil / Alien Brasil
29 mai 2021 – 7 novembre 2021
S.M.A.K.
Jan Hoetplein 1,
9000 Ghent
