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Richard Learoyd, In the Studio : des portraits qui cachent, plus qu’ils ne dévoilent

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In The Studio est la première exposition du photographe britannique Richard Learoyd dans un musée américain. Pourtant, il n’est pas inconnu aux Etats-Unis, puisqu’une exposition lui a été dédiée en avril dernier à la galerie new yorkaise Pace/MacGill et que la Fraenkel Gallery à San Francisco l’exposera en janvier prochain. In The Studio se concentre principalement sur les portraits réalisés par le photographe dans son studio, et c’est sans doute parce que sa manière de travailler fascine les commissaires de l’exposition. En effet, les photographies de Learoyd sont des exemplaires uniques, réalisés à l’aide d’une camera obscura de la taille d’une pièce, taille réelle. Le procédé est connu depuis des siècles et il rappelle les premières techniques de reproduction photographique de la fin des années 1830. Le studio de Richard Learoyd est moins artisanal : une fois exposé, le papier est directement inséré dans une tireuse couleur et le processus dure une vingtaine de minutes.

Certes, on comprend la fascination pour les tirages uniques et leur taille, qui avoisine les 150 cm x 120 cm, mais il y a un marketing insistant autour de ces portraits qui empêche de les voir pour eux-mêmes. C’est comme si « Richard Learoyd » devenait « du Richard Learoyd » et c’est une forme d’échec que de labelliser une œuvre de cette façon ; le discours de la critique et des galeristes a finalement eu raison de son travail. Bien plus, il se forme en nous une résistance naturelle quand on insiste trop longuement sur la virtuosité technique d’un photographe, comme si la photographie n’était qu’un procédé de reproduction. A l’heure d’Instagram, on comprend l’importance donnée à l’utilisation de la camera obscura, mais rappelons que In The Studio accompagne l’exposition Real/Ideal sur les primitifs français dont le propos est exactement contraire : c’est dans le dépassement de la technique que la photographie s’est affirmée comme art.

Ces portraits flottent dans une atmosphère inquiétante et ce sont sans doute les tonalités bleues et l’effet d’obscurcissement des coins qui accentuent ce sentiment de malaise. Le vignettage a un autre effet, peut-être encore plus important, qui est de transformer le spectateur en voyeur : on a l’impression d’être en faute, d’observer des gens à leur insu et on se surprend à traverser les quelques salles de l’exposition à une vitesse soutenue, comme pour ne pas être pris en flagrant délit. Ces photographies imposent leur propre rythme, c’est sans doute un des grands intérêts de l’exposition, mais on aurait aimé se reposer à la contemplation d’autres images de Richard Learoyd (et pas seulement sur ce satané flamant rose), comme ses paysages et ses natures mortes, qui sont absentes de l’exposition et qui sont pourtant magnifiques. Les sujets sont tous beaux, les poses sont hiératiques, ils ont l’air perdu, ils attendent, soumis, mais le photographe joue habilement du flou et de la mise au point. Finalement, ces portraits cachent plus qu’ils ne dévoilent.

Hugo Fortin

Hugo Fortin est un critique en photographie basé à New York.

Richard Learoyd : In the Studio
Jusqu’au 27 novembre 2016
Getty Museum
1200 Getty Center Drive
Los Angeles, CA
Etats-Unis

http://www.getty.edu/museum/

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